Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - 32

NOTRE SÉLECTION
LES DETTES PUBLIQUES AU TEMPS DU CORONAVIRUS
Publié par Henri STERDYNIAK, ENSAE 1975 | 28/12/2020 | Variances
a crise sanitaire accentue deux tendances fortes de l'évolution monétaire
de ces dernières années : le gonflement des dettes publiques et le bas
niveau des taux d'intérêt. Dans tous les pays développés, les États ont
pris des mesures massives de soutien des entreprises et des ménages ; les déficits
publics qui en ont résulté ont été financés sans difficulté à des taux d'intérêt très
faibles pour la plupart des pays. Le gonflement des dettes publiques posera-t-il
problème pour l'avenir ? Plusieurs propositions ont été faites pour annuler ou
monétiser les dettes publiques. Sont-elles réalistes ?
L
La hausse des déficits publics a été financée
La crise sanitaire se traduit par une forte hausse des déficits et des dettes publics
dans l'ensemble des pays développés. Selon le FMI (Perspectives de l'économie
mondiale, Avril 2020), la perte moyenne de production dans les pays avancés serait
de 8 % en 2020, dont 2,5 points seraient rattrapés en 2021, laissant donc en 2021
un écart de 5,5 % par rapport à la tendance d'avant crise ; le déficit public
augmenterait en moyenne de 7,6 points de PIB en 2020 (les finances publiques
prendraient donc à leur charge 75 % de la baisse du PIB en 2020), dont 2,4 points
persisteraient en 2021 ; le ratio dette/PIB augmenterait de 16 points. Même en
Europe, la crise a fait oublier les dogmes néo-libéraux de l'impératif de l'équilibre
budgétaire.
Le principe des économies monétaires modernes est que les États doivent toujours
pouvoir financer leur déficit public. La Banque centrale s'engage à refinancer les
banques à un taux de refinancement qu'elle fixe ; les banques s'engagent à acheter
les titres à court terme que l'État veut émettre, qu'elles pourront toujours placer
auprès de la Banque centrale, dans le cas où elles ne réussiraient pas à les placer
auprès du public ou d'autres institutions financières. L'État a, de fait, un droit de
tirage illimité sur la Banque centrale, à un taux proche du taux de refinancement.
Les marchés financiers n'anticipent ni de forte reprise de l'activité, ni celle de l'inflation,
ni généralement de risque de défaut. Ils anticipent donc le maintien des
taux d'intérêt à de bas niveaux. Ainsi, les États ont pu se financer à des taux très
faibles, à court comme à long terme. Une fois encore, il apparaît que le creusement
des dettes et des déficits publics, lorsqu'il a lieu en période de dépression
économique, s'accompagne d'une baisse et non d'une hausse des taux d'intérêt
(contrairement à ce que prétend la théorie néo-classique).
Dans la zone euro, depuis le déclenchement de la crise sanitaire, la plupart des
pays peuvent s'endetter à des taux négatifs jusqu'à des échéances de 10 ans. En
2020-21, la France devrait s'endetter (en net, hors charges d'intérêt) d'environ
300 milliards, qui lui seront fournis à taux pratiquement nul par les institutions
financières. Il est difficile d'évoquer " un mur de la dette " , qu'il faudrait briser.
Par contre, la prime de risque s'est creusée pour l'Italie jusqu'à 2 points. Les marchés
n'ont aucune crainte sur la dette publique des États-Unis (malgré Trump), du
Royaume-Uni (malgré le Brexit) ou sur celle du Japon (qui atteint 240 % du PIB).
Ils ont des craintes sur celle de l'Italie parce que celle-ci n'est pas garantie par la
BCE, qu'il y a le précédent de la dette grecque, qu'une crise aboutissant à une
sortie de l'Italie de la zone euro n'est pas totalement inenvisageable, d'autant que
les marchés peuvent craindre leur propre emballement auto-réalisateur. Une fois
de plus, la crise sanitaire montre que la zone euro est un édifice fragile.
Les solutions magiques
Durant la crise sanitaire, les États accumulent de la dette tandis que les agents
privés accumulent globalement des actifs financiers. Le risque est que la demande
reste longtemps morose. L'incertitude pèsera sur les dépenses des ménages et
l'investissement des entreprises. Le soutien à l'activité restera nécessaire.
Dans cette situation, comment gérer les dettes publiques ? Trois solutions
innovantes ont été proposées.
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La première consisterait à annuler une partie de la dette publique, au détriment
de ses détenteurs. Or ceux-ci ne sont pas les plus riches, lesquels ont d'autres
instruments de placement que des titres publics (qui rapportent actuellement des
taux d'intérêt nuls, voire négatifs), que ce soit dans l'immobilier, dans des instruments
financiers plus risqués ou, pour les plus riches, dans leur entreprise.
Ce sont des ménages des classes moyennes (qui les détiennent sous forme
d'assurance-vie ou d'OPCVM. Ils ont fait confiance à l'État français en lui prêtant
à des taux très faibles, n'incorporant pas de prime de risque : ils sont disposés à
lui prêter de nouveau. On ne peut les spolier en épargnant les plus riches.
La France n'est pas en faillite, elle ne peut prétendre être dans l'impossibilité de
servir sa dette. Les institutions lésées porteraient plainte devant les tribunaux,
français ou internationaux, et auraient gain de cause. Évoquer la possibilité
d'annulation partielle de la dette pourrait effrayer les épargnants, provoquer une
hausse des taux d'intérêt et donc générer une crise de la dette.
Les dettes publiques ne seraient plus considérées comme sans risque ; ce qui
imposerait aux banques d'immobiliser des fonds propres pour en détenir. Les pays
qui auraient procédé à de telles opérations auraient du mal à emprunter de nouveau
pour financer, par exemple, la transition écologique. Heureusement, cette
proposition n'est pas prise au sérieux.
Certains suggèrent, plus modestement, d'émettre des titres de dette perpétuelle,
que l'État ne rembourserait jamais, dont il n'aurait qu'à servir les intérêts. George
Soros [1] propose de les émettre avec un taux d'intérêt de 0,5 %. Mais quelle institution
financière achèterait de tels titres, avec lesquels elle serait éternellement
collée si les taux remontaient ? L'État devrait proposer des taux beaucoup plus
élevés ou des taux indexés, ce qui réduit l'intérêt de la proposition.
La deuxième consisterait à faire tourner la planche à billets ou à " monétiser "
la dette publique. Mais, qu'est-ce que la planche à billets en 2020 ? La question
n'est pas : " L'État peut-il distribuer de l'argent aux ménages et aux entreprises en
période de crise ? " . Nous l'avons vu : en 2020, les États peuvent emprunter et distribuer
toutes les sommes qu'ils désirent [2].
Cet argent n'est ni distribué, ni détenu sous forme de billets. Il n'y a pas de planche
à billets à faire tourner, mais il n'existe pas non plus de ressources supplémentaires
à taux d'intérêt obligatoirement nul.
Imaginons que l'État verse 100 milliards aux ménages précaires, qui les dépensent
entièrement. Cela va générer un effet multiplicateur sur la production si l'économie
est en sous-emploi. Supposons que le taux d'épargne moyen des ménages sur leur
revenu courant est de 0,7 et que le taux d'imposition de la production est de 0,3 [3].
Le multiplicateur keynésien est alors de 2, la production va augmenter de 200
milliards et donc les rentrées fiscales de 60 milliards. Ex post, le déficit public,
comme l'épargne des ménages, augmentera de 40 milliards. L'effet sur le déficit
public est nettement plus faible que la dépense initiale.
Mais ces 40 milliards ne seront pas détenus sous forme de billets. Ils le seront
par exemple pour 20 milliards en titres (par l'intermédiaire de l'assurance-vie
notamment) et pour 20 milliards en dépôts bancaires rémunérés. Les banques n'ont
aucune raison a priori d'augmenter leurs crédits. Elles pourront donc acheter les
20 milliards de titres publics que l'État va émettre. Ex post, l'État sera endetté de
40 milliards supplémentaires rémunérés au taux des titres de court ou de long
terme. Savoir quelle part de ces 40 milliards relève du financement monétaire est
une question qui n'a aucun sens.
Comme les taux sont nuls actuellement, la hausse de l'endettement ne pose pas
de problème ; si, à l'avenir, les taux d'intérêt remontaient, les charges d'intérêt
augmenteraient. Mais cette remontée ne devrait avoir lieu que si s'ouvre une période
de fortes croissance et inflation, donc avec d'importantes rentrées fiscales et un
taux d'intérêt corrigé de la croissance relativement faible, de sorte que la situation
des finances publiques ne serait pas forcément tendue.
ENSAE Alumni Annuaire 2021

Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE

Table des matières de la publication Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE

Sommaire
Édito de la présidente du GENES
• Édito du Directeur de l’ENSAE
• Édito de la Présidente d’ENSAE Alumni
• Édito du directeur de l’INSEE
• Notre sélection
- Le prochain Président de la République sera confronté à de grandes difficultés économiques
- Pour participer à un projet qu’ils considèrent comme moralement souhaitable, beaucoup de salariés sont prêts à investir en actions”
- Comment s’est réparti le coût macroéconomique de la crise sanitaire ?
- Le monde d’après : “les idées simplistes faisant d’un déficit public sans limite la panacée sévissent toujours en Europe”
- L’argent magique provoque de multiples dégâts
- Dette, faut-il s’inquiéter ?
- Des effets économiques et financiers du Coronavirus 2019
- Impact du COVID-19 sur l’économie française à partir des données alternatives en temps réel
- Maîtriser les chiffres pour ne pas céder à la panique économique
- Arbitrages socioéconomiques et démocratie
- Les dettes publiques au temps du coronavirus
- Liste alphabétique des annonceurs
- Liste par promotion
- Liste géographique
- Liste par entreprise
- Liste des organismes internationaux
- Liste alphabétique des annonceurs
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - Couv4
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - Couv
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - Couv2
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - Couv3
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Liste alphabétique des annonceurs
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - 2
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - Sommaire
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - Édito de la présidente du GENES
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - • Édito du Directeur de l’ENSAE
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - • Édito de la Présidente d’ENSAE Alumni
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - • Édito du directeur de l’INSEE
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - • Notre sélection
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - 14
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Le prochain Président de la République sera confronté à de grandes difficultés économiques
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Pour participer à un projet qu’ils considèrent comme moralement souhaitable, beaucoup de salariés sont prêts à investir en actions”
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Comment s’est réparti le coût macroéconomique de la crise sanitaire ?
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Le monde d’après : “les idées simplistes faisant d’un déficit public sans limite la panacée sévissent toujours en Europe”
Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - L’argent magique provoque de multiples dégâts
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Dette, faut-il s’inquiéter ?
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Des effets économiques et financiers du Coronavirus 2019
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Impact du COVID-19 sur l’économie française à partir des données alternatives en temps réel
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Maîtriser les chiffres pour ne pas céder à la panique économique
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - - Arbitrages socioéconomiques et démocratie
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Annuaire 2021 - ASSOCIATION DES ALUMNI DE L’ENSAE - 36
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