Dauphinews - Le magazine de la #D-Family - N°5 - Juillet 2021 - 19

idée
plaignent depuis longtemps de
l'absence de protection et de la
compétition effrénée qui sévit
dans leurs rangs, n'ont pas
connu d'améliorations malgré
plusieurs décisions de la Cour
de cassation jugeant " fictif " le
statut d'autoentrepreneur qui
est généralement imposé aux
travailleurs de plates-formes, et
malgré la publication du
rapport Frouin indiquant que la
meilleure solution serait de les
salarier.
D'une manière plus générale,
la pandémie a accéléré un
certain nombre de tendances
à l'œuvre depuis plusieurs
décennies dans le monde du
travail : l'externalisation de
nombreuses tâches, mais
également la plateformisation
et la " tâcheronisation " du
travail, soutenues et accompagnées
par un fort développement
du numérique. Alors qu'il
était très peu développé, le
télétravail a concerné pendant
le premier confinement près de
40 % des personnes en emploi,
principalement les cadres,
Dauphinews
professions intermédiaires et
employés, et les avantages de
cette formule ont été à un
moment plébiscités par les
salariés. Si certains souhaitent
pouvoir conserver cette forme
de travail, d'autres se plaignent
de l'isolement qu'elle engendre,
ainsi que des risques d'explosion
des collectifs de travail et
d'affaiblissement du salariat.
On peut craindre plus généralement
qu'un processus dans
lequel les entreprises recourraient
massivement à cette
formule en développant le flex
office finisse par entraîner un
considérable relâchement du
lien salarial et un recours plus
facile à des prestations de
services délocalisées dans le
monde entier. Une telle
dynamique serait facilitée par
la plateformisation et la
tâcheronisation du travail,
c'est-à-dire le recours de plus
en plus fréquent à des platesformes
distribuant des
microtâches vers la foule grâce
au numérique (crowdworking).
Même s'il ne concerne pour
l'instant que peu de travailleurs
et de secteurs, on peut craindre
une forte expansion si des
règles ne sont pas édictées.
La diffusion très rapide du
numérique a également
accéléré le recours aux achats
en ligne et donc au travail dans
les entrepôts : dans ceux-ci
comme en dehors, on assiste
au déploiement massif du
management par algorithme et
de formes de direction et de
contrôle de l'activité à distance,
qui font dire à certains auteurs
que nous rentrons dans un
capitalisme de surveillance qui
comporte de forts risques de
déshumanisation du travail et
de perte d'autonomie des
travailleurs.
Pourtant, la pandémie est
d'abord un formidable coup de
semonce : elle dévoile les
fragilités de nos systèmes et
notre impréparation. Dans ce
sens, elle constitue une forme
d'opportunité : elle nous permet
en effet d'imaginer les difficultés
auxquelles nous devrons
faire face pour gérer d'autres
crises, en particulier la crise
climatique. Elle nous invite
donc à anticiper celle-ci, à
tenter de la repousser autant
que faire se peut et donc à
engager nos sociétés de toute
urgence dans la reconversion
écologique. Celle-ci, soutenue
par un plan d'investissement
massif, devrait permettre de
répondre à la double crise de
l'emploi et du travail que
traversent nos sociétés. D'une
part, en effet, elle devrait
générer de très nombreux
emplois (dans la rénovation
des bâtiments, l'agroécologie, le
verdissement des procédés
industriels, les infrastructures,
les énergies renouvelables),
mais elle pourrait également,
grâce à la démocratisation et à
la démarchandisation du travail
telle que nous la proposons
dans le Manifeste Travail,
permettre de redonner à
celui-ci tout son sens. Dès lors,
plus qu'une numérisation sans
frein du monde du travail, c'est
bien plutôt son écologisation
que nous devrions dès
aujourd'hui promouvoir. *
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