REFLETS MAGAZINE - N°139 - Juillet/Août 2021 - Revue d'information et de réflexion économique - Version Preview - 20

L'ACTUALITÉ
LES MARDIS
Débat animé par
Axel Lagrasse >E24,
Killian Waeckel >E24,
Kévin Couturier >E24
et Victor Lebrun >E23
Édouard Philippe
SE CONFIE
AUX MARDIS
L'ancien Premier ministre et actuel maire du
Havre à la barbe presque blanche a offert le
visage d'un vieux sage aux Mardis de l'ESSEC,
évitant de rouvrir les dossiers qui ont émaillé
ses mandats pour plutôt se livrer à une
réflexion sur l'exercice du pouvoir et le sens de
l'engagement politique.
J
e ne crois pas du tout que
la politique soit la même
chose que l'épicerie - mais
permettez-moi ce parallèle...
Quand vous gérez
une supérette, vous parlez à vos clients
tous les jours ; quand vous êtes président
de Carrefour, vous ne les croisez
plus que rarement ; vous faites le
même métier, mais dans une relation
différente au monde. J'ai vécu le même
hiatus entre la gestion d'enjeux locaux
en tant que maire, et la gestion d'enjeux
nationaux en tant que ministre. »
La publication de son livre Impressions
et Lignes claires l'a-t-il désinhibé ? Un
an après son départ de Matignon,
Édouard Philippe n'hésite pas à faire
part des doutes et des frustrations qui
l'ont traversé durant son mandat.
« Quand vous exercez des fonctions
régaliennes, vous êtes condamné à
l'isolement. Par essence, vous vous
retrouvez éloigné du terrain, vous perdez
le contact direct avec les administrés.
Vous ne voyez plus que des représentants
de représentants. C'est un fait
incontestable et, à mon sens, indépassable.
Vous avez les effets de cour, vous
avez les contraintes de sécurité, vous
avez les déplacements constants, vous
avez aussi la solitude des décisions
qu'il faut prendre. Ça peut peser. »
Seule solution : trouver des « forces de
rappel », des proches et des conseillers
auxquels s'en remettre et auxquels faire
confiance. D'où peut-être sa valeur
cardinale, affirme-t-il : la loyauté. De
quoi surprendre ceux qui lui reprochent
d'avoir quitté son parti - deux fois :
d'abord le PS pour co-fonder l'UMP,
ensuite Les Républicains pour rejoindre
Emmanuel Macron. Il répond à l'objection
en citant Churchill : « Il vaut mieux
changer de parti pour rester fidèle à ses
idées que changer d'idées pour rester
fidèle à son parti. »
Édouard Philippe dresse d'ailleurs un
portrait sévère des partis français. « Ils
ont très mauvaise presse et force est de
reconnaître qu'ils font beaucoup pour
le mériter. Les grandes familles qui ont
porté les majorités gouvernementales
pendant des décennies ont lâché les
marqueurs de leur identité : la gauche
ne parvient plus à trancher le débat entre
croissance et décroissance, la droite
n'arrive plus à ratifier un traité de libreéchange...
Ce qui constituait des séparateurs
forts n'est plus que ligne floue.
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