Centraliens - N°633 - La revue des Arts et Manufactures - Mai 2014 - 10

Élie Girard

Comment qualifieriez-vous le marché
des télécoms en France ?
Ultra-compétitif, over compétitif ! Régulé
pour nous, mais pas pour tous. L'arrivée d'un
quatrième acteur sur le marché a redistribué
le jeu et Free ne cesse de créer le buzz sur
un marché en mutation constante. L'actualité nous le montre bien une fois de plus avec
les manœuvres autour de SFR. Nous avons
les prix les plus bas d'Europe, ce qui est formidable pour les clients à court terme, mais
à long terme les opérateurs ont une épée de
Damoclès au-dessus de leur tête qui menace
leurs investissements et donc la qualité des
réseaux de demain. Le grand dilemme de la
régulation du secteur se situe à ce niveau-là :
comment permettre le progrès technologique sur un marché dont les marges diminuent ? Mais je reste optimiste pour la suite :
en particulier, la 4G et la fibre portent en
elles de fantastiques promesses d'avenir.

Le groupe Orange est-il innovant ?
Orange a toujours été tourné vers l'innovation. Aujourd'hui, nous pratiquons de plus
en plus ce qu'on appelle l'« open innovation », une innovation ouverte vers l'extérieur. Nous sommes les agrégateurs de
briques d'innovation dont certaines sont internes, d'autres le fruit de collaboration avec
d'autres entreprises, parfois des start-ups.
Notre compétence repose beaucoup sur la
gestion et la coordination de cette complexité. Nous avons mis en place l'accélérateur de
start-ups « Orange Fab » à San Francisco :
les start-ups accueillies à Orange Fab bénéficient de sessions de mentoring d'entrepreneurs, ingénieurs et designers de la Silicon
Valley, ainsi que des conseils de dirigeants et
d'experts d'Orange en Europe, en Afrique et
au Moyen-Orient. Ce « kit » de savoir-faire
« Orange Fab », nous comptons maintenant
le développer en France, en Espagne, en
Pologne, en Asie du Sud-Est... Nous
sommes précurseur parmi les opérateurs et
nous comptons bien accroître encore cette
longueur d'avance.

Que conseilleriez-vous à Centrale
pour anticiper la formation dans votre
secteur des nouvelles technologies ?
Pour moi, la marque de fabrique de Centrale,
c'est d'avoir toujours eu un temps d'avance
sur les autres grandes écoles. Exemple emblématique : elle a développé l'international
avant tout le monde. Il faut qu'elle continue
à être précurseur, à prendre les virages avant
les autres. Pour cela, il faut de l'audace et
réﬂéchir en rupture. Par exemple, le « big
data », c'est-à-dire le déferlement des données de toute sorte, va changer nos vies :
créons une option « Big data » en 3e année !
Les grandes universités américaines l'ont
compris, l'Europe pas encore, que Centrale
montre la voie ! Autre proposition, de nature
tout à fait différente, mais facile de mise en
œuvre : se donner comme objectif dès la
prochaine promotion que plus aucun Centralien ne sorte de l'École sans avoir un niveau de base en chinois. Dans 10 ans, ce sera
aussi important sur le marché de l'emploi
que de maîtriser l'anglais !
■
Propos recueillis par
Grace Ferreira
et Catherine Verger

Élie Girard
Diplômé de l'École
Centrale Paris et de
l'Université de Harvard.
2001 Auditeur-consultant Andersen.
2002 Ministère de l'Économie, des
Finances et de l'Industrie, Direction
générale du Trésor.
2004 Cabinets de Thierry Breton,
ministre de l'Économie, des Finances
et de l'Industrie, et de Jean-François
Copé, ministre délégué au Budget et
à la Réforme de l'État, porte-parole du
gouvernement.
2007 Directeur de cabinet du PDG
du groupe France Télécom-Orange,
Didier Lombard.
2010 Directeur auprès de Stéphane
Richard, nouveau directeur général du
groupe Orange, responsable de l'élaboration du projet « Conquêtes 2015 ».
 Mi 2010-Mi 2014 membre du comité
exécutif du groupe, en charge de la
stratégie et du développement.
 Avril 2014, directeur financier adjoint
et membre du comité exécutif d'ATOS.

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