ParaMag - n°324 - Mai 2014 - 13

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Par
Yves-Marie
Guillaud

LES BREVETS

«Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?» disaient
les Shadoks. La complexification du système des brevets fédéraux
de la désormais fameuse «DT 38» s'étend à sa date d'application.
Datée du 10 mars 2014, «elle est d'application immédiate».
Cette «application immédiate» ne risque-t-elle pas de poser
problème en matière d'assurances, que ce soit en responsabilité
civile (RC) pour les dommages causés aux tiers ou en individuelle
accident (IA) pour les dommages subis ? La règle de base du droit
des assurances, qu'il faut connaître pour analyser la situation, est
illustrée par une anecdote datant des années 90.
Un célèbre guide de haute montagne, auteur de nombreux exploits,
pratiquait également le base-jump, très confidentiel à l'époque.
Lors d'une expédition au Venezuela pour le tournage d'un film,
il sautait à la célèbre cascade du Salto Del Angel avec le gratin des
base-jumpers français.

Imaginons qu'un pratiquant de pilotage sous voile en survitesse
percute un autre parachutiste en phase finale et le blesse
gravement, ou qu'un pratiquant de wing-suit percute un collègue et
le blesse gravement. Qui paye alors les indemnités dues par l'auteur
à la victime et ses ayants droit ?
L'assurance responsabilité civile (RC) associée à la licence fédérale
est destinée à couvrir ces indemnisations qui peuvent être très
importantes. C'est la partie la plus importante du contrat, et celle qui
est obligatoire, l'assurance IA étant subalterne. Mais, il y a un «mais»...
Le contrat d'assurances souscrit par la FFP (version en ligne non datée,
police n°XFR0007181AV10A), stipule en son article 1.4 : «L'ensemble
des activités... couvertes au titre du présent contrat dans son article
1.2 (enseignement et pratique du parachutisme, entraînement...)
devra s'exercer dans le respect des lois et règles applicables à ces
activités, et notamment des règles édictées par la FFP...».

Mauvais atterrissage, fracture simple. Une jeune femme du groupe
venait également de se blesser. Grand professionnel, le guide
décide d'être évacué en second par l'hélicoptère qui ne pouvait
transporter qu'un blessé à la fois. Pendant l'attente, il décède d'une
embolie, laissant une veuve avec deux enfants mineurs.

Ainsi, la pratique qui ne respecterait pas «les règles édictées par la
FFP» est-elle explicitement exclue. Donc, depuis le 10 mars 2014
ceux qui pratiquent le posé en survitesse, la wing-suit et la voile
hybride sans détenir le nouveau brevet correspondant ne sont pas
couverts par le contrat d'assurances, ni en RC (ce qui engage aussi
la responsabilité des structures où ils pratiquent), ni en IA.

Conscients du caractère marginal, surtout en 1990, et de la
dangerosité objective du base-jump, les participants interrogés par
la police se sont imaginés faire croire que ce guide pratiquait du
parapente afin que les compagnies d'assurance indemnisent ses
ayants droit, croyants que le base-jump ne pouvait pas être garanti
et que le parapente l'était.

Interrogé par un pratiquant, un membre de la DTN lui a répondu début
avril par mail : «Tant que le dispositif n'est pas entièrement en place,
à savoir listing des formateurs WS et hybride, et mise en place de
stages, on continue comme avant (l'assureur FFP est au courant).
Pas de problème, donc».

Or l'assurance-décès des professionnels de la montagne dont
bénéficiaient les ayants droit du guide excluait expressément le
parapente. Lors du procès, leur avocat a décidé de dire et
démontrer que le décès était intervenu lors d'un base-jump, activité
non-exclue expressément, de sorte que la garantie était due, quoi
que pensent les juges de l'extrême dangerosité du base-jump.
En effet, en droit des assurances tout ce qui n'est pas expressément
exclu est garanti, et inversement. Sur le fondement de cette règle de
base du droit des assurances, le procès a été gagné par la famille
du guide devant la Cour d'Appel de Paris. L'indemnité a été versée.
Ce récit démontre le caractère absolu et rigoureux de cette règle de
base du droit des assurances : tout ce qui n'est pas explicitement
exclu par le contrat est garanti. Et réciproquement, tout ce qui est
explicitement exclu n'est pas garanti.

«On continue comme avant...» ? La FFP décide que sa nouvelle
réglementation s'applique à compter du 10 mars 2014, mais
comme les formateurs et les stages ne sont pas mis en place, «on
continue comme avant». Mais alors, ne fallait-il pas différer
l'application de la nouvelle réglementation ?
«L'assureur de la FFP est au courant. Pas de problème, donc» ?
L'assureur ne s'est pas engagé par écrit mais est « au courant » ce
qui ne poserait «pas de problème». Mais alors, pourquoi ne lui estil pas demandé de s'engager par écrit avant l'application de la
nouvelle réglementation ?
Une telle réponse crée un climat de tranquillité là où il y aurait lieu
de s'inquiéter, ou à tout le moins d'être d'une prudence de chat, en
raison de l'insécurité juridique qui demeurera tant que l'assureur ne
se sera pas engagé par écrit à garantir provisoirement les
pratiquants non brevetés («comme avant») de disciplines couvertes
par des brevets existants et obligatoires.
C'était pourtant simple de décider que le nouveau système de
brevets serait applicable obligatoirement à compter du 1er janvier
2015, et que les nouveaux brevets pourraient être délivrés à
compter du 10 mars 2014 sans que leur possession soit obligatoire
dans la période transitoire.

Il eût sans doute mieux valu décider qu'elle s'appliquerait à
compter du 1er janvier 2015 afin de laisser le temps à la FFP ellemême d'organiser la formation pour ces nouveaux brevets et aux
écoles de l'assimiler.

Qu'est-ce donc qui a poussé la FFP à la précipitation ? Est- ce le
souhait de définir, via le BPA ce qu'est le «pratiquant autonome» de
l'article A.322-162 du Code du Sport ? Il suffisait d'ajouter que dans
cette période transitoire, c'est un titulaire d'un brevet B1 à B5.

Ceux qui veulent pratiquer ces disciplines en 2014 sans détenir
le nouveau brevet correspondant vont donc le faire en infraction
avec la réglementation de la FFP. Pour quelles conséquences ?

Faute de période transitoire, «on continue comme avant». Comme
disaient les Shadoks : «Quand on ne sait pas où on va, il faut y
aller... Et le plus vite possible». ■

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Mai14:324
paramag.fr

Depuis le 10 mars 2014 donc, s'appliquent les nouveaux brevets
Bi5 et B5 (pilotage sous voile), WS (wing-suit), VH (voiles hybrides).
Or il est actuellement difficile de les délivrer vu l'insuffisance du
nombre de formateurs et de stages de formation. La FFP a donc
rendu d'application immédiate une réglementation difficilement
applicable immédiatement.

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