ParaMag - N°379 - Décembre 2018 - 21

Photo ci-contre
Le regretté Francis Heilmann, en vol avec une
de ses combinaisons ailées Aircat (modèle de sa
conception), en 2001. Déjà à l'époque, Francis avait
conçu et mis en place un déﬂecteur sur le bord de
fuite de sa combinaison et un extracteur déporté.
Photo Cédric Michelena

PREMIÈRE

Préparation

Pour réaliser l'aventure, deux choses
étaient indispensables : un avion bien sûr,
et un bateau. L'avion fut un Pilatus italien
souvent loué par le centre de parachutisme de Propriano, qui est actif principalement l'été sur la côte ouest de la Corse.
Le pilote était Valerio Antonucci, propriétaire du Pilatus et également habitué à
larguer à Propriano (je préçise que l'EPV
n'avait rien à voir dans cette opération).
Le plan était que l'avion suive, à distance
raisonnable, la traversée des trois wingsuiters, ce qui permettait aux autorités aériennes de les repérer sur les radars, de
gérer le traﬁc et d'assurer la sécurité en
vol. Pour la sécurité en mer, l'avion était
en contact radio avec le bateau sur lequel
se trouvaient Pietro, un membre actif du
club de parachutisme de Propriano, ainsi
que Alain Manzanares, avec qui Rodolphe
avait commencé le parachutisme.
L'idée était que le bateau prenne de
l'avance sur les wingsuiters aﬁn d'assurer
une éventuelle récupération dans l'eau,
à envisager plutôt du côté de la Sardaigne.
Le point de largage était prévu à la
verticale des falaises, le plus au sud
de la Corse, entre Bonifacio et Ciappili.
Et le posé devait se faire dans la baie
Santa Teresa, sur une plage longue de
200 mètres, soit une distance exacte
de 13,3 km à parcourir. Cette plage est
la seule exploitable dans cette partie,
la plus au nord de la Sardaigne. Partout
ailleurs, la côte est rocheuse jusque dans
les terres. Impossible d'y envisager un
atterrissage sans risque.

Entraînement
et réﬂexion

Pour la wingsuit, mon choix fut la C-Race,
plutôt qu'une très large combinaison
comme l'Aura. Je préférais une combi
plus rapide pour ce vol qui allait durer

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Flash-back

Il s'agissait sans doute du premier naufrage aérien d'un homme-oiseau
en wingsuit depuis Icare...
Les 29 et 30 mai 2002, Francis Heilmann effectuait «un repérage un peu
poussé» (selon ses propres termes !) pour étudier la question des traversées
maritimes en combinaisons ailées : deux sauts avec largage vertical de
Bonifacio, en Corse, à 7 300 m et 7 400 m avec oxygène dans l'avion, mais
sans oxygène en vol et sans assistance en mer, droit au sud vers la Sardaigne.
Pour ces deux vols qui ont duré entre quatre et cinq minutes chacun, aucun
enregistrement photo, vidéo ou appareil électronique n'a été effectué. Au premier, alors que ça ne passait pas à cause du vent en altitude, il est revenu se
poser en Corse dans des vents d'ouest très violents. Le lendemain, les conditions n'étaient pas vraiment favorables non plus, mais c'était le dernier jour du
Notam : il est donc parti dans un cumul de conditions où initialement il avait
prévu de rester en Corse (condition physique et entraînements en vol insufﬁsants, le vent en altitude n'était pas celui qui convenait, la température de l'air
et les brises en mer non plus, et une petite blessure au coude qui le faisait virer
à gauche systématiquement). Mais c'était le dernier jour, donc ça ou rien.
Durant les deux premières minutes, dans les vents d'altitude, il a pris du retard,
impossible à rattraper ensuite. Même en ouvrant son parachute le plus tard possible, il lui a manqué deux petits kilomètres pour se poser au sec en Sardaigne,
et il a ﬁni à l'eau. La distance pour rejoindre le point d'atterrissage prévu était
d'environ 14 km entre la Corse et la Sardaigne.
Francis avait équipé sa combinaison ailée Aircat (modèle de sa conception)
d'une Mae-West gonﬂable, et avait particulièrement bien préparé l'amerrissage
sans assistance mer, ainsi que le secours aérien initial (largage immédiat de
matériel de survie par l'avion en passage bas à dix mètres des vagues) dans
une zone maritime connue des marins pour être difﬁcile. La récupération a été
un peu galère, poussé par les courants vers l'Italie, il s'est gelé une heure dans
une mer à 15 degrés avant d'être repêché. Ensuite, 11 septembre oblige, les
garde-côtes sardes, qui ne comprenaient pas du tout ce qu'il faisait là en parachute, l'ont gardé au poste de Santa Teresa plusieurs heures avant de le laisser
repartir pour la Corse... en bateau cette fois-ci.
Comme résultat, outre le retour d'expérience pour de futures tentatives,
Francis Heilmann n'a revendiqué que «le premier naufrage aérien en wingsuit
d'un homme-oiseau en Méditerranée, depuis Icare». Sacré Francis...!

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«Tous les trois ensemble, nous avons fait
peu de sauts d'entraînement, explique
Rodolphe. Nous avions donc quelques
incertitudes et cela allait pimenter
d'autant plus l'aventure. De mon côté,
j'ai juste fait quelques sauts au Luc avec
un GPS aﬁn de voir la distance que je
couvrais en partant à 4000 mètres.
À cette altitude, je parcourais en
moyenne 5,8 km.

«Un homme(-oiseau) à la mer !»

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