NEOMA Alumni Mag - N°27 - Juin 2021 - 31

LA FIN DE LA PAC ?
Mise en place depuis 1962, la Politique Agricole Commune (PAC) structure profondément
l'agriculture européenne. La PAC est négociée tous les cinq ans pour les États
membres. Avec une enveloppe de 66,2 milliards d'euros pour la période 2021-2027
(soit 18 % du total), la France est la première bénéficiaire de cette politique de
subvention. « La PAC a rempli sa mission d'après-guerre : augmenter de manière
importante les rendements afin de nourrir la population, explique Marion Sestier.
Aujourd'hui, les exploitations sont de plus en plus grandes et de plus en plus spécialisées.
L'enjeu de la nouvelle PAC est de s'assurer qu'elle puisse être compatible avec le
Green Deal (Pacte vert pour l'Europe) plus vert, proposé par la présidente de la
Commission européenne, Ursula von der Leyen. » Grégoire Boyen est plus tranché
quant à l'avenir du système de subvention : « Je pense que la PAC va disparaître à long
terme. La rémunération va progressivement être de moins en moins importante. De
fait, l'agriculteur va devoir être beaucoup rigoureux sur son compte de résultats et ne
plus dépendre de subventions, mais seulement de la vente de sa collecte. Le marché
va s'unifier et ne sera plus déréglé par les subventions. » Cela étant dit, si les aides aux
agriculteurs étaient aujourd'hui supprimées, leur revenu serait nul.
duites sur l'exploitation, ou encore limiter l'évaporation
en plantant des arbres autour des cultures
(agroforesterie). « Il est impératif de trouver des
solutions pour être moins impactant sur la planète,
indique Grégoire Boyen (PGE 97), CEO de Soufflet
Agriculture, entreprise agroalimentaire d'origine
française et premier collecteur privé de céréales
en Europe. Avec les bonnes pratiques, l'agriculture
peut devenir destructrice de carbone, avec les
plantes qui, par exemple, en captent davantage. »
BIG AGRI-DATA
Tous les acteurs du secteur le disent : les choses
changent énormément actuellement. « Dans les
Vosges, il y a dix ans, seulement 10 à 20 % des
activités étaient issues de la diversification (c'està-dire
hors élevage bovin et cultures céréalières).
Aujourd'hui, c'est environ 50 % : maraîchage, petits
fruits, miel, transformation fermière, unité de méthanisation,
etc. », indique Julie Locqueneux. « La
nouveauté principale de ces dernières années,
c'est l'utilisation massive du numérique dans l'agriculture,
explique Grégoire Boyen. Je vais prendre
l'exemple suivant : imaginez que vous êtes agriculteur
et qu'une maladie attaque un champ situé à
500 kilomètres de chez vous. Grâce aux données
numérique dont vous disposez, vous allez pouvoir
anticiper la maladie (la direction du vent, la
température, le taux d'humidité, etc.) et prendre
des mesures avant que cela n'arrive. Il y a une nouvelle
génération de jeunes agriculteurs qui monte
et qui utilise ces outils, de plus en plus précis. Le
big data fourni à l'agriculteur est vraiment massif.
L'enjeu des trente prochaines années est d'écrire
les algorithmes qui vont pouvoir exploiter ce flux
massif d'information et qui vont apporter des
outils d'aide à la décision. » En 2019, 42,7 % des
exploitants utilisent leur téléphone dans leur travail.
À titre de comparaison, ils étaient 22 % en
2013. « Autrefois, du fait du manque d'informations,
les exploitants se laissaient faire : on leur fournissait
de l'essence, du matériel, et ils devaient aller
Pour s'adapter aux changements climatiques
dans l'agriculture, l'enjeu est de s'assurer de prendre
des mesures systémiques [...] et pas seulement des
solutions pansement se concentrant sur un enjeu,
qui pourraient s'avérer courtermistes.
Marion Sestier
au champ. Au moment de la collecte, la coopérative
lui achetait sa production, sans pouvoir négocier
le prix. Aujourd'hui, l'agriculteur a le choix. Il a
de nombreux imputs à disposition : vais-je faire du
bio ? Dois-je utiliser un engrais ou pas ? Il dispose
de l'information, il connaît le cours du marché et il
a la main sur son P&L », explique Grégoire Boyen.
Louis-Xavier de Laage résume la situation simplement
: « L'agriculteur d'aujourd'hui est de plus en
plus entrepreneur. » Quoi qu'il en soit, l'agriculture
de demain sera radicalement différente de celle de
nos parents ou grands-parents. Les enjeux sont
nombreux, complexes et porteurs de challenges...
Que peuvent saisir les alumni ! « L'agriculture porte
des enjeux financiers importants. C'est dommage
de laisser ces belles opportunités aux ingénieurs
agronomes. Ce sont des métiers porteurs de sens »,
s'enthousiasme Grégoire Boyen. Louis-Xavier confirme
: « Je n'ai jamais eu de regret sur mon changement
de métier. Même si c'est parfois très
compliqué et que le chemin vers l'autonomie reste
encore long, je me sens toujours en accord avec
moi-même sur mes terres. » ❚
Quentin Fuseau
1. INSEE, 2020.
2. L'avenir de la filière agricole à l'horizon 2050, Sénat, le 31
janvier 2007.
3. Futura Planète, 2019.
NEOMA ALUMNI mag JUIN 2021 - 31 -
DR

NEOMA Alumni Mag - N°27 - Juin 2021

Table des matières de la publication NEOMA Alumni Mag - N°27 - Juin 2021