Paramag - n°296 - Janvier 2012 - 9

Hommage : Guy Sauvage
Salut l'Artiste !
C'est une triste nouvelle, survenue en pleine période de fêtes, la rédaction de ParaMag a perdu un de ses premiers et fidèles collaborateurs : Guy Sauvage nous a quittés le 22 décembre, emporté par un cancer fulgurant. Le parachutisme perd un Grand Monsieur, photographe, écrivain, éditeur, inventeur,... Nous reviendrons plus en détails sur sa carrière parachutiste dans notre prochain numéro, tant elle est vaste. Pour le moment, deux des premiers journalistes parachutistes indépendants, dont Didier Klein, fondateur de ParaMag, ont souhaité prendre ou reprendre la plume pour rendre hommage à leur ami. Avec Guy, ils font partie d'une poignée d'hommes qui, à l'époque de Chute Mag, des Hommes Volants et de la rubrique para dans Pilote Privé, ont contribué à la naissance d'une vraie presse parachutiste spécialisée en France. Bruno Passe

Du parachutisme il aimait tout. La caresse d’un coucher de soleil sur l’horizon de La Ferté. L’odeur frémissante de l’huile chaude du Pilatus. Le doux ronronnement de sa turbine. La vanité des uns. La grandeur des autres. Il y était chez lui, dans un parfum d’éternel émerveillement. C’était son monde. Son espace. Sa joie. Il était un roc. Taillé d’une pièce, il était, au crépuscule de sa vie, « animé d’une fureur triste à l’idée d’accepter la vieillesse comme une incontournable évidence ». Homme d’orgueil, son code personnel de l’honneur lui imposait de nous adresser son ultime salut comme il avait toujours vécu : avec panache. Du parachutisme, oui, il aimait tout. Depuis longtemps. Depuis toujours. Mais à l’intime, seules deux de ses facettes faisaient vibrer son cœur de façon aussi incontrôlée que déraisonnable. La première, c’était les parachutistes. Il les aimait sans limite, à la folie. Indécrottable explorateur de l’âme humaine, il riait avec et de ses camarades avec une tendresse infinie. Ils furent son socle, son cercle, sa famille. Celle d’une vie. La seconde, c’était sa dimension esthétique. Poète dans l’âme, il n’a jamais cessé d’être ébloui par la beauté du ciel. Homme d’images, il passera l’essentiel de ses promenades bleues à tenter d’y capturer d’éphémères et fragiles étoiles et contre-jours. Les parachutistes. Ses amis. Son ciel. En cette foudroyante fin d’automne, mon Guy, as-tu ressenti tout le désarroi qui allait être le nôtre ? T’avons-nous collectivement dit suffisamment « merci » pour tous ces instants généreux et précieux ? Non, bien sûr. Et pourtant ! Comme ce fut le cas pour chacun de ceux qui t’ont approché d’assez près, tu as illuminé ma vie. Nos vies. Parfois d’un rien. D’un sourire. Souvent d’un mot, d’une phrase. D’un moment. D’un rire. Pour cela, pour ce lien, pour tous ces rires et leurs milliers d’éclats, merci, merci, merci. Bien des années après le dernier vol de Saint-Ex, le 31 juillet 1944, tu nous laisses toi aussi orphelins d’un poète-écrivain à l’empreinte inaltérable. Comme lui, tu viens de nous jouer un dernier et bien vilain tour : celui de nous avoir offert des étoiles comme personne n’en a. Des étoiles qui savent rire. Didier

Guy Sauvage dit "Guisso" On était certains, du deuxième cercle des copains, à avoir quelque projet en cours avec toi, encore tout récemment dans cet automne grinçant. Pour moi, et entre nous, c'était des "disputes" qu'on entretenait d'une année l'autre, autour de tes poétiques souhaits de nouvel an. Tu te montrais fort en rimes et toujours gourmand de la "pétillance" de notre langue : "la française", celle enrichie par ton ouverture à la littérature où tu fouinais de façon un peu "aléatoire" disais-tu. Là, on rivalisait jusqu'à la joute, du jeu des mots, s'emberlificotant dans des références d'auteurs, des géants, qui bien vite nous submergeaient. C'était bon cette euphorie du langage qu'on déployait, avec narcissisme, mais sans se prendre "le chou", autrement qu'en sourire. Ce trait d'esprit que tu jouais souvent au deuxième degré, t'a permis d'écrire, et bien, et joliment, et clairement : je te l'envie toujours. Il y aura dans ParaMag, le rappel, partiel, de ton action parachutiste. La geste de notre sport te doit des choses : merci. Parmi elles, la fin de l'exploration argentique de la chute. On y a bégayé ensemble quelques belles images du moment, avec même, dans les tirages, des rendus flamboyants... Jusqu'au risque de s'exposer. La suite est numérique, et parfois merveilleuse, et satisfaisant ton sens de l'esthétique par les prouesses techniques des acteurs, la fluidité graphique et l'offre du matériel photographique. On en convenait, un peu jaloux et très admiratifs. Homme d'images et de mots, si tu traquais le flou et la "pétouille" dans le cadre, tu avais aussi de la précision dans le dire et de l'exigence dans l'écrit, jusqu'à la rigueur orthographique, dernier lieu de civilité. Encore Guisso, un débat courriel sur l'orthographe d'une sentence en "vieux françois" où j'avais fait faute ; reprenons, m'entends-tu, la dérivée métaphorique sur laquelle nous nous mîmes d'accord "....tout est perdu fors...... l'humour..." J'ai commencé de dire de toi au passé, ce premier jour d'hiver, c'est au présent que j'attends, hélas, tes vœux alexandrins. Michel P-V. dit " Michotte"

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« Et quand tu sera consolé, tu seras content de m’avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir… Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras : « Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire ! ». Et ils te croiront fou. Je t’aurai joué un bien vilain tour… » Antoine de Saint-Exupéry Le petit prince
Guy Sauvage Du parachutisme il aimait tout. Sa plume aiguisée en fit le plus malicieux et le plus incisif des rapporteurs. Moqueur impénitent, rien ne l’amusait tant que de tourner en dérision la petitesse des hommes. Et avec quelle adresse ! Son armure était épaisse. Sa sensibilité magnifique. Son bonheur la vie.

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