Centraliens - N°628 - La revue des Arts et Manufactures - Août/Septembre 2013 - 8

Charles Wyplosz

nomistes occidentaux, tout était à créer, à
recommencer. Cela pose question évidemment, on est amené à beaucoup réﬂéchir. Des
interrogations liées aux événements de 68 que
j'ai vécus à Centrale : pas intéressé à l'argent
ou à la gloire mais la volonté d'être utile pour
la société.
Ce fut une expérience unique.

Vous avez beaucoup travaillé sur
la monnaie et le système monétaire
européen ; la crise européenne
on en sort quand et comment ?
Je suis très inquiet pour l'Europe. J'ai eu à
conseiller la commission européenne sur les
stratégies d'intégration économique.
Dès le début de la crise, les gouvernements ont
eu tout faux ! Incompréhension des phénomènes, les erreurs se sont accumulées depuis
3 ans. On les voit faire et c'est très frustrant.
Les problèmes de fond n'ont pas été traités, on
n'a pas progressé. Regain d'explosion en Grèce
(la dette est de 170 %) en Italie… Et la dette
a explosé dans tous les pays de la zone Euro.
L'Allemagne va s'épuiser, elle se fragilise bien
que son industrie soit performante.
C'est un jeu de dominos. On aurait pu éviter
ces scénarios. Début 2010, j'avais demandé
une restructuration de dettes publiques…
Et ce n'est pas fini. Les banques n'ont pas été
nettoyées.
Réformer en France, ça fait 30 ans qu'on n'y
arrive pas. Performance économique désastreuse, déficit budgétaire et difficulté à stabiliser le budget. Les solutions ont été décrites
dans de nombreux rapports, y compris des
rapports officiels. À chaque fois on glorifie le
rapport (politiquement) et ça ne bouge pas ;
comme si les grandes lois de l'économie ne
s'appliquaient pas à la France.
On est bons dans beaucoup de domaines,
mais c'est ce que chaque pays s'imagine. Au
fond, cette idée qu'on les meilleurs est fausse.
Les multinationales ne sont plus françaises,
elles sont globales. Les retombées sur l'économie Française sont limitées. C'est le monde de
2013.
La France est dans le peloton de tête pour les
élites scientifiques mais ça ne bénéficie pas à
la France.
Google n'aurait pas pu voir le jour en France,
tout est bloqué, coincé de partout, tout est
lourd, compliqué…

La crise n'inspire pas nos politiques
à innover ?
Ils savent bien que ça va mal. Les politiques
ne sont pas courageux. Ils font des compromissions, sont prudents et s'engagent rarement dans la voie de l'originalité.
Nicolas Sarkozy avait promis de faire bouger
les lignes, il n'a pas réalisé 10 % de ce qu'il
avait annoncé. François Hollande n'est pas un
réformateur, il subit beaucoup de pression et il
sera obligé de faire des réformes. Ce n'est pas
spécifique à la France, Schröder en Allemagne
a été confronté aux mêmes difficultés, et il a
fini pas sauter le pas.
L'Europe du Nord y arrive mieux mais ce sont
des pays relativement homogènes, plus petits
donc plus solidaires et avec une tradition de
transparence du pouvoir.
La crise paralyse plus qu'elle n'inspire à innover. Et la commission européenne maintient
des objectifs de réduction de déficit, c'est un
non-sens économique.

Qu'allez-vous faire
dans les 10 prochaines années ?
La même chose, je vais continuer je ne veux
pas m'arrêter.
Je me consacre également depuis quelques
années à une activité nouvelle pour moi, celle
de vigneron.
J'ai acquis un domaine en Provence, une
minuscule entreprise qui propose un produit
d'appellation "Côtes-Du-Rhône". La passion
et hasard de la vie m'ont conduit vers cette
nouvelle activité.
Nous avions une maison dans le sud de la
Drôme entourée de vignes. La rencontre avec les
vignerons et les habitants des villages s'est faite
naturellement. En 2007, j'ai eu l'opportunité de
récupérer un vignoble et on s'est pris au jeu on a
créé notre vin "Domaine Gris des Bauries".
On produit 30 000 bouteilles par an. C'est très
peu mais cet accident heureux de la vie me
réjoui, je me pince tous les jours !
■

www.gris-des-bauries.com
pour connaître les vins du domaine

Centraliens no628 [août/septembre 201
3]

http://www.gris-des-bauries.com

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