REFLETS MAGAZINE - N°138 - Mai/Juin 2021 - Revue d'information et de réflexion économique - Preview - V

VDE
LE MÉTIER D'AVOCATS
Qu'avons-nous fait
de l'humanisme,
valeur cardinale de l'Essec ?
Après avoir débuté sa carrière dans de grands cabinets fiscalistes, Thibaut de Saint Sernin (E98)
a effectué un virage à 180° en rejoignant un petit cabinet familial spécialisé dans la défense
des cadres supérieurs et dirigeants. Il nous explique les raisons de ce choix à contre-courant.
Retracez-nous les étapes marquantes
de votre parcours professionnel.
Comme
une minorité de camarades,
c'est à l'Essec que j'ai décidé
de devenir avocat.
Après le cursus droit dispensé à
l'école, j'ai fait jouer l'équivalence
du diplôme pour enchaîner ensuite
licence, maîtrise (pardon L3,
M1), puis CRFPA, tout en commençant
à travailler en même
temps chez Arthur Andersen en
tant que fiscaliste.
J'ai adoré cette période : la fiscalité
est une matière très technique,
qui requiert une grande
V
ingéniosité ; nous la mettions au
service de multinationales dans le
but constant de leur permettre de
payer toujours moins d'impôts.
J'en tirais une grande satisfaction,
les impôts étant, à mes yeux, une
confiscation par la collectivité de
la valeur créée par les entreprises,
de sorte qu'il était souhaitable de
jouer le jeu des secondes contre la
première.
Mais l'affaire Enron a balayé
Arthur Andersen en 2002 en
quelques semaines, et après un
passage chez Ernst & Young qui
avait repris ce qu'il en restait, j'ai
participé en 2004 à un spin off très
prometteur de 6 avocats (2 associés,
4 collaborateurs dont moi)
pour créer un cabinet de fiscalistes
indépendant, qui est aujourd'hui
incontournable dans
son domaine.
J'en ai démissionné au bout d'un
an seulement, estimant que les associés
n'avaient pas respecté leurs
engagements à notre égard face à
un succès aussi fulgurant que mérité.
Question de principe !
En 2005, j'ai donc rejoint le cabinet
Saint Sernin, spécialisé dans la
défense des cadres supérieurs et
dirigeants.
Aujourd'hui, vous n'êtes plus
du côté des entreprises (contre
le fisc), mais plutôt contre les
entreprises, du côté des salariés.
Quelles sont les principales
problématiques auxquelles vos
clients sont confrontés ?
Avant toute chose, je fais le constat
que la formulation clivante de
l'énoncé ci-dessus est une bien
triste réalité : à l'ère du capitalisme
exacerbé, la nouvelle idéologie
ambiante est qu'il ne peut pas
y avoir de jeu gagnant-gagnant
entre les entreprises et les individus
qui les composent, en ce compris
les cadres.
Le temps où les cadres étaient
préservés, y compris et surtout à
l'occasion d'un départ contraint
(quand on ne pouvait vraiment
plus faire autrement), avec de
grosses indemnités de départ à la
clé, est aujourd'hui révolu.
Désormais, avec l'arme absolue du
plafonnement judiciaire des indemnités
judiciaires, le bien nommé
plafonnement « Macron », les
décisionnaires ont la gâchette facile,
précisément parce que les enjeux
financiers d'une rupture sont
limités, quand le financier gouverne
tout ou presque.
REFLETS#138

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