Centraliens - N°629 - La revue des Arts et Manufactures - Octobre/Novembre 2013 - 39

luxe, la french touch nous va si bien !

Alexandre Boquel (01)
Autre fonction exercée par les ingénieurs dans l'univers du luxe : responsable sourcing.
Alexandre Boquel est responsable sourcing pour le département maroquinerie de la Maison Dior,
il nous parle avec enthousiasme de son métier.
Il développe et gère la base fournisseurs et
participe aux développements de nouveaux
produits. Cette dernière activité le séduit
tout particulièrement parce qu'elle conjugue
technicité et créativité, ses deux passions.
On travaille à développer des idées, des matières
pour le studio maroquinerie. C'est un travail de
recherche, de développement et d'innovation
qui passe par la mise au point de nouvelles techniques.
Le directeur artistique et le studio maroquinerie définissent l'axe esthétique et notre rôle va
être de rechercher la meilleure technicité pour y
répondre.
Le jardin de Monsieur Dior est une source d'inspiration permanente, (ndlr le couturier dira à
propos de sa maison et son jardin : « Ma vie,
mon style doivent presque tout à sa situation et
à son architecture ») à nous de trouver la meilleure proposition technique pour permettre au
style de s'exprimer.

Comment faites-vous
pour dénicher ses talents

Il y a plusieurs façons de créer la rencontre : les
salons en France et en Italie nous permettent
de rencontrer des fournisseurs très talentueux.
Il est possible également de travailler exclusivement avec un fournisseur et ses techniciens
pour développer des techniques innovantes ; et
il reste l'aspect plus personnel comme les foires
d'art contemporain ou bien l'environnement
quotidien qui va nous suggérer une technique,
une idée...

En quoi le sourcing correspond
à la formation d'ingénieur ?

La rigueur et la rationalité de l'ingénieur sont
indispensables et il faut une ouverture d'esprit à
l'univers artistique.
Mon métier est à la croisée de la technique et de
la créativité.
J'ai la chance de connecter le technique et l'artistique. Je dois être à même d'identifier et développer la meilleure technique qui va servir le
style. C'est en effet un profil « à cheval » et c'est
passionnant.
Alexandre Boquel raconte avec admiration
et respect les relations avec les fournisseurs et
s'émerveille pour ces artisans au savoir faire
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unique. Plumassiers, sérigraphes, tanneurs,
dentellières... il a le souci de « faire réapparaître le geste de l'artisan ».

Sourcing c'est être chercheur
innovateur ?

L'innovation (dans la mode, les accessoires...)
c'est aussi ce qui va différencier une marque
mais il faut aussi veiller à respecter ses codes et
son histoire. Pour Christian Dior Couture, l'héritage est très important, l'innovation permet
d'être dans la modernité et la contemporanéité.
La dernière collection « croisière » de Christian Dior était très innovante : on a utilisé des
techniques de soudure sur les tissus (mélange de
métaux - tissus), cette collection a demandé des
process techniques très élaborés.
J'ai également appris beaucoup au sein du
studio de maroquinerie de Louis Vuitton, par
exemple en travaillant à l'intégration d'écran tv
à des malles.
À chaque fois, ce sont des expériences formidables où le temps est un paramètre crucial pour
respecter les deadlines fixées pour la sortie des
collections.
Mon environnement est tellement varié que j'ai
l'impression de vivre plusieurs vies en une !
Le monde du luxe et de la mode changent tout
le temps, chaque univers se redessine tous les
3 mois, je m'épanouis dans cette suractivité
d'autant que mes interlocuteurs sont très divers.

faisons rentrent dans un cadre de faisabilité
industrielle.

Combien de temps faut-il
pour réussir ces innovations ?

ça dépend. C'est très variable. Il y a des projets
qui aboutissent en quelques jours ; d'autres en
plusieurs années !
Pour réussir il faut savoir être patient dans le
luxe.
n

Alexandre
BOQUEL
Alexandre BOQUEL
a fait ses classes chez
Louis VUITTON et
Nina RICCI avant
d'intégrer la maison
DIOR.

Racontez-nous une expérience
marquante

Raf Simons nous avait demandé de travailler
des dessins de souliers de l'artiste Andy Warhol
appliqués sur les sacs à main Dior. On les a fait
apparaître en volume sur les sacs par une méthode de Haute-Frequence puis un artisan y a
appliqué des feuilles d'or à la main.
Là encore on a une rencontre entre l'innovation
et le respect du savoir faire des artisans.

Sans doute la combinaison
gagnante pour être intemporel ?
Quelles sont les figures
imposées dans votre métier ?

Nous travaillons dans une totale liberté mais je
reste au service de la maison Dior.
Il est primordial que les propositions que nous

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