REFLETS MAGAZINE - N°139 - Juillet/Août 2021 - Revue d'information et de réflexion économique - Version Preview - 21

Notre politique
énergétique ne peut
pas se réduire à un
débat pour ou
contre le nucléaire.
On entend beaucoup de voix individuelles,
mais on ne perçoit plus de
cohérence collective, de doctrine. »
Pour autant, ne nous y trompons pas :
« Vous ne pouvez pas avoir de débat
public, autrement dit de querelle civilisée,
sans formation organisée pour
structurer l'expression de l'opinion. » Il
cite cette fois de Gaulle : « Les partis
concourent à l'expression du suffrage. »
De fait, Édouard Philippe est inquiet
pour la démocratie française. « On a du
mal à parler des grands enjeux de notre
pays. Par exemple, notre politique énergétique
ne peut pas se réduire à un
débat pour ou contre le nucléaire. Ces
postures ne traduisent pas la complexité
du sujet. Ce n'est pas raisonnable, et
c'est même dangereux. »
Il attribue cette polarisation à l'économie
de l'attention qui prévaut aujourd'hui,
notamment dans les médias.
« Pour captiver un auditoire soumis à
des sollicitations toujours plus nombreuses,
on privilégie la polémique, le
clivage, l'excès, au détriment de la
nuance, du détail, sur des problématiques
qui pourtant n'ont pas de solution
facile. C'est aussi le résultat d'un
système qui donne la parole à beaucoup
plus de monde qu'avant... »
Faut-il voir dans cette dernière remarque
une pique à l'égard des
chantres de la démocratie directe qui
l'ont tant chahuté pendant la crise des
Gilets jaunes ? « Je ne suis pas opposé
à la démocratie participative, à l'idée
d'associer les citoyens aux décisions
pendant la législature et pas seulement
lors des élections. C'est d'ailleurs une
chose que tous les maires, moi le premier,
font déjà : le principe des concertations
publiques existe depuis longtemps,
peut-être même depuis
toujours. Mais ce qui est praticable à
l'échelle locale s'avère objectivement
plus compliqué à l'échelon national.
Depuis des années on s'arrache les cheveux
- ou ce qu'il en reste... - pour
trouver les procédures adaptées. Ça
prend du temps, ça coûte de l'argent, et
ça ne permet pas forcément d'aboutir
à un consensus, comme l'a montré
Notre-Dame-des-Landes. » Même
réserve sur l'expérience de la Convention
citoyenne pour le climat. « Je n'ai
pas d'objection au principe du tirage au
sort, tant qu'on évite au maximum les
biais possibles. Mais je questionne la
légitimité qu'il donne par rapport à celle
du vote. C'est très bien d'impliquer des
citoyens de cette manière - d'autant
que ça leur donne conscience de la
difficulté de l'exercice. Mais leur travail
ne doit pas selon moi s'imposer par
rapport à celui des parlementaires. »
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