Centraliens - N°633 - La revue des Arts et Manufactures - Mai 2014 - 28

Dossier

En route
vers l'éco-économie
Il y a quelques mois, paraissait aux éditions Armand Colin un ouvrage rédigé
par Benoit de Guillebon (78) et Patrick Nollet (57) à partir des travaux du think tank
« Éco-économie » issu du groupement QSE Performance durable de l'Association
des Centraliens. Benoit de Guillebon en dégage les grandes idées.

A

ujourd'hui largement répandu, le
terme développement durable a
perdu la force qu'il avait à l'origine,
se résumant souvent à la vision
qu'exprimait en 2001 Michel de Fabiani, alors
président de BP France : « Le développement
durable, c'est d'abord produire plus de pétrole,
plus de gaz, peut-être plus de charbon et plus
de nucléaire et certainement plus d'énergies
renouvelables. Dans le même temps, il faut
s'assurer que cela ne se fait pas au détriment de
l'environnement. »
Cette vision du développement durable n'est
clairement pas soutenable. « La taille de l'économie mondiale est presque cinq fois supérieure à ce qu'elle était il y a un demi-siècle.
Si elle continue à croître au même rythme,
ce chiﬀre sera de 80 en 2100 », nous dit Tim
Jackson, président de la Commission développement durable du Royaume-Uni. Et jusqu'à
présent cette croissance s'est toujours traduite
par un impact grandissant sur les écosystèmes
et un prélèvement croissant sur des ressources
naturelles... pourtant limitées.
Conscients des enjeux environnementaux, la
plupart des responsables politiques parlent
aujourd'hui d'une « autre croissance » et engagent des actions fortes en faveur de l'économie verte. Mais une telle vision reste avant tout
« réparatrice » (« produire des biens et services
contribuant à éviter, réduire ou supprimer des
nuisances pour l'environnement »), et ne remet
pas en question la compatibilité de notre cadre
économique avec des pratiques durables.
Dans son rapport publié en 2011, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) élargit heureusement le
concept en définissant l'économie verte
comme « une économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l'équité
sociale tout en réduisant de manière significa-

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tive les risques environnementaux et la pénurie
de ressources  ». L'agroéconomiste américain
Lester Brown utilise en 2001 le terme « écoéconomie » pour une vision analogue : intégrer les préoccupations environnementales
dans le modèle économique existant ne suffit
plus, il faut repenser l'économie en fonction
des contraintes écologiques de la planète sur
laquelle nous vivons, pour la rendre vivable
pour les humains d'aujourd'hui et de demain.
Notre réflexion vise donc à changer de regard
et ne pas se contenter de « verdir » l'économie
actuelle. Comme le dit Achim Steiner (PNUE,
2011)  : «  Les idées nouvelles sont par nature
dérangeantes, mais beaucoup moins qu'un
monde frappé par la pénurie d'eau potable et
de terres productives sur une toile de fond de
changement climatique, d'événements météorologiques extrêmes et de raréfaction des ressources naturelles. »

Un nouveau rôle pour
l'entreprise
Des enjeux planétaires nécessitent la mise en
place d'une gouvernance planétaire. Au vu
des faibles avancées des conférences internationales, cela va prendre beaucoup de temps.
Mais cette durée nécessaire à une révolution
fondamentale de l'ordre et du droit international ne doit pas être un prétexte à l'inaction.
Les individus ont aussi un rôle important : ils
doivent sortir des comportements de consommation actuelle et retrouver la « sobriété heureuse » dont parle Pierre Rabhi.
Entre les deux, l'entreprise, capable de réagir
beaucoup plus vite que les instances politiques
et rassemblant des moyens plus importants
que la plupart des individus, est un formidable
outil pour mettre en œuvre les changements.
Guidée par la nouvelle demande des consommateurs, encadrée par les règles du jeu mises

en place par les gouvernants, elle peut être
la grande force motrice du changement de
la société. C'est ce qu'a affirmé en 1999 Kofi
Annan, alors secrétaire général des Nations
unies, en lançant le Pacte mondial1.

Un ouvrage pour
les responsables d'entreprise
Même si, en période de crise, il n'est pas facile
pour un chef d'entreprise de choisir le positionnement préconisé par Kofi Annan, même
si la pression de l'actionnariat conduit souvent
à privilégier le rendement financier à court
terme, on trouve de plus en plus d'exemples
d'entreprises qui s'engagent dans la voie d'une
économie responsable et durable.
Ces entreprises pionnières sont souvent guidées par des chefs d'entreprise qui veulent
mettre plus de sens dans leur activité. Mais
ce sont des chefs d'entreprise qui ont aussi
bien intégré les risques de l'inaction. Ils ont
réalisé un peu avant les autres que, sous les
contraintes environnementales et sociétales,
l'entreprise va devoir évoluer rapidement et
adapter son organisation, ses technologies, ses
produits et ses pratiques.
Le travail réalisé dans l'ouvrage En route vers
l'éco-économie a consisté à donner un panorama le plus complet possible des éléments extérieurs qui conduisent l'entreprise à faire évoluer
ses pratiques et parfois son business model, à
illustrer autant que possible par des exemples
concrets, mais aussi à faire sentir l'aspect systémique et transversal d'une démarche vers
l'éco-économie qui touche toutes les fonctions
et toutes les personnes de l'entreprise.
L'ambition n'était pas d'apporter des réponses
toutes faites, mais plutôt de contribuer à la
prise de conscience des principaux enjeux et
de dégager des lignes de force sur la manière
d'agir en conséquence.
Centraliens no633 [mai 201
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Centraliens - N°633 - La revue des Arts et Manufactures - Mai 2014

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