NEOMA Alumni Mag - N°34 - Avril 2023 - 45

Pour trouver des techniques plus durables, le
monde de l'agro et de la Tech retrousse ses
manches. « Toute notre recherche est orientée
vers la diminution de l'impact environnemental et
sociétal », précise Vivien Rousselin (EMGE 13),
directeur commercial de Corteva Agriscience. Le
leader mondial en semences et solutions agronomiques
consacre ainsi entre 8 % et 10 % de son
chiffre d'affaires à la R&D. Soit plus de 3 000 projets
par an. Les travaux portent de plus en plus sur
les produits de biocontrôle (qui luttent contre les
maladies, les insectes...) et biostimulants (qui améliorent
l'utilisation de l'azote par la plante, stimulent
la croissance, augmentent la résistance aux stress
climatiques). Des produits d'origine 100 % naturelle.
« Mais les investissements sont très lourds :
c'est plus compliqué de faire de la chimie verte. »
Dans les fermes Etamines, on expérimente toutes
plient. L'agriculteur, qui a déjà une connaissance
profonde de sa terre, aura ainsi besoin de compétences
d'ingénieurs. À lui de se former ou de bien
s'entourer. C'est le visage de toute une profession
qui se transforme.
Passons à l'addition. Produire mieux coûtera donc
plus cher. Le poids de l'alimentation sur le budget
des ménages est de 15-20 % aujourd'hui (contre
40 % en 1950). Pour Grégoire Boyen, ce sera difficile
de maintenir un tel niveau, et tout le monde
n'est certainement pas prêt à payer le prix d'une
agriculture plus respectueuse de l'environnement.
« Il faudra vérifier que cette inflation paie bien les
agriculteurs, et non les intermédiaires », précise-t-il.
Pour la directrice Conseil Amina Galiano, la transition
ne pourra se faire sans modifier nos habitudes
de consommation : « Comme tout ce qui touche au
développement durable à l'échelle planétaire, c'est
un projet de civilisation. » Car c'est moins l'agriculture
elle-même que notre système alimentaire qui
est responsable du dérèglement écologique. ❚
C'est moins l'agriculture
elle-même que notre
système alimentaire qui est
responsable du dérèglement
écologique.
les pistes. « Ce qui marche sur une terre ne marche
pas toujours sur une autre, admet Guillaume Bloc.
Il y a beaucoup d'échecs, le chemin est encore
long, on débute. »
Dernier espoir pour parvenir à produire plus : les
nouvelles variétés. Comment les rendre plus résistantes
à la sécheresse ou au stress sanitaire ?
« Nous avons déjà boosté les rendements des
plantes grâce à la nutrition, la santé et les itinéraires
techniques, nous pouvons aller encore plus
loin avec la génétique, indique Grégoire Boyen. Ne
sous-estimons pas les possibilités. » Chez Corteva
par exemple, ce sont plus de 300 semences qui
entrent dans les laboratoires chaque année. Mais
il faut compter entre sept et dix ans avant leur
mise sur le marché. Ce qui oblige les grands
semenciers à imaginer les produits du futur, ceux
qui s'adapteront au climat et aux attentes des
consommateurs. Bref, une bonne vision.
VERS UN CHANGEMENT DE CIVILISATION
Les performances de ces variétés plus rustiques
seront certainement boostées par le digital. La
révolution est en cours. « Une myriade de capteurs
relèvent une multitude de données, prévoit Grégoire
Boyen. On aura jusqu'à des informations prédictives
: on pourra prévenir d'une menace,
sanitaire par exemple, en stimulant les défenses de
la plante. » Les applications de ce genre se multiPROTÉINES
COMPLÉMENTAIRES :
LA VIANDE « CULTIVÉE »
Boom démographique de certains pays, hausse de leur niveau
de vie, occidentalisation des habitudes alimentaires... « En 2050,
la demande en protéines animales devrait encore augmenter de
30 % », prévient Étienne Duthoit (PGE 05), cofondateur de Vital
Meat. Et qui dit production de viande, dit gaz à effet de serre,
besoin de surface, d'eau... « Si on veut un système alimentaire
efficace, il faut imaginer des solutions complémentaires »,
poursuit-il. Alors après avoir travaillé chez EY, puis rejoint une
entreprise de produits alternatifs à l'agrochimie, il est appelé par
le groupe Grimaud pour développer de la viande « cultivée ».
En 2018, il fonde Vital Meat.
« Ce n'est pas une alternative à la viande, mais une viande
produite de manière alternative », souligne-t-il. Et d'expliquer
qu'il s'agit de cellules de poulet prélevées dans un œuf, placées
dans de grandes cuves, nourries de sucre, d'acides aminés, de
sels minéraux, de vitamines... « On ne reproduit pas du blanc de
poulet à l'identique, la reconstitution est trop compliquée. Notre
poulet se consomme sous forme de nuggets, ou de cordon bleu,
détaille le chef d'entreprise. Le produit est sain et nutritif,
fabriqué avec une empreinte environnementale largement
réduite. Pas d'antibiotique, peu d'eau, peu d'espace... » Reste à
relever trois challenges : réduire les coûts, produire à grande
échelle et passer les barrières réglementaires. Pour Étienne
Duthoit, « la viande de culture aura ses consommateurs et ses
moments de consommation. Ce sera une source de protéines
complémentaires qui viendra s'ajouter à la viande conventionnelle,
et autres protéines alternatives. »
Anne Faure
12%
des exploitations
françaises sont
certifiées agriculture
biologique (x 3 en 10
ans).
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