Centraliens - N°631 - La revue des Arts et Manufactures - Janvier/Février 2014 - 62

Histoire

Jacques
obilliard (ECP 1920 )
1

Un Centralien dans la Grande Guerre
Mémoires

C'est un document
primordial qu'Yves
Gobilliard, ECP 50,
a sauvegardé :
les mémoires de
son père, Jacques
Gobilliard, combattant
des deux dernières
guerres.
En voici un aperçu 2.

L'Association des Centraliens commémore le centenaire de la première
guerre mondiale à travers des portraits ou des points de vue de Centraliens,
témoins de l'événement.
Synthèse réalisée par Jacques Dureuil (49) à partir de documents fournis par la famille
de Jacques Gobillard.
Samedi 1er août 1914
Jacques Gobilliard vient d'achever sa première année à l'École Centrale, il est en
vacances, l'été est radieux, la vie est bonne à
vivre. Survient la guerre. JG est appelé.
22 février 1919
Encore sous l'uniforme, JG quitte son unité
et rentre en deuxième année à Centrale début
mars.
Entre ces deux dates se situe le récit d'un
destin singulier, précis, détaillé, accompagné de nombreux commentaires sur le temps
qu'il fait et sur le temps qui passe, de pertinentes réflexions sur les mœurs et sur les
hommes, dans un style alerte et dépouillé, où
le scripteur n'hésite pas à se révéler, dans ses
déceptions comme dans son enthousiasme.
Le 10 août
JG rejoint le 51e régiment d'artillerie à
Nantes. Il ne tarde pas à suivre le peloton
d'élèves brigadiers. L'instruction est rondement menée, où les manœuvres à cheval
ont la première place. Le 20 septembre, il est
nommé brigadier et désigné pour partir au
front : là, missions éprouvantes, ravitaillement en munitions, en matériel et en vivres,
reconnaissances entre les lignes. L'unité est
en mouvements incessants : Compiègne,
Corbie, Albert, Arras, c'est la fameuse
course à la mer. Les cantonnements succèdent aux cantonnements. L'hébergement
est précaire, plus souvent dans un gourbi
que dans une chambre bourgeoise. L'alimentation est aléatoire, largement dépendante de l'initiative individuelle.

Jacques Gobilliard en 1916.

Le 22 novembre 1914
JG quitte sa pièce et rejoint l'école d'élèves
officiers de réserve. Après quelques mois

d'instruction extrêmement active - exercices
à cheval, polygone, tirs et manœuvres - il est
reçu à l'examen d'admission, nommé maréchal des logis le 26 janvier 2015, puis peu
après sous-lieutenant. Suivent son affectation au 10e régiment d'artillerie à Rennes
et un nouveau départ pour le front courant
mars, non loin d'Arras. « L'existence est des
plus tranquilles et le fait guerrier de tirer des
coups de canon ou d'aller aux tranchées est
la grande distraction3 ». JG est observateur,
fait fonction d'orienteur, il règle les tirs...
« mais on tirait très rarement, hormis un ou
deux coups de réglage par jour ». Jusqu'en
avril, c'est la guerre de stagnation. Le 5 mai,
la bataille se déchaîne et ne cessera plus.
JG abandonne le transport des rondins et
monte à la position ; il commande les tirs
de réglage, de barrage ou de protection.
La bataille d'Artois bat son plein. L'ennemie riposte, les pertes et les blessures sont
importantes, chez les officiers comme chez
les hommes. En première ligne, on voit, vers
l'avant « une étendue désolée, un chaos de
débris et de tristes tas informes, bleuâtres et
rougeâtres, ce sont les cadavres des pauvres
types tombés au dernier assaut... À quoi
bon cette âpre lutte de fantassins qui a duré
des mois sans aucun but, sans aucun intérêt,
au moins compréhensible ? ».
Août 1915
L'unité quitte le secteur d'Arras et poursuit
la lutte en Argonne, devant Sainte-Menehould. Un nouvel observatoire est construit,
des lignes téléphoniques posées. Le 25 septembre l'attaque est déclenchée. Le 28 septembre, la bataille se calme, mais se poursuit en Champagne. Le 18 octobre 1915,
JG passe à l'état-major du groupe et prend les

Centraliens no631 [janvier /février 201
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