ParaMag - n°324 - Mai 2014 - 24

SÉCURITÉ

J'ai souvent constaté en faisant effectuer
des révisions à des élèves ainsi qu'à des
confirmés (y compris à des moniteurs
stagiaires) que ce que l'on croyait être
acquis était en fait bien loin de l'être.
Nous sommes toujours attentifs et précautionneux avec des élèves effectuant leur
saut de reprise après une période
d'interruption de quelques mois.
Nous ne devons cependant pas nous
contenter uniquement de cela.
Il suffit en effet de quelques jours
pour oublier tout ou partiellement.
Certains exemples font froid dans le dos
et concernent aussi des parachutistes
confirmés.
Lors des formations au monitorat fédéral
ou d'État, au cours des séquences
techniques et pédagogiques (formation
théorique de 10 jours sans la présence
d'élèves), j'impose systématiquement à
l'ensemble des moniteurs stagiaires un
exercice de procédure de secours au
harnais suspendu. Je filme chacun d'eux
et nous débriefons ensemble sur la base
des images. Le constat est régulier :
malgré leur expérience et leur nombre
de sauts, environ un stagiaire sur trois
n'exécute pas convenablement
la procédure de secours.
En les interrogeant, il n'est pas exceptionnel qu'ils nous confient qu'ils n'avaient
pas refait de simulation depuis leur
formation au premier saut ou qu'il
s'agissait de leur premier passage dans
un harnais suspendu ou encore qu'ils
tiraient réellement sur les poignées
pour la première fois.
Il fut un temps où tout parachutiste,
quelque soit son niveau, repassait au
minimum une fois par an dans un harnais
(suspendu ou non) et effectuait une
procédure de secours devant un moniteur.
Cette démarche donnait aussi lieu à des
échanges sur les différentes configurations d'incidents. Excepté dans le milieu
militaire (SAPS), cela se perd malheureusement. Il n'est donc pas si étonnant
de constater parfois de mauvaises
actions ou réactions lors d'incidents
et de procédures de secours.

Mai14:324
paramag.fr

Certes, dans des configurations
d'incidents réels, le facteur «stress» est
souvent déterminant et influe sur la
réaction. Bien que nous réagissons tous
différemment face à celui-ci, la plupart
du temps il agit comme un perturbateur.
Une bonne formation fera la plupart
du temps diminuer ce stress,
améliorant ainsi la qualité de la réponse.
Un facteur aggravant : la précipitation.
En trente ans j'ai pu observer plusieurs

centaines d'élèves effectuer des
simulations de procédure de secours
dans des harnais. Très souvent,
j'ai constaté une certaine précipitation
entre l'action de libération et l'action
sur la poignée de secours.
Cette précipitation est la plus part du
temps générée par «l'envie pressante»
de saisir au plus vite la poignée du
parachute de secours afin d'en déclencher l'ouverture une fois reparti en
chute. La poignée de libération est donc
souvent lâchée prématurément, avant
que les bras soient complètement
tendus. C'est sans doute la principale
cause de libérations incomplètes.
Il est pourtant bien connu qu'il ne faut pas
confondre vitesse et précipitation.
Dans une situation stressante, où les
gestes doivent être précis, la précipitation
est souvent source de maladresses
ou de confusions.
Le port de gants inadaptés qui réduisent
les sensations et ne facilitent pas la
préhension correcte des poignées peut
aussi parfois être la cause de certaines
maladresses ou les accentuer. Il est
malheureusement rare que les éducatifs
soient effectués avec des gants.
Il faut, en premier lieu, faire comprendre
aux élèves que les actions sur la poignée
de libération doivent être particulièrement
soignées et qu'il ne sert à rien,
voire même qu'il peut être dangereux,
de vouloir se précipiter sur la poignée
d'ouverture du parachute de secours.
Il est primordial que les moniteurs soient
très attentifs à cela et intransigeants
quand ils en détectent le moindre signe.
Enseigner correctement la procédure
de secours demande des moyens.
Il est impératif de donner aux élèves la
possibilité de tirer réellement les poignées
de libération et de secours lors des
exercices au sol.
C'est, selon moi, la seule solution,
le seul moyen afin que les élèves
s'approprient correctement la gestuelle
et que les moniteurs puissent vérifier sa
bonne exécution (préhension correcte
des poignées, rythme d'exécution,
amplitude des mouvements, absence
de précipitation, etc.). Il est donc nécessaire de disposer de harnais en état
(suspendus ou non) dédiés à cet exercice.
Je constate parfois que ce type d'agrès
semble absent de certaines structures
ou non utilisé. Comment effectuer
un enseignement de qualité
dans ces conditions ?

Un exercice de procédure de secours dans un
harnais suspendu. Celui-ci est équipé d'élastiques qui freinent progressivement la chute
après la libération. Il est important de veiller
à ce que ce type d'agrès ne génère pas de
précipitation entre l'action de libération
et l'action sur la poignée d'ouverture
du parachute de secours.
Photo Nicolas Glotin

Le harnais suspendu
Cet agrès, présent sur la quasi-totalité
des écoles il y a encore quelques années,
a tendance à devenir une espèce en voie
de disparition. Il serait intéressant de
s'interroger sur les causes de son extinction.
Est-ce pour des raisons purement
pédagogiques ou plus simplement pour
des raisons économiques liées au gain
de temps obtenu en supprimant
son utilisation ? Je m'interroge...

http://www.paramag.fr

ParaMag - n°324 - Mai 2014

Table des matières de la publication ParaMag - n°324 - Mai 2014