Dauphinews - Le magazine de la #D-Family - N°3 - Octobre 2020 - 23

covid

Cela peut détourner des transports
en commun. Dans le transport
aérien, la rupture me paraît également en partie irréversible. Le débat
s'est focalisé en France sur les lignes
intérieures. Pour les compagnies
aériennes, le transport à longue
distance est crucial. Il n'a pas encore
redémarré, les grands opérateurs ne
cessant de reporter la date de
reprise. La vérité est que la perspective d'un doublement du trafic
aérien tous les 15 ans qui prévalait
avant la crise sanitaire est totalement obsolète. C'est un coup d'arrêt
majeur qui va durablement affecter
les compagnies et l'industrie
aéronautique. Dans le transport
maritime, la croissance des trafics va
également être durablement
affectée par la valeur plus grande
désormais conférée aux approvisionnements locaux. Quant aux
croisiéristes, il leur faudra beaucoup
de temps et d'énergie pour faire
revenir leurs clients sur les
immenses complexes que sont
devenus leurs paquebots.
Nous parlons ici de
comportements individuels.
Qu'en est-il de la régulation,
des politiques ?
Il ne faut pas assouplir les régulations environnementales, comme le
réclame une partie du patronat.
Mais l'Europe tient bon. Les plans
de relance intègrent les questions
climatiques beaucoup mieux que
par le passé. Les régulations en
place, notamment dans le secteur
du transport, n'ont pas été démantelées. Le prix du quota de CO2 n'a
pas dévissé sur le marché européen
du carbone à la suite de la chute
des cours du pétrole.
Au plan macroéconomique, la
récession est très particulière. Elle a
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été provoquée par les gouvernements qui ont mis à l'arrêt l'économie pour stopper le virus. La relance
est facilitée par les investissements
publics, mais elle dépend beaucoup
du comportement des ménages :
ceux qui sont fragilisés financièrement par la crise et la forte hausse
du chômage, mais aussi ceux dont
les revenus n'ont pas baissé. Ils ont
constitué un énorme matelas
d'épargne involontaire. Si cette
épargne n'est pas maintenant
convertie en investissement ou en
consommation, l'accroissement de la
demande publique ne compensera
pas l'affaiblissement de la dépense
privée. L'économie patinera.
Quel avenir pour la transition
énergétique ?
La transition vers un système bas
carbone a démarré et est irréversible. Le problème est qu'elle est
trop lente au regard des contraintes
climatiques. Il faut l'accélérer. Le
Covid est un aiguillon qui agit dans
ce sens. Pour accélérer un peu plus,
il faudrait renforcer les régulations
qui renchérissent le coût des
énergies fossiles via la taxe ou le
système des quotas. Malheureusement, cette question est devenue
tabou en France, tant le politique a
été échaudé par le mouvement des
gilets jaunes.
Qu'en est-il du secteur
agricole ?
La planète hébergera bientôt huit à
neuf milliards d'humains. Pour les
nourrir, on ne peut pas compter sur
l'agriculture extensive. Il faut
déployer des méthodes d'intensification respectant la diversité des
écosystèmes et le couvert forestier.
C'est l'enjeu majeur de l'agroécologie, une mutation aussi fondamen-

tale que la sortie des sources
fossiles pour le système
énergétique.
Du côté de la demande, le Covid a
révélé combien la malbouffe et le
surpoids accroissaient la vulnérabilité face au virus. L'excès des
produits animaux dans la ration est
également en cause. Une alimentation plus sobre est bénéfique pour
la santé et réduit l'empreinte
carbone. Le Covid interroge aussi
sur le bien-être animal. Le pangolin,
pourtant théoriquement protégé
par une convention onusienne, était
commercialisé dans des conditions
épouvantables sur le marché de
Wuhan. Il a probablement servi de
réservoir intermédiaire entre la
chauve-souris et l'homme. Protéger
la santé des écosystèmes et le
bien-être des êtres vivants les
composant renforce nos défenses
contre les risques épidémiques. *

Il est inimaginable que le
choc du Covid-19, ayant
touché simultanément des
milliards d'humains, ne soit
qu'une simple parenthèse
avant le "retour à la
normale". Dans ce livre,
Christian de Perthuis tente
de discerner les
transformations dans l'organisation économique
et la sphère sociale susceptibles de modifier
demain les conditions de l'action climatique.
Octobre 2020, 160 pages, De Boeck Supérieur

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