Centraliens - N°633 - La revue des Arts et Manufactures - Mai 2014 - 44

Dossier

Changer de gouvernance
Face aux difficultés d'inclure l'économie verte et le développement durable dans les projets actuels,
que ce soit dans le cadre public ou privé, un changement de gouvernance incluant un management
du risque et une vision à long terme devient nécessaire.

'économie verte ou développement
durable (DD) a toujours autant de mal
à s'inscrire dans les projets de nos entreprises et même de nos collectivités.
Ces dernières années ont vu beaucoup d'effets
d'annonce : un plan éolien qui s'effondre, des
capteurs solaires qui voient difficilement le
jour, un projet de transport en commun qui
n'avance pas...
Quelle causalité pour ces échecs ? La crise !
« L'environnement, cela commence à bien
faire », a-t-on entendu... D'autres sujets plus
graves étant à traiter. C'est surtout une certaine « écolo-écologie », à visée idéaliste très
idéologique, qui était visée. Si la recherche
d'un idéal est louable, c'est trop souvent au
détriment de la réalité et, malheureusement,
de l'objectif même recherché.
Des erreurs dramatiques ont été commises au
nom de l'idéal écologique. Exemple : la production de biodiesel à l'aide du maïs ; ce premier biocarburant, d'un rendement énergétique douteux, a contribué fortement autour
de l'année 2008 à la flambée des prix du maïs,
nécessaire à l'alimentation de nombreux pays

en voie de développement... grave manque
d'études et d'anticipations quantitatives et
économiques.
Trop souvent des projets DD se heurtent à
une dure réalité économique. Parfois du fait
d'une vision simpliste, mais surtout d'un
choix financier. En effet les entreprises, mais
aussi les États et les collectivités, ont des obligations économiques de plus en plus drastiques. Nombre de projets verts s'échouent
sur le critère-écueil de la rentabilité. Or la rentabilité d'un projet ou d'une activité se mesure
en solde financier sur une durée. Rentabilité
que l'on compare alors à un taux de référence :
au-dessus, le projet peut passer, en dessous, les
décideurs recalent le projet.

Les critères environnementaux
Pour contourner cette problématique, des critères environnementaux et sociétaux ont été
mis en place pour évaluer les projets, parfois
aux côtés de critères économiques déjà examinés.
Par exemple les marchés publics intègrent de
plus en plus les critères environnementaux suite
à la directive européenne 2004/18/CE. Mais

ceux-ci ne pèsent généralement que quelques
points, autant dire peu de choses, le prix restant le critère essentiel de facto. Et ces marchés
« verts » ne représentent eux-mêmes qu'une
part mineure de l'ensemble des marchés publics lancés. Pire, le Conseil d'État a même retoqué un de ces marchés verts en arguant que
les critères choisis étaient insuffisamment précis et inadaptés à l'objet du marché (ECLI : FR :
CESSR : 2013 :363 921,20130215 : demande du
« bilan carbone » sans en préciser le contenu
et les modalités d'évaluation, critère « volet social » sans rapport avec le marché). La morale
étant ici, a minima, qu'une augmentation du
professionnalisme sur de tels sujets est nécessaire de la part des organismes publics.
Les critères environnementaux et sociétaux
sont souvent de bons indicateurs qualitatifs,
mais peu savent les quantifier, encore moins
les valoriser en termes financiers. Et là, le bât
blesse. Comment peser des critères environnementaux et sociétaux au regard de critères
purement économiques ? La technique du
« radar multicritère » permet de comparer
des projets, mais n'induit pas de prise de décisions : il n'existe pas de vraie méthode générale
d'agglomération des critères pour obtenir un
critère de classification unique et admis par
tous (la méthode de la somme pondérée frisant parfois l'hérésie).
Bien des acteurs, trop politiciens ou pas assez
compétents en matière technico-économique,
choisissent des critères environnementaux et
sociaux pour leur impact médiatique et fondent
leur argumentation sur l'anecdote pour frapper
les esprits. Mais lorsque leurs projets arrivent
au pesage économique, ils échouent.

Sortir de la rhétorique

Radar Mareva - Méthode d'Analyse et de Remontée de la Valeur.

(Direction interministérielle pour la modernisation de l'action publique).
La méthode repose sur des questionnaires et une analyse financière de rentabilité.

Il faut convaincre les acteurs économiques
d'oser quantifier, de sortir de la rhétorique.
L'argument massue contre l'approche quantitative est alors : « trop complexe ! » Et pourtant, il faut avoir une méthode de décision
claire et transparente. La valeur économique
d'un objet a été inventée à ces fins il y a des
millénaires pour permettre les échanges et les
évaluations des activités. Pourquoi dès lors
Centraliens no633 [mai 201
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