ParaMag - n°338 - Juillet 2015 - 19

Les raisons probables :
Comme on dit souvent, les accidents en
aéronautique sont, la plupart du temps,
le fruit de plusieurs voyants qui passent
au rouge sans qu'on y prête attention....
Début de saison, température pas très
haute (fin mars), changement d'altimètre,
perturbation inconsciente (plusieurs
changements dans ma vie) même si je
paraissais plutôt bien, etc.
Toutes ces pseudo-raisons ont probablement joué dans mes prises de décision.

Je n'ai aucune explication rationnelle,
d'autant que pendant des centaines de
sauts je commençais mon virage au visuel,
sans regarder l'alti, seulement avec
des repères visuels.
Les conséquences de l'impact :
Fracture du fémur droit et du bassin (cotyl)
gauche avec complication (syndrome des
loges), traumatisme crânien mineur
et fractures de dents, suivis de six mois

de rééducation. Je conserve une petite
déformation du bassin m'empêchant de
marcher comme avant. Aux vues de la
vitesse de l'impact et des conséquences
habituelles après un tel accident, je (on)
m'estime plutôt chanceux...

REX

Celle-ci montre que la finale de mon
dernier virage est très engagée et que je ne
freine réellement ma voile (on peut le voir à
son changement de profil) qu'à quelques
mètres du sol (entre trois et cinq, je pense).
Difficile d'estimer la vitesse de l'impact,
mais ce fut violent...

Ce qui me paraît totalement illogique,
c'est d'avoir continué d'engager ce virage
sans aucune raison apparente (pas de gêne
para ou autre) et de ne pas avoir rétabli
avant (lâcher les élévateurs ou freiner plus tôt).

Contrairement à mon habitude, depuis
deux sauts, je n'utilise pas mon altimètre
numérique car il est parti en réparation.
J'utilise donc un altimètre standard
à aiguille, comme j'ai pu le faire durant des
milliers de sauts. Vers 180 mètres, comme
il n'y a personne pour me gêner, j'engage
un virage assez large, que j'accélérerai si
besoin. Malheureusement, je n'ai aucun
souvenir précis de mon état d'esprit du
moment ni de l'action que j'ai menée.
Il n'y a qu'une vidéo, que j'ai visionnée
des centaines de fois.

J'ai interrogé autour de moi quelques
parachutistes très aguerris (plus de 10 000
sauts) et tous m'ont dit ne pas comprendre
pourquoi, à un moment donné,
il peut y avoir une absence aboutissant
sur des conséquences graves ou fatales.
Je ne pensais pas qu'un jour ça puisse
m'arriver...mais non, ça n'arrive pas
qu'aux autres... ■

Note de la rédaction

Ce retour d'expérience montre que, en plus du facteur humain (également abordé
dans notre article "Réflexion de l'Iconoclaste autour des accidents"), le facteur matériel
peut avoir une incidence plus ou moins importante en cas d'accident sur des voilures
de moins de 100 pieds carrés. Ici il est question d'un changement d'altimètre,
mais une simple cuissarde qui se desserre ou un défaut apparemment mineur
sur la voilure peuvent être lourds de conséquences.
Sur un des accidents mortels survenus récemment, l'enquête s'oriente, entre autres,
vers un éventuel défaut matériel : une amorce de fragilisation dans la structure interne
de la voilure. Toujours en supposant que cette piste matérielle soit exacte, la preuve serait ainsi faite, une fois de plus, que sur de très petites voiles, un défaut matériel apparemment mineur et presque imperceptible peut avoir des conséquences tragiques.

Réflexions de l'Iconoclaste "accidents", suite...
Par Yves-Marie Guillaud

Mais bon sang, fait-on collectivement
fausse route pour que la liste des morts et
des blessés graves à l'atterrissage s'allonge
ainsi inexorablement ? Ne peut-on rien
faire pour arrêter cette spirale mortifère ?
Doit-on assister impuissants à cet alignement d'annonces tragiques ?
On a pu un temps penser que le problème
venait de ce que les pratiquants de l'accélération sous voile étaient autodidactes,
faute de formation adéquate et d'encadrement ad hoc. La FFP a créé les brevets Bi5
et B5 pour la conduite des voiles rapides,
et souvent sous-dimensionnées,
il faut le dire.
Le brevet Bi5 consacre la «capacité aux
sauts dédiés spécifiquement (ou non) au
posé en survitesse hors compétition», et le

En fait, le vrai contenu de ces brevets,
et surtout leurs limites, semble être en train
de s'écrire sur le tas, par l'expérience.
Mais l'encre de cette écriture est rouge-sang.
En créant des brevets et des formations,
n'a-t-on pas légitimé une pratique dangereuse et assimilé ladite pratique à un
exercice normal de parachutisme sportif ?
N'a-t-on pas créé une offre qui suscite des
vocations ? N'a-t-on pas mécaniquement

augmenté le nombre de morts et blessés
en augmentant le nombre de pratiquants ?
En créant des filières de détection afin
d'alimenter les compétitions internationales
de pilotage sous voile, dont l'origine réside
dans les XGames américains (c'est dire),
n'a-t-on pas créé un effet aspirateur qui
pousse toujours plus de parachutistes à
prendre toujours plus de risques en pilotage sous voile ?
Est-ce un hasard - ça ferait beaucoup de
mortels hasards ces temps-ci - si le dernier
accident de Castelnau - on ne dit pas le dernier
accident en date, à la vitesse où vont les
choses - s'est produit avec une voile
de très petite dimension, 71 pieds-carrés,
durant un stage de détection pour l'accès
à la compétition de pilotage sous voile
organisé par la FFP, et d'un stage
de formation d'initiateur B5 ?
La preuve est ainsi apportée que même
avec le meilleur encadrement, les meilleures
circonstances, les meilleurs conseils, et des
participants choisis, l'exercice de «posé en
survitesse» et de «pilotage sous voile» est
par nature mortellement dangereux.

Alors soit on l'accepte comme tel et on
compte les morts, soit on décide de stopper
le carnage. Demandons aux veuves
et aux orphelins ce qu'ils en pensent.
On en est là.

Juillet15:338
paramag.fr

Qu'il est cruel d'avoir si vite raison !
La chronique iconoclaste «autour des
accidents» (voir en pages précédentes)
était à peine rédigée et mise en page
qu'un nouvel accident mortel à l'atterrissage s'est produit à Castelnau Magnoac.
«Au prochain mort, car il y en aura...»,
est-il écrit dans ce texte qui reste volontairement publié tel quel. Parfois on aimerait
avoir tort et sombrer dans le ridicule d'un
alarmisme déplacé.

brevet B5 une «aptitude à la pratique du
pilotage sous voile (loisir et compétition)».
Il était écrit dans la chronique iconoclaste
«sur le posé en survitesse» (PM n°325,
juin 2014) :
■ «Quelle est la différence entre «capacité»
du Bi5 et «aptitude» du B5 ? Faut-il comprendre que l'emploi de termes différents
induit une compréhension différente de
l'exigence technique ?»
■ «Comment déterminer la différence
entre «posé en survitesse» du Bi5
et «pilotage sous voile» du B5 ?»
■ «La DTN a voulu ménager la chèvre
et le chou, alors on peut atterrir en
survitesse sans brevet Bi5 mais pas trop
vite quand même, et ça dépend de l'âge
du capitaine...»
■ «Fallait-il vraiment créer un brevet pour
l'atterrissage en survitesse ? Comme souvent,
on croit se protéger en réglementant tout
dans le détail et on aboutit à l'effet inverse.»

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