ParaMag - N°383 - Avril 2019 - 14

HOMMAGE

IN MEMORIAM...

ROBERT JOLY, DT À LYON-CORBAS EN 1966
Par René Roy

Le lundi 4 mars se sont déroulées à Lyon les obsèques d'un ancien parachutiste sportif,
âgé de 84 ans , depuis bien longtemps absent des terrains de saut, et dont le nom ne dira
probablement rien à la quasi-totalité des pratiquants d'aujourd'hui : Robert Joly a été, au début
des années 60, le DT (on disait alors «Chef de Centre»...) de la plateforme de saut de Lyon-Corbas.

Sa disparition en ce début de saison
2019 aurait pu ne susciter qu'une
brève annonce dans la rubrique
nécrologique des journaux locaux,
n'intéressant au mieux que la poignée
de rares pratiquants qui, comme
moi-même, ont fait sa connaissance
sur le terrain il y a maintenant plus de
cinquante années.
Mais il se trouve que le parcours de
Robert Joly, et particulièrement la fin
prématurée de sa carrière parachutiste,
ne sont pas aussi anodins qu'on pourrait
le croire, et peut-être n'est-il pas inutile
de s'y intéresser un peu...
Les heureux possesseurs du livre
«L'attrait du vide», écrit par Marc
Défourneaux en 1967, qui auraient la
curiosité de jeter un coup d'œil sur la
page 45 de ce savoureux recueil d'anecdotes et de souvenirs du parachutisme
de ces années-là, pourront y lire les
quelques lignes suivantes :
« À Lyon, en 1966, deux chuteurs se
heurtèrent à l'ouverture, l'un encore en
chute, et l'autre sous sa coupole ouverte :
le second fut tué et le premier très
gravement blessé. Quoique très rare,
cet accident montre que dans l'atmosphère comme sur la route, il faut tout
de même regarder autour de soi pour
éviter les percussions».
La brève évocation de cet accident,
survenu sur le terrain de Corbas le 4
août 1966, après un simple VR2, n'est,
comme on va le voir, pas exactement
conforme au déroulement des faits,
mais ce n'est pas là le fond du sujet
de cet article...

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Le parachutiste «encore en chute»,
pratiquant confirmé qui se nomme
Marc Renard, se trouve en fait encore
en pleine dérive, et c'est en réalité lui
qui, très probablement tué sur le coup
lors de la violente collision, perd la vie
dans l'accident, s'écrasant au sol sans
avoir pu esquisser la moindre action
d'ouverture.

Celui qui se trouve «sous sa coupole
ouverte» est Robert Joly : au moment
du choc, il est, lui, en pleine phase
d'ouverture, venant de tirer, à la hauteur
alors préconisée de 600 mètres,
la poignée de son parachute - évidemment de type dorsal-ventral avec voile
hémisphérique. Percuté de plein fouet
et à grande vitesse au niveau du thorax,
il descend inconscient sous sa voile,
sternum enfoncé, côtes brisées,
colonne vertébrale endommagée,
moelle épinière atteinte...
Mais le destin veille : par bonheur - si
l'on peut ainsi dire - se trouve sur le
terrain ce jour-là un jeune médecin
militaire, parachutiste pratiquant,
qui termine ses études dans le cadre
de l'École des Services de Santé des
Armées de Lyon : il s'appelle Michel
Ragot (1).
Michel fonce le plus vite possible vers
le point où l'on s'attend à voir atterrir le
corps immobile et disloqué de Robert,
et, celui-ci à peine posé, exécute immédiatement les gestes d'urgence avant
l'arrivée des secours, parvenant notamment à pratiquer sur place un massage
cardiaque (n'oublions pas que Robert
a le sternum enfoncé...) qui sera très
vraisemblablement décisif pour la
survie du blessé.
Robert Joly, âgé de 31 ans au moment
de l'accident, est un excellent technicien,
apprécié et respecté de tous.
C'est en outre un athlète accompli,
bien entraîné et physiquement en pleine
forme. Ironie du sort, Robert est toujours
d'une grande prudence, et se montre
particulièrement intraitable avec le
respect des consignes de sécurité,
n'hésitant pas à prononcer un jour
une sévère suspension d'activité à
l'égard d'un moniteur coupable d'avoir
annoncé puis exécuté volontairement
une ouverture (très) basse dans un
geste de colère, suite à une contrariété
sur le terrain.

Mais il ne faut pas oublier qu'on est alors
en 1966 : le VR (qui s'appelle encore
à l'époque «Travail Relatif»...) est une
discipline balbutiante, encore peu
enseignée en école, et pratiquée avec
circonspection par un nombre restreint
de sautants, les procédures de séparation et d'ouverture en sécurité étant loin
d'être maîtrisées par tout le monde...
D'une constitution exceptionnellement
robuste, Robert Joly survivra à l'accident, et remontera lentement la pente,
veillé jour et nuit par roulement durant
de longues semaines par de nombreux
membres du centre, puis soigné pendant
des mois en services de neurologie. Il
se soumettra pendant deux années à de
pénibles séances de rééducation, revenant peu à peu à une vie acceptable, au
prix de difficultés considérables, d'une
patience jamais démentie, d'une volonté
de fer et d'un mental à toute épreuve.
Malgré tous ses efforts et ceux de ses
proches, Robert restera lourdement
handicapé : paraplégique, il ne marchera
plus jamais et devra passer dans un
fauteuil roulant les 52 années qui
suivront , sans jamais se laisser aller au
découragement, se plaindre ou se désoler sur son propre sort, donnant à tous
une remarquable leçon de courage
et de maîtrise de soi.
Au-delà de l'émotion suscitée par la
survenue de ce dramatique événement
et ses conséquences, on peut se
demander comment et dans quelles
conditions il a pu se produire.
Mais 53 ans après les faits, répondre à
ces questions se révèle assez malaisé :
les souvenirs des témoins encore
joignables se sont bien estompés,
et obtenir des renseignements précis
et fiables devient difficile.
Les archives du centre école de
Lyon-Corbas étant parties en fumée
dans l'incendie des locaux en 1987,
il ne reste plus rien sur place ; le rapport
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