Centraliens - N°629 - La revue des Arts et Manufactures - Octobre/Novembre 2013 - 7

Benoît Potier

Benoît

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L'industrie doit répondre aux grands enjeux de la société

Interview de Benoît Potier
Vous avez intégré un groupe industriel
après Centrale, aujourd'hui,
les ingénieurs ne sont plus que 35 %
à faire ce choix (vs 70 % dans
les années 75-80), est-ce le signe
du déclin de l'industrie en France ?
Le lien est incontestable entre la diminution du
poids de l'industrie dans notre économie et la
baisse relative de l'attractivité de ce secteur auprès
des ingénieurs. Le poids du secteur industriel
dans le PIB est passé en France sous la barre des
12%, ce qui est une vraie préoccupation. Aussi, les
choix de carrière des jeunes ingénieurs font écho à
cette tendance de fond. Pour autant, je ne parlerais pas de déclin de l'industrie mais plutôt d'une
mutation, d'une réorientation vers des métiers à
plus forte valeur ajoutée, notamment grâce à la
valorisation de nos atouts technologiques et scientifiques. Ces industries à forte valeur ajoutée perçue sont attractives pour les jeunes ingénieurs.

Vous militez pour une France industrielle
(Cercle de l'industrie), la France a-t-elle
les moyens d'une stratégie industrielle
durable et compétitive ?
Bien sûr, à condition de ne pas se tromper de
positionnement. L'industrie doit non seulement
apporter de l'intelligence dans les machines, dans
les procédés, dans les méthodes, mais aussi répondre aux grands enjeux de la société : environnement, santé, énergie ... Nous avons en France
les Grandes Ecoles, les universités, les compétences, les savoir-faire technologiques et une Recherche de premier plan (70% de la R&D d'Air
Liquide se fait en France). Nous avons aussi des
infrastructures remarquables. Ce sont autant
d'éléments clés de compétitivité, de différenciation et de création de valeur. La France peut
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s'appuyer sur tous ces atouts, et ses champions
industriels à l'échelle mondiale en témoignent.
Mais elle doit aussi renforcer sa compétitivitéprix et donc baisser ses coûts pour conserver ses
marges et réinvestir sur ses points forts. Il nous
faut également améliorer notre compétitivité
hors-prix au sein de l'Europe et au-delà. Ce sont
des débats auxquels je participe avec d'autres
industriels dans le cadre du Cercle de l'Industrie
en France et de l'ERT (European Round Table) à
l'échelle européenne.

Air Liquide fête en 2013 ses cent ans
de cotation à la Bourse de Paris,
cette longévité vient-elle conﬁrmer
votre réputation de placement de père
de famille ?
En effet, le Groupe Air Liquide célèbre en 2013
ses 100 ans de cotation à la Bourse de Paris. Ce
sont 100 ans de développement, d'innovations et
de succès dans le monde, 100 ans de croissance
grâce à tous ceux qui nous ont fait confiance et
qui ont investi dans l'action Air Liquide depuis
ses débuts. Ils ont rendu possible ce parcours
exceptionnel, depuis la petite société née dans
un dépôt de bus parisiens comme une start-up
jusqu'au groupe d'envergure mondiale aujourd'hui.
C'est aussi grâce à nos collaborateurs qui s'investissent pour assurer notre développement depuis
l'origine que nous avons réussi à construire un
groupe, leader mondial, présent dans 80 pays et
qui compte aujourd'hui 50.000 collaborateurs.
Notre longévité, nos performances ainsi que
notre capacité à innover expliquent certainement la fidélité de nos actionnaires de long
terme, comme celle de nos collaborateurs.

Vous êtes au cœur d'un secteur énergie
en pleine mutation, quels sont les enjeux
pour le groupe ?
Sans être réellement un énergéticien, nous
sommes au cœur de la problématique énergétique pour nous-mêmes et pour nos clients. Nous
consommons de l'électricité et du gaz naturel en
grande quantité et donc le coût de l'énergie est
pour nous un sujet de compétitivité. Nous développons d'autre part des offres, des solutions pour
permettre à nos clients de moins ou de mieux
consommer l'énergie et les ressources naturelles.
Quelques mots sur cette nouvelle donne énergétique. L'Europe a privilégié jusqu'à présent la sécurité d'approvisionnement et la lutte contre le
réchauffement climatique, en pensant que le pétrole se ferait plus rare et que le prix du pétrole et
du gaz rendrait les énergies propres compétitives.
Les Américains ont fait un pari différent. Ils se
sont souciés de leur approvisionnement et ont
fait de la compétitivité un enjeu important, les
considérations liées à l'environnement étant jugées moins prioritaires. Entre-temps, le développement du pétrole et du gaz de schiste a changé la
donne. D'après les experts, la notion de « Peak
Oil » a été repoussée très loin dans le temps.
A titre d'exemple, le gaz naturel est aujourd'hui
cinq fois plus cher en Asie et trois fois plus cher en
Europe qu'en Amérique du Nord. A partir de là,
l'équation change complètement.
Pour les industries grandes consommatrices
d'énergie comme Air Liquide - 60 à 75 % de nos
coûts dans l'activité Grande Industrie sont liés au
prix de l'énergie - les enjeux de compétitivité liés
à l'énergie sont considérables. De plus, si nos
clients eux-mêmes décident d'installer leurs sites
de production dans les zones où le coût de

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