Centraliens - N°628 - La revue des Arts et Manufactures - Août/Septembre 2013 - III

François Charlot

Toute la promo 1971 se souvient de François Charlot qui
fut le président d’un Comité Des Fêtes mémorable, un
seigneur de l’extravagance déjantée, outrancier et provocateur. Au sein et autour de son équipe CDF se créa un
groupe indissoluble d’amis centraliens et HECJF.
Au cours de son service militaire, sous-lieutenant dans
les commandos d’infanterie de marine, il se rendit
célèbre en étant le premier à ramener en Jeep au petitmatin les adjudants-chefs qu’il avait saoulés en faisant
une tournée des bars de Vannes.
Il démarra sa carrière comme ingénieur-conseil dans le
secteur du textile.
Parce que je venais de m’acheter, quatre ans après la sortie de l’ECP, une propriété viticole près de Saint-Émilion,
nous décidâmes tous deux de quitter les groupes qui
nous employaient et de trouver deux entreprises à diriger dans la ville voisine de Libourne, afin de vivre dans
cette région qui nous avait séduits.
Un an plus tard c’était chose faite. Il avait choisi naturellement une entreprise de textile. Il s’installa dans un
ancien relais de poste, se maria et eu trois enfants.
Pendant toute sa carrière il dirigea la même usine, sous
les bannières successives de Rhône Poulenc, Coq Sportif,
Adidas, Arena.
Mes collègues de la chambre de commerce et du tribunal
de commerce m’interrogeaient souvent à propos de lui.
Dans une petite ville de province où contrairement à ce
qu’affirme le dicton, l’habit et l’apparence font l’essentiel
du moine, on était étonné de voir le plus gros employeur
privé local diriger avec succès son entreprise en étant
toujours mal coiffé, mal rasé, habillé en survêtements,
la clope au bec.

Une anecdote qui en dit long sur le personnage : en 1995
au collège-lycée de Saint-Médard de Guizières, où il était
adjoint du Maire (« gros-adjoint » selon ses termes), une
explosion de gaz blessa une vingtaine d’élèves dont deux
grièvement. Alors qu’affolés les élus et les responsables
du lycée cédaient à la panique, François était sur place
un quart d’heure après l’explosion, organisait les secours
et téléphonait lui-même aux parents des blessés.
Contrairement à ce que pouvait laisser penser son apparence et son comportement brouillon, il était un remarquable organisateur et un homme au grand cœur.
Il fut le premier à mettre en place des équipes opérationnelles utilisant la découpe laser (Lectra systèmes) et
il fût l’un des seuls à maintenir la rentabilité d’un centre
de production textile en Europe occidentale au-delà des
années 2000.
Éleveur de Golden Retrievers, il partageait ses weekends entre les concours de chiens et sa maison et son
bateau de l’Île d’Oléron.
Il avait trouvé une forme de bonheur tranquille : il eut
une fin de vie aussi rangée que le début avait été excentrique et délirant.
Il est mort d’un arrêt cardiaque pendant une sieste, le
10 juillet.
Tous ses camarades de jeunesse et moi-même continuions à nous voir régulièrement, sans lui. (Je ne le
voyais plus qu’occasionnellement pour m’occuper de ses
ruches.)
Pour nous sa disparition est une page déchirée du livre de
I
notre jeunesse qui s’est réduite en cendres avec lui.
Jean-Michel CHAMBON (71)

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