ParaMag - n°344 - Janvier 2016 - 51

Pour son premier coup vraiment médiatique, il choisit de sauter du fameux pont
du Golden Gate, qui surplombe la baie de
San Francisco. Un saut de 230 pieds, qui
a déjà coûté la vie à Alfred "Dusty" Rhodes
l'année précédente. À 35 ans, l'indien
Navajo Dusty Rhodes est connu pour ses
cascades de cinéma, et vit à Honolulu.
Le 6 février 1948, il se fait amener en
voiture sur le Golden Gate Bridge,
et déclare : "Je vais bien, je suis parfaitement préparé. Ce sera le plus grand saut
de ma vie". Ce sera surtout le dernier.
Il s'attache à trois petits parachutes,
bien trop petits... et saute. Bien que
complètements ouverts, les parachutes ne
freinent pas sa chute. Rhodes tombe
comme une pierre, et frappe l'eau glacée
de plein fouet. L'impact est violent,
son casque est éjecté et malgré sa
Mae-West, Dusty Rhodes se noie,
sans doute inconscient. Son corps part à la
dérive dans le courant, sous les yeux de sa
femme de 25 ans, Lorraine, mère de
deux enfants. Un saut d'autant plus fou
que Rhodes a refusé qu'un bateau
l'attende sous le pont.
Évidemment l'année suivante,
lorsque Robert Niles annonce qu'il va
sauter à son tour, les photographes sont là.

Deux semaines après sa tentative
manquée au Golden Gate Bridge,
Robert Niles fait à nouveau parler de lui
avec une idée originale, sinon efficace :
"l'Eagleman Suit". Des ailes classiques
d'homme-oiseau parachutiste à la mode
des années 50, mais recouvertes de
centaines de vraies plumes.
De simples plumes de poulet apparemment, ce qui augure mal de la suite.
Collées dans n'importe quel sens,
ces plumes n'ajoutent rien en performance
de vol, elles semblent bien n'être là que
pour justifier l'appellation "Eagleman"
et attirer l'attention du public.
Étonnamment, ce sont des ailes de très
grande surface pour l'époque, à tel point
qu'on peut se demander comment elles
étaient contrôlables en chute.
Par principe, les ailes de toile ballonnaient,
flappaient, ralentissaient la chute mais ne
créaient que peu de portance et de vol
horizontal, à l'opposé des wingsuits
modernes.
Le 10 avril, "Eagleman" Niles monte dans
un avion pour une démonstration en
public, l'arrivée est prévue dans un stade.
À 6500 pieds il saute, effectue une chute
libre de 500 pieds seulement avec ses
ailes emplumées, et ouvre son parachute
principal. À 200 pieds du sol, il ouvre son
second parachute et se pose. Le saut est
un succès, juste à un détail près :

Que s'est-il passé vraiment ?
Pourquoi Robert Niles ouvre-t-il son
parachute après seulement 500 pieds
de chute libre ?
Probablement pour les mêmes raisons
que l'homme-oiseau français Léo Valentin
découvrira l'année suivante.
Le 30 avril 1950, à Villacoublay (voir photos
ci-dessous), Léo Valentin s'élance
de l'avion à 4 300 mètres avec ses grandes
ailes de toile : "Tout de suite, le vent
s'engouffrant dans les ailes, je fus littéralement écartelé". Il tombe les bras en croix,
mais la chute est instable.
"A 1000 mètres, je voulus ramener mon
bras sur la poitrine pour tirer la poignée
d'ouverture du dorsal. En vain." La pression de l'air sur les ailes est telle qu'il ne
peut plier les bras. Il est obligé de passer
sur le dos pour rabattre les ailes sur lui,
et enfin atteindre la poignée.
Puis, la main toujours sur la poignée,
il se bat pour se remettre en position
d'ouverture correcte, face au sol, et ouvre
son parachute. La coupole se déploie
à 600 mètres. Valentin est sauf,
mais il l'écrit : "J'eus atrocement peur".
Déstabilisé par ses ailes souples trop
grandes, il est probable que Robert Niles
ait eu à subir sans l'avouer la même
mésaventure que Léo Valentin.
Et on n'entendra plus parler par la suite
de la fabuleuse wingsuit Eagleman
en plumes de poulet.

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Janvier16:344
paramag.fr

Le 27 avril 1950, juste avant le meeting du
30 avril à Villacoublay, le français Léo
Valentin présente ses grandes ailes de toile
aux journalistes, et la façon théorique de
les replier en chute afin d'atteindre la
poignée d'ouverture du parachute.
Mais comme le 4 mai suivant à MeauxEsbly, écartelé par le vent dans les ailes,
il déclarera ensuite : "J'eus atrocement
peur !". Et c'est seulement en
passant en chute sur le dos qu'il put
rabattre ses ailes et saisir la poignée
d'ouverture, pour repasser face sol
et enfin déployer sa voilure.
Archives Francis Heilmann.

Eagleman

"Eagleman" a atterri à 2 miles du stade
où le public l'attend ! Le public n'a rien
vu du plumitif parachutiste, mais Niles
sera tout de même payé 200 dollars
pour la cascade.

HISTORIQUE

Cascadeur, originaire d'Oakland et ancien
parachutiste militaire, Robert Niles a 22
ans en ce mois de mars 1949. Depuis
quelques années, il effectue des sauts en
parachute lors des fêtes et foires régionales
de Californie. Mais il veut désormais voir
son nom s'afficher à la une des journaux.

Le 26 mars 1949, il est sur le Golden Gate
Bridge. Mais par malchance, un policier en
patrouille sur l'autoroute passe sur le pont
à ce moment-là et arrête Niles avant qu'il
ne puisse sauter par-dessus bord.
C'est l'échec.

Première tentative
au Golden Gate
Bridge

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