Centraliens - N°631 - La revue des Arts et Manufactures - Janvier/Février 2014 - 46

Dossier

fin 1840, fut catastrophique :
le lac, long de 65 km, se vida
en 24 heures, relâchant 6 milliards de m3 d'eau et ravageant
la plaine à 400 km de là [1].

Barrages et lacs
glaciaires

Le retrait des glaciers laisse des
moraines frontales et latérales
retenant des lacs dangereux,
car ce sont des barrages relativement minces, de constitutions internes complexes, avec
des granulométries exposées à
l'érosion interne, et des inclusions de glace qui les désorganisent en fondant.
Ils ne résistent guère aux déboXrdements.
L'acronyme anglais GLOF
(Glacial Lake Outburst Flood)
s'est imposé depuis une vingtaine d'années après la rupture de Dig Tsho en 1985, à
12 km au NW de Namche Bazar au Népal
(photo 4). On en compte en Himalaya 3
par an en moyenne, de toutes tailles. Les
aménageurs de sites hydroélectriques dans
les vallées sont de plus en plus attentifs à
ces menaces particulières liées au réchauffement climatique [2].
Thso Rolpa, 45 km à l'WSW de l'Everest,
avec 86 millions de m3 de retenue, est une
menace identifiée et surveillée de longue
date. Ce lac a été abaissé de 3 m en 2000,
avec l'aménagement d'un déversoir vanné
de surface. Voir aussi (d'un clic sur Google
Earth) Imja Tsho à 10 km au Sud de l'Everest, ou Thuglagi à 10 km au SW du Manaslu. Un lac chinois de moraine, rompu en
1981 suite à une avalanche de glace, a causé
une crue dévastatrice au Népal avec de gros
dégâts dont Sun Koshi Hydro.

4 - Dig Tsho (Népal) en 2009.
La rupture de ce barrage morainique en 1985 a causé
plus de 3 millions de dollars de dégâts, et bouleversé
les populations en aval pendant plusieurs mois.

5 - Lac Paron en 1968.

Des ruptures catastrophiques au Pérou en
1941 (Palcacocha, 6 000 morts à Huaraz) et
1 945 y ont activé les études et recherches de
mesures palliatives. En 1951, une chute de
séracs fit déborder le lac de moraine d'Arteson ; sa rupture complète fut heureusement
absorbée par le lac Paron juste en dessous
qui, en saison sèche, était alors à bas niveau.

Le lac Paron, joyau de la Cordillière Blanche
à 4 200 m d'altitude, domine Caraz située
2 000 m plus bas, à 15 km de distance.
Retenu par la moraine d'un glacier latéral,
il était près de déborder en 1968 avec 60 millions de m3 d'eau (photo 5). L'ingénierie
française a développé là un projet original
de contrôle du lac par galerie longue de
1,2 km et vannes de fond. Depuis sa mise en
œuvre dans les années quatre-vingt le lac est
exploité en toute sécurité à niveau abaissé,
en soutien d'étiage pour les irrigations et la
production électrique dans la vallée.
Le barrage glacio-morainique a été étudié
par géophysique, sondages, balises topo,
mesures des débits de fuites selon les variations saisonnières de remplissage. Outre les
bathymétries, une plongée record à 60 m de
profondeur a été reconnaître la zone de la
prise d'eau sous-lacustre, dans les granites
de la rive droite.
n
Bernard Goguel
(ECP 69)
Consultant, Président
honoraire du Comité
de la Surveillance
des Barrages à la CIGB

Conclusion
La nature offre des opportunités d'aménagements exploitées par les constructeurs de barrages.
Elle impose aussi ses conditions, remodelant les paysages en construisant ellemême des barrages réservoirs de toutes
tailles ; avec des crises soudaines aux
effets considérables.
Nous devons composer avec les barrages naturels, pour parer leurs dangers
et maîtriser leurs impacts ; en mobilisant tous les acquis de l'ingénierie des
barrages, ainsi que les leçons de l'histoire et de la glaciologie.

[1]. Evans S.G., Hermanns R.L., Strom A., ScarasciaMugnozza G. Editors (2011), Lecture Notes in Earth
Sciences, Natural and Artificial Rockslide Dams,
Springer, 642 p.
[2]. ICIMOD (2011) Glacial lakes and glacial lakes
outburst floods in Nepal. Kathmandu : ICIMOD

Centraliens no631 [janvier /février 201
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