Dauphinews - Le magazine de la #D-Family - N°3 - Octobre 2020 - 31

covid

prévisions sont de - 5 à - 6 % de
croissance dans le monde en 2020.
Le couple franco-allemand a
enregistré au deuxième trimestre un
recul de respectivement 13,8 % et
10,1 %. D'après le Bureau of Economic Analysis, le PIB américain s'est
contracté dans le même temps de
9,5 %. Des baisses plus fortes
n'étaient intervenues aux États-Unis
qu'aux premier et troisième
trimestres 1932, au cœur de la
Grande Dépression. À ce jour,
le Covid a fait près de 1 million de
morts dans le monde. Mais le bilan
de la grippe asiatique à la fin des
années 1950 oscille entre 1,5 et
4 millions de victimes selon les
estimations. Le Covid marque
également, dans un classique
mouvement de balancier, le retour
brutal des plans de relance - plus
de 3 000 milliards de dollars aux
États-Unis ! - et de l'État providence. L'Europe va emprunter sur
les marchés financiers 750 milliards
d'euros. Lentement, la page du
Covid, même toujours menaçante,
commence à être tournée, laissant
derrière elle, au sein des pays
occidentaux, des monceaux de
dettes, des entreprises fragilisées et
des chiffres records de chômage. Un
pays comme l'Espagne a déjà perdu
plus de 1 million d'emplois. Mais,
ainsi que l'indique l'ONU, on meurt
toujours plus de famine que du
Covid dans le monde, au rythme de
25 000 personnes chaque jour, et à
un âge bien plus jeune que celui de
la majorité des victimes du coronavirus. À l'heure des taux d'intérêt
négatifs, l'or reste plus que jamais la
valeur refuge : l'once a dépassé les
2 000 dollars. La Chine a retrouvé le
chemin de la croissance : + 3,2 % au
deuxième trimestre.
Dauphinews

Quelle lecture de la crise nous
fournit le marché des matières
premières, dont vous êtes un
spécialiste ?
Là encore, cette crise n'a pas généré
de bouleversement total. Avec un
repli de 8 % en 2019, la tendance
générale était celle d'un déclin des
prix sur des marchés. Au cœur de la
crise, l'effondrement le plus spectaculaire a logiquement été celui du
pétrole. Le 34e rapport Cyclope,
publié début juin, estime que les
cours ont chuté de 60 % de janvier à
fin avril 2020. Mais la tendance
baissière, provoquée par les
producteurs eux-mêmes, et au
premier chef par l'Arabie saoudite,
était déjà manifeste l'an dernier.
Grâce aux efforts de ces mêmes
producteurs, le baril de Brent a
rebondi depuis, passant le plus gros
de l'été autour des 40 dollars. La
crise sanitaire ne s'est pas accompagnée d'une crise alimentaire. Les
marchés agricoles restent marqués,
comme précédemment, par
d'excellentes conditions climatiques.
Le monde devrait ainsi produire en
2020/2021 quelque 3 340 millions
de tonnes de grains. Des excédents
pèsent aussi sur les marchés du
café, du sucre et du cacao. La baisse
des marchés risque de se poursuivre sur l'ensemble de la décennie.
Comment imaginez-vous
le "monde d'après" ?
Les tentatives de prospective, de
vision du futur, sont presque par
nature vouées à l'échec. Cette crise
vient plutôt illustrer cruellement ce
"grand désordre du monde" dont
nous avions fait un des sous-titres
du CyclOpe 2020. Les notions
d'entreprise à mission, de prise en
compte de valeurs qui ne s'expri-

Philippe Chalmin a publié
en février 2019
chez François Bourin
Une brève histoire
économique d'un long
e
XX siècle : 1913-2018 -
d'une mondialisation à
l'autre.

ment pas dans le champ de
l'économie classique ou encore de
décroissance me laissent sceptique.
Une entreprise a vocation à se
développer et à créer de la richesse,
même si elle est "immatérielle", et je
ne pense pas que l'on assiste au
chant du cygne des idées néolibérales. Le catholique que je suis est
convaincu qu'il y a chez l'homme un
aspect prométhéen : il avance en
connaissances et fait ses choix,
tiraillé entre liberté individuelle et
solidarité. Dans mon dernier
ouvrage, j'explique en substance
que l'histoire économique du
XXe siècle est surtout celle de la
recherche, jamais achevée, de
l'équilibre entre croissance et justice
sociale. Celle du XXIe siècle pourrait
bien lui ressembler. Et quitte à se
livrer au jeu des pronostics, qui sait
si la vraie grande nouveauté n'est
pas dans le recul démographique
désormais envisagé par les spécialistes. Une étude publiée récemment
par The Lancet revoit à la baisse
l'estimation de la population
mondiale à l'horizon de 2100. Après
un pic de population à 9,7 milliards,
prévu en 2064, elle redescendrait à
8,8 milliards en 2100, 1 milliard de
plus qu'aujourd'hui, mais 2 milliards
de moins que la prévision du dernier
rapport de l'ONU. Le défi de
l'humanité reste toujours le même :
apporter une graine de bonheur à
ces 9 milliards d'êtres humains. *

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