Centraliens - N°631 - La revue des Arts et Manufactures - Janvier/Février 2014 - 23

les barrages

où je suis actuellement depuis quelques mois
et pour une durée totale d'un an.
Pourquoi partir ? Une envie d'aventure,
la curiosité, un besoin d'apprendre, une
ouverture d'esprit mais aussi un tremplin
pour ma carrière professionnelle, telles sont
les multiples raisons qui m'ont amené aujourd'hui à Katmandou.
Je travaille sur un projet de faisabilité et des
études détaillées qui doivent déboucher sur
la construction d'un des plus hauts barrages du Népal (220 m), associé à une usine
hydroélectrique qui va doubler la capacité
installée du pays. Ce projet est une priorité
nationale car le Népal manque cruellement
d'électricité et des coupures de courant sont
programmées tous les jours. Un comble pour
un des pays les plus riches en eau et reliefs
du monde !.. On pourrait d'ailleurs croire ces
coupures intempestives, mais pas du tout. Il
existe même une application sur smart phone
appelé BattiGayo qui en donne les horaires
tous les jours selon les quartiers. Pratique pour
savoir quand allumer la machine à laver !
Mes missions sont diverses et variées. J'assiste le chef de projet, également expatrié,
dans les tâches administratives de tous les
jours et je fais aussi la coordination avec nos
experts qui sont aux quatre coins du globe.
C'est la première fois que je travaille sur un
projet en cours d'études « amont ». C'est
excitant et effrayant à la fois. Je ressens ça
comme une page blanche où on nous dit
« dessine-moi un barrage ». La technique
est omniprésente. Je dois jongler avec des
connaissances dans des domaines très variés,
allant de la géologie à la géotechnique, en
passant par l'hydrologie et l'hydraulique mais
sans oublier la partie génie civil ou encore
l'hydromécanique et la production d'énergie,
le tout saupoudré d'une dose de planning et
d'évaluation des coûts. Je prends également
beaucoup à cœur la partie environnementale
et sociale. Nos visites hebdomadaires sur le
site et les discussions avec les personnes habitant dans l'emprise du futur réservoir nous
confrontent à la réalité du projet : beaucoup
de personnes vont devoir être déplacées.
Le fait de travailler loin du siège comporte son
lot de problèmes, à savoir la communication
à distance, la disponibilité des experts, le décalage horaire, le rythme des vacances et des
jours fériés, etc. Les relations avec le siège ne
sont pas toujours évidentes, un peu selon le
vieil adage « loin des yeux, loin du cœur ». On
déploie ici une plus grande énergie à faire ce
qu'on aurait fait rapidement au siège en passant voir un collègue dans le bureau d'à côté.
Nous avons en revanche la chance d'accueillir
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beaucoup de missions d'experts
de tous horizons. Ce sont des
moments privilégiés où la transmission de connaissances est à
son maximum. Jamais en restant
au siège je n'aurais eu l'occasion
de passer dix jours en continu à
échanger et à apprendre de leur
expérience. Et l'avantage de faire
cette étude sur place est aussi
qu'on est en contact direct avec le
client, ce qui facilite la communication et nous amène à prendre
des décisions plus rapidement.
Nous avons la chance de travailler avec un partenaire népalais
qui, au-delà de son travail efficace, a tout fait pour faciliter notre installation et notre adaptation à cette culture si
différente. Les Népalais sont tout simplement adorables et bienveillants. C'est un
plaisir de travailler avec eux. Cela compense les conditions de vie un peu rudes
à Katmandou. Nous ne sommes que deux
Français installés dans les bureaux de notre
partenaire népalais, une immersion dans
laquelle je m'épanouis. Je vis cette expatriation à pleines dents, autant au niveau
professionnel que sur le plan humain. J'ai
même commencé à prendre des cours de
Népalais. Étant expatriée, c'est à moi de
m'adapter aux gens et à leur culture et non
l'inverse. Cela commence donc par faire
l'effort de parler leur langue.
Des difficultés, oui il y en a. Tout est compliqué ici : l'accès à l'eau potable est difficile, il y
a des risques de tremblements de terre, une
administration très lente, des grèves à répétition dans un climat politique tendu, la pollution, la poussière, les embouteillages, le bruit.
Mais ce qui m'a le plus étonné, ce sont ces coupures de courant programmées tous les jours
à Katmandou. En saison sèche, elles peuvent
atteindre quatorze ou seize heures par jour !
J'ai alors compris que c'était un grand privilège que d'avoir accès à l'électricité. En France,
on n'y pense même plus quand on enclenche
l'interrupteur. Mais une fois qu'on ne l'a plus,
on se sent totalement démuni : plus de télévision, plus d'internet, plus de lumière, plus de
frigo, plus de machine à laver... Et puis on
s'adapte ! Cela donne encore plus de sens à
mon travail ici.
n
Thomas Blanié,
Louis Bouzat (08),
Marie L'Hostis
Tractebel Engineering (France)/
Coyne et Bellier.

Theun Hinboun (Laos). Marie L'Hostis devant une turbine
Francis de 30 MW.

Marie L'Hostis avec Philippe Cazalis, directeur de projet,
dans la vallée de la Budhi Gandaki (Népal).

Marie L'Hostis
Agée de 27 ans, elle
participe à Katmandou
aux études de ce qui
sera le plus grand barrage du Népal par sa
taille, avec plus de deux
cents mètres de haut. Elle avait auparavant été en poste sur les chantiers des
barrages de Theun Hinboun, au Laos, et
de Gibe III, en Ethiopie.

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