Centraliens - N°630 - La revue des Arts et Manufactures - Décembre 2013 - 10

Actus

L
'Aster X

Photo Philippe Denizet - Hyères, octobre 2013.

À sa retraite, Alfred Jabès revint à ses premières amours. Il prit fait et cause pour un sujet sur lequel s'étaient
déjà penché quelques Centraliens célèbres, le vol à aile battante copié sur celui des oiseaux et des insectes.
Louis Blériot n'avait-il pas commencé par construire en 1900 un ornithoptère avant de se lancer dans
la mise au point de son Blériot XI ? Étienne Oehmichen, l'inventeur de l'hélicoptère, lui avait consacré,
en tout cas, dès 1920 un beau livre nourri d'expériences inédites Nos maîtres les oiseaux.

concevoir une machine où le vent tourbillonnaire
pouvait entretenir le vol battu, de reproduire
ainsi les conditions d'un mouvement naturel
alternatif. Pour en comprendre toutes les
subtilités, il faudra cependant, pense A. Jabès,
sortir du cadre de l'aérodynamique classique et
bâtir une théorie nouvelle basée sur l'étude du vol
naturel qui fasse cas notamment de la présence
de tourbillons alternés. L'avantage de son
efficience est, en tout cas, de pouvoir envisager
qu'il soit à propulsion humaine.
Nous sommes allés rendre visite à Alfred Jabès
à Hyères au début du mois d'octobre dernier. Il
avait engagé la construction d'un prototype
appelé Aster X, et voici ce qu'il en disait :
Photo Philippe Denizet - Hyères, octobre 2013.

Dessins A. Jabès.

Alfred Jabès pouvait, quant à lui, s'appuyer
sur sa formation aérodynamique et sa longue
expérience des modèles réduits, partit du
constat fait par E. Oehmichen, à partir du vol
filmé d'un pigeon, qu'une aile battante était
dix fois plus efficiente qu'une hélice. Il tira parti
aussi des expériences du Dr Katzmayr,
directeur du laboratoire d'aérodynamique de
Vienne, reprises en 1924 par Albert Toussaint
à Saint-Cyr, concernant l'effet d'un vent
oscillatoire sur un profil fixe, et effectua vers
1990 des essais de maquette à aile battante dans
la soufflerie Eiffel de la rue Boileau. Il se situait
ainsi dans la lignée des travaux qu'y avait
entrepris dès les années 1940 Marcel Chabonat,
poursuivis à la fin des années 1980 par le
passage en soufflerie de la maquette de son
gyroptère. Ce qui se passait pour ces machines
à ailes battantes ne pouvait se comprendre
qu'en considérant que le régime d'écoulement
était « instationnaire » et non pas stationnaire
comme dans le cas d'un fluide parfait en régime
permanent sur une aile à profil rigide, puisqu'ici
le vent est irrégulier et tourbillonnaire, et l'aile
souple et déformable comme celle des oiseaux
ou des insectes. L'idée qui en résulta fut de

« Mon premier but était de participer au Prix
Igor Sikorsky : voler, par la seule puissance humaine, pendant une minute, après avoir dépassé
la hauteur de 3 m. Ma candidature n'a pas été
retenue, mon appareil battant des ailes et ne
tournant pas d'une manière continue. Tant pis,
je continue ! ».
La première étape a été la construction d'une
maquette, la seconde sera celle de la construction d'un prototype en matériaux plus légers longerons des pales en fibre du carbone, mécanisme composé de tubes en aluminium- de sorte
à ce qu'il pèse à vide moins de 20 kg.
Grosso modo, l'appareil ressemblera à deux colibris attachés dos à dos. Il aura quatre demi pales
pouvant pivoter alternativement de + ou - 90°,
en agissant par la force des bras et des jambes.
À l'intention notamment de ses camarades de
l'aéronautique traditionnelle, embarrassés
pour donner un avis sur ce projet iconoclaste
de vélo aérien, Alfred Jabès tient à souligner
que la propulsion humaine ne coûte rien, fait
peu de bruit et ne pollue pas. Après L. Blériot
et E. Oehmichen, qui, jeune ou moins jeune,
prendra la relève ? Sous l'œil narquois de Boris, Alfred attend sereinement soutiens et
propositions !
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Centraliens no630 [décembre 201
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