ParaMag - N°385 - Juin 2019 - 15

Réflexions
Par
Yves-Marie Guillaud

LES ASSURANCES DANS LE SPORT

La hausse des primes sera répartie sur les tous les licenciés FFP
(gageons +10%).

Début 2019 au congrès technique FFP à Talmont, le président
de l'école de Corbas, très ému, a interrogé la FFP et son courtier
d'assurances, au sujet des indemnités et de l'information sur les
garanties du contrat d'assurances individuelle-accident de la FFP
qu'il estime insuffisantes.

Concernant l'assurance individuelle-accident mise en cause à Talmont, deux questions étaient posées : le montant des indemnités et
l'information relative à ce contrat. Le courtier de la FFP a répondu
que les indemnités seraient parmi les plus élevées des sports comparables.

Il a évoqué le dramatique accident de 2017 qui a rendu tétraplégique Camille, moniteur salarié à Corbas. Après avoir percuté le
sol, son flare a fini sa course folle dans un des rouleaux de foin de
250 kg placés volontairement en bordure de la zone de posé
réservée aux moniteurs et aux parachutistes autorisés, afin d'empêcher les atterrissages hors zone.

Reste l'information. Selon l'article L.321-4 du Code du sport : «Les
associations et fédérations sportives sont tenues d'informer leurs
adhérents de l'intérêt que présente la souscription d'un contrat
d'assurances de personnes...». C'est juste une obligation d'information. La jurisprudence y ajoute un devoir de conseil.

Les indemnités perçues par Camille au titre du contrat d'assurances
FFP sont dramatiquement faibles, a-t-il expliqué. Pas faux, mais
le droit des assurances est plus complexe qu'il n'y paraît. Aventurons-nous dans les coulisses de cet accident, publiquement évoqué à Talmont, afin de comprendre les mécanismes qu'il a mis en
mouvement.
Pour cela, partons du rappel des deux types d'assurances figurant
dans le code du sport :
n l'assurance en responsabilité civile, obligatoire, dont l'objet est
de prendre en charge l'indemnisation des tiers victimes d'une faute
de l'assuré (article L.321-1),
n l'assurance individuelle-accident, facultative, dont l'objet est
d'indemniser les dommages corporels ou le décès de l'accidenté,
même sans tiers responsable (article L.321 -4).
Concernant l'assurance en responsabilité civile, Camille n'a pas
mis en cause l'école de Corbas. Mais l'Assurance-maladie, qui déboursera à vie d'importantes sommes pour les soins, indemnités
et pensions, possède un pouvoir d'action subrogatoire (Code de
la Sécurité Sociale) contre un éventuel responsable. Elle peut
donc exercer les droits et actions de Camille à sa place et sans son
accord.
En droit commun, il faut démontrer que la présence volontaire de
rouleaux de foin, façon mur de briques, constitue une faute de
l'école de Corbas. C'est possible mais ça se discute. La faute de la
victime ayant concouru au dommage entraîne un partage de responsabilité. En droit du travail, l'employeur est tenu à une obligation
de sécurité sans faute, le seul résultat -les blessures du salariéobligeant l'employeur à indemnisation, la faute du salarié n'étant
quasiment jamais prise en compte.
La responsabilité de l'école de Corbas pourrait donc être retenue,
partiellement ou totalement, à l'issue de discussions entre l'Assurance-maladie, subrogée dans les droits de Camille, et l'assureur
de l'école (l'assureur fédéral), laquelle n'a pas son mot à dire. En
a-t-elle seulement connaissance ?
Le résultat de ces discussions impactera le coût du renouvellement
des contrats d'assurances FFP. Un gros sinistre entraîne une réévaluation du risque à la hausse par les actuaires, mathématiciens
spécialistes des calculs de probabilité et de statistique appliqués
aux questions d'assurances, chargés de calculer les primes d'assurances en fonction du risque d'avoir à payer des indemnités.

Si cette obligation d'information n'est pas, ou mal, respectée, la FFP
et/ou l'association pourraient voir leur responsabilité engagée sur
le fondement de la perte de chance d'avoir été mieux assuré, et
devoir indemniser cette perte de chance. Car l'obligation incombe
aux deux, et c'est à elles de prouver l'avoir prodiguée.
Clamer que la FFP ne remplit pas son obligation d'information, c'est
clamer que les associations non plus. À Talmont, Marie-Claude
Feydeau, vice-présidente de la FFP a répondu que la FFP devait
améliorer ce type d'information, reconnaissant ainsi implicitement
(et involontairement) son insuffisance. Aveu engageant la responsabilité de la FFP mais aussi des associations affiliées...
Les associations devraient au moins faire figurer l'information exigée
par l'article L.321-4 sur leurs fiches d'adhésion et faire précéder la
signature de l'adhérent par la mention manuscrite «lu et approuvé».
Afin que le choix des sportifs de souscrire ou pas une telle assurance soit éclairé.
Pour finir, voici un retour d'expérience illustrant la complexité du
droit des assurances. Le 17 février 1990 au Salto del Angel (Argentine), le guide Jean-Marc Boivin devenait le 19ème nom, le 1er français, sur la liste mondiale des morts en base-jump qui en compte
aujourd'hui 382 : la Fatality List. Il laissait une veuve et deux enfants,
au profit de qui il avait souscrit une assurance individuelle-accident.
L'assureur a refusé de verser les indemnités en raison d'une exclusion contractuelle. Exclusion du base-jump en raison de sa dangerosité ? Non : ses équipiers avaient laissé entendre à la police
argentine qu'il pratiquait du parapente. Or, il était exclu alors que le
base-jump ne l'était pas.
La stratégie de défense, paradoxale, a été basée sur le principe
que ce qui n'est pas expressément exclu est garanti. Donc que le
base-jump, non exclu, était garanti quelle que soit sa dangerosité,
critère subjectif non contractuel. Les indemnités ont été versées à
l'issue du procès gagné à Paris.
Les sportifs ont un choix personnel à faire : souscrire, ou pas, une
assurance individuelle-accident complémentaire à celle de la FFP.
Et ils doivent lire et respecter les clauses contractuelles.
Car, au final, «L'homme est doué de la capacité, et donc du droit,
et donc du devoir, de faire de lui-même un être responsable de ses
décisions et de ses actes» (Jeanne Hersch, philosophe suisse). n

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Juin19:385
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C'est l'intérêt des contrats d'assurances collectifs. Surtout pour
une assurance obligatoire. La mutualisation des risques permet
d'obtenir des coûts de primes d'assurances supportables auprès
d'assureurs fiables. Et même de trouver un assureur, car après
un tel sinistre qui voudrait assurer la seule école de Corbas ?

L'obligation de proposer une telle assurance a été supprimée en
2000, mais la FFP continue à la proposer avec la licence. Ceci ne
masque-t-il cependant pas l'information obligatoire ? Ne manquet-il pas une information explicite sur l'intérêt de souscrire ce type
d'assurance auprès de tel ou tel assureur de son choix et sur le
montant des indemnités, au-delà de ce qui est proposé ?

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