Centraliens - N°629 - La revue des Arts et Manufactures - Octobre/Novembre 2013 - 16

Dossier

qui sont largement insensibles aux problématiques d'échelle ou de temps de mise sur le
marché. Lorsqu'une entreprise doit agir plus
rapidement et énergiquement, un écosystème du luxe peut amplifier ou accélérer le
processus. Lorsque les circonstances dictent
une approche plus lente et mesurée, l'écosystème peut être réduit sans dommage pour la
marque principale.
Dans l'ensemble, un écosystème du luxe
peut créer un avantage concurrentiel plus
robuste pour une marque de luxe car il nécessite des modes de contrôle plus sophistiqués, des processus calibrés avec précision
et des résultats soigneusement planifiés. Les
concurrents peuvent facilement gommer
l'avantage qu'une entreprise pourrait gagner
en ouvrant un magasin-phare plus grand et
plus luxueux. Mais il est plus difficile pour
eux de contrer le mélange fin de compétences
techniques et comportementales nécessaires
à la gestion réussie d'un écosystème du luxe
centré sur une marque. Cette innovation est
bien plus difficile à déchiffrer - sans même
parler de la reproduire.

Le bon moment
pour les écosystèmes

Figure 2 : Le marché de l'art révèle l'étendue
de la transformation dans les achats de luxe
1. La valeur représente la valeur cumulée d'œuvres
vendues aux enchères - Source : Analyse BCG

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Tout simplement, les compétences et les caractéristiques qui ont amené les marques de
luxe aussi loin ne peuvent plus servir de base
à leur évolution future dans un monde de
plus en plus volatil. Une plus grande part de
la croissance du secteur proviendra de nouvelles catégories et de nouveaux territoires :
les ventes en ligne continueront à se développer et les consommateurs des pays dont
les économies sont en croissance, comme la
Chine et le Brésil, commenceront à montrer
un appétit croissant pour le luxe. Les calculs
du BCG montrent que de 2011 à 2015, les
marchés traditionnels de l'Europe, du Japon
et des Etats-Unis croîtront à un taux de seulement 2 à 6 % par an, tandis que les nouveaux
marchés grimperont à plus de 15 ou 20 % et
les marchés en ligne à plus de 20 % par an. La
conséquence : les dirigeants des marques de
luxe doivent très vite commencer à explorer
d'autres options.
De multiples facteurs convergent pour rendre
le modèle de l'écosystème essentiel à la réussite des marques de luxe sur le long terme.
Pour commencer, le secteur est de plus en
plus peuplé, et les marques doivent trouver
de nouveaux moyens de se différencier et
d'augmenter leur visibilité. En même temps,
l'industrie reste très fragmentée : les chiffres
du BCG montrent que les quatre principaux
acteurs dans les produits de luxe ne représentent que 21 % du marché alors que les

quatre principaux fabricants d'appareils de
téléphonie mobile contrôlent environ 55 %
du marché et les quatre principales compagnies d'équipements sportifs représentent
presque les deux-tiers de leur marché.
Cette fragmentation augure mal de la capacité des marques de luxe à augmenter leur
taille - non pas en termes absolus mais en
termes de capacité à rajouter les bonnes compétences à l'endroit et au moment où elles
sont nécessaires - et donc de leur capacité à
croître autant qu'elles le voudraient. De nombreuses maisons du luxe ont effectivement
une « taille insuffisante », particulièrement
maintenant que la barre est placée plus haut
en termes d'échelle dans le secteur du luxe. Il
y a une dizaine d'années, réaliser des revenus
annuels d'environ 500 millions de $ suffisait
pour une marque mondiale typique, dont
les clients étaient concentrés dans quelques
grandes villes des marchés traditionnels.
L'entreprise avait également des segments de
consommateurs plus restreints en nombre et
plus homogènes en termes de culture, de revenus, de classe sociale et de comportements
d'achat que les segments actuels. Les clients
et les marchés des marques de luxe sont aujourd'hui très différents ; les acheteurs chinois
à eux seuls ne représentent pas moins de 40 %
des ventes mondiales pour certaines marques
clés, par exemple. Pour qu'une compagnie
devienne une marque mondiale importante,
elle doit réaliser des ventes annuelles d'au
moins 1 milliard de $ - et de préférence plus
proches de 2 milliards de $.
En même temps, les goûts changent en matière de luxe, particulièrement chez les acheteurs des nouveaux marchés. Le monde de
l'art, par exemple, se transforme, avec de nouveaux noms dépassant rapidement les artistes
réputés tant recherchés pendant la majeure
partie du siècle dernier (voir Figure 2).
La complexité suit partout la croissance
rapide des marchés du luxe, y compris en
Chine, en Inde, en Indonésie, en Russie et au
Vietnam. Parce que chaque pays a sa propre
culture, son propre environnement réglementaire, son propre système politique et son
propre réseau de distribution, les marques
de luxe doivent acquérir une expertise et des
connaissances supplémentaires spécifiques
à la situation locale. De nouvelles catégories du luxe offrent une kyrielle de nouvelles
opportunités, lesquelles nécessitent toutes
des compétences différentes. Par exemple, les
chiffres de la croissance du luxe lié à l'expérience - des spas aux installations de cuisine
luxueuses - montrent que la catégorie croît
de plus de 12 % par an en moyenne, à compa-

Centraliens no629 [octobre/novembre 201
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