Dauphinews - Le magazine de la #D-Family - N°3 - Octobre 2020 - 22

FOCUS

"Le Covid

PEUT ACCÉLÉRER
LA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE"

Christian
de Perthuis
Professeur
d'économie

Économiste et auteur, Christian de Perthuis enseigne à Dauphine depuis plus de
20 ans, où il a fondé la chaire Économie du climat. En octobre, il a publié Covid-19 et
réchauffement climatique, plaidoyer pour une économie de la résilience.

Puisque cela est l'objet de votre
nouveau livre, quel impact la
crise sanitaire aura-t-elle selon
vous sur le réchauffement
climatique ?
À court terme, le virus a provoqué
une baisse des émissions de CO2
qu'aucune politique n'avait jamais
obtenue. Certains craignent un "effet
rebond" gommant un progrès
éphémère. Ma thèse est que la
pandémie va accélérer des transformations structurelles en lien avec
les objectifs climatiques. Prenons le
cas du transport. À court terme,
l'impact est massif puisqu'on a mis à
l'arrêt l'économie durant le confinement. À moyen terme, cela va laisser
des traces car la crise sanitaire
accélère la numérisation de
l'économie. Avec le télétravail, on
substitue du transport d'informations à du transport de personnes et
de marchandises. Par ailleurs, la
crise sanitaire a montré la fragilité
des chaînes de valeur issues de la
mondialisation et va insuffler une
tendance à la relocalisation. Nous
n'allons pas démondialiser, mais

Numéro 03 // octobre 2020

davantage prendre en considération
les risques liés à l'extrême mobilité.
Cela va réduire l'intensité des
mouvements, donc les émissions
de CO2.
Un enjeu plus complexe est lié aux
systèmes vivants. Avec la révolution
pasteurienne, on a cru en Occident
venir à bout des maladies infectieuses. Le nouveau coronavirus est
le troisième qui émerge depuis le
monde animal en dix ans. Le sida,
les grippes aviaires, toutes les
nouvelles épidémies proviennent du
monde animal. Ce n'est pas un
hasard. Les experts du monde
vivant nous alertent sur l'occurrence
croissante de ces risques du fait de
la perte de diversité des milieux
sauvages qui font office d'écran en
protégeant les sociétés humaines.
De même, l'extension et l'intensification des élevages, le commerce des
espèces sauvages sont des facteurs
de risque. Pour accroître notre
résilience face à la recrudescence de
ces épidémies, il convient de mieux
respecter la biodiversité en modifiant notamment les pratiques

agricoles. C'est aussi un volet majeur
de l'action climatique. Pour atteindre
la neutralité carbone, il est crucial de
renforcer la capacité du milieu
naturel à stocker le CO2 de l'atmosphère. Or, qu'il s'agisse des écosystèmes marins ou terrestres, la
capacité de capturer le CO2 de
l'atmosphère repose avant tout sur
la biodiversité. La crise sanitaire
révèle la fragilité de nos modes de
croissance, par rapport au climat et
à la biodiversité.
Ces transformations ne
risquent-elles pas d'être
seulement temporaires, par
exemple dans les transports ?
Dans le transport urbain, le confinement a été l'occasion d'élargir
l'espace dédié au vélo, ce qui a
favorisé sa pratique. Avec le
déconfinement, je n'ai pas vu qu'on
restreigne de nouveau cet espace.
Tous les changements de pratique
ne sont pas bénéfiques pour le
climat. La voiture individuelle est
vue par beaucoup comme un
bouclier protégeant contre le virus.

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