ParaMag - N°390 - Novembre 2019 - 12

Réflexions
Par
Yves-Marie Guillaud

LE LAPIN DURACELL

1980 : un lapin rose tapant en rythme sur son tambour est apparu
à la télévision : le lapin Duracell. Il tapait encore frénétiquement
sur son tambour quand tous les autres lapins à ses côtés avaient
cessé tout mouvement, piles épuisées. Cette publicité vantant une
marque de piles s'est inscrite dans l'inconscient collectif.
En 1989, ce lapin rose est devenu un sportif de haut niveau relevant
toutes sortes de défis. Il s'est mis à pratiquer le kayak, l'escalade,
le ski, le foot, la course à pied qui ne s'appelait pas encore le running, la boxe, la gymnastique, et même le yamakasi qui est l'ancêtre
du freerun. Il conservait son immuable couleur rose et son grand
sourire en toutes circonstances.
Duracell n'ayant pas renouvelé ses droits, son concurrent Energizer
a créé son propre lapin en 1990, mais celui-ci n'a pas détrôné
le lapin rose initial dans l'inconscient collectif. Pourtant le lapin
Energizer a terrassé non seulement le lapin «Supervolt» représentant son concurrent Duracell, mais également King Kong et surtout
Dark Vador lui-même, excusez du peu !
Il ne fait guère de doute que la frénésie rythmée avec laquelle
il tapait sur son tambour, ce qui le faisait sautiller de manière
endiablée, était une évocation subliminale de la sexualité débridée
des lapins, nécessitée par une impérative obligation naturelle de se
reproduire rapidement pour assurer la survie de l'espèce.
Son succès vient de sa couleur rose et de cette frénésie, deux éléments évoquant l'acte sexuel porté au paroxysme du rêve par son
caractère infatigable. Un chaud lapin, donc, le lapin rose ! Afin qu'il
n'y ait aucune équivoque, je précise que la couleur rose de mon
parachute ne saurait générer des comparaisons, certes flatteuses,
mais totalement exagérées...

Novembre19:390
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Interdiction qui n'a cependant jamais empêché les villages olympiques d'être saisis d'une frénésie pas seulement sportive.
Les techniques d'entraînement ont maintenant intégré la dimension
relaxation des relations sexuelles, en complément de la sophrologie.
Au final, les scores de la fonction érectile chez l'homme et de l'index
de satisfaction sexuelle chez la femme augmentent rapidement
avec la pratique sportive régulière, affirme encore le docteur
Bou Jaoudé, qui y voit deux causes : la production de testostérone et de neuro-transmetteurs comme l'adrénaline, la sérotonine,
la dopamine pour l'aspect physiologique, l'amélioration de l'image
de soi et du regard des autres, pour l'aspect psychologique.
Cependant, ajoute-t-il, les hommes et les femmes ne suivent pas
forcément la même courbe : les sportifs peuvent bénéficier d'une
augmentation de leur libido en raison de la surproduction de testostérone, tandis que chez les sportives l'entrainement peut provoquer
une baisse de leur libido. On peut donc dégager des tendances
générales, mais elles n'excluent pas des cas particuliers.
Est cependant troublante la célèbre déclaration d'Henry Kissinger, prix Nobel de la paix 1973 : «Le pouvoir est l'aphrodisiaque
suprême». Alors quoi ? Suer sang et eau dans la pratique sportive ne
serait donc pas la voie royale pour parvenir au septième ciel ? Le Rocco
du pouvoir serait donc mieux pourvu que le Rocco des stades,
y compris du «plus grand stade du monde», slogan datant d'une
époque Bernardcolasque* où le must du parachutisme n'était pas
encore la chute en tube ?
La psychanalyste Hélène Vecchiali confirme que le pouvoir est
«aphrodisiaque, anxiolytique et désinhibant». «Il permet historiquement la possession sexuelle (le phallus étant l'un de ses symboles) et
vient potentialiser ce fantasme de puissance sexuelle. Il décomplexe
même les plus introvertis».

Une telle publicité serait-elle encore possible dans ce XXIème siècle
de pruderie généralisée dans lequel l'humour est codifié à tel point
que Pierre Desproges et Coluche seraient sans doute dénoncés,
le festival hippie de Woodstock (1969) interdit et le groupe de rock
nantais Elmer Food Beat embastillé pour avoir chanté «Est-ce que
tu la sens (suite autocensurée quand même) ?».

Elle ajoute que le prix à payer «pour celui qui l'utilise comme
psychotrope» est qu'il devient de plus en plus seul. «Son hyperactivité pour fuir son angoisse épuise l'entourage et à part lui-même
personne n'est dupe qu'il pense posséder le pouvoir alors que c'est
le pouvoir qui le possède». C'est ce qu'elle appelle le «désir de pouvoir prioritaire».

L'accession du lapin rose au sport de haut niveau en 1989 émoustille une curiosité iconoclaste qu'on ne saurait inscrire dans une
perspective autre que scientifique, évidemment. La question,
purement scientifique donc, est : la pratique régulière d'un sport,
bénéfique pour la santé en général, est-elle également bénéfique
pour la sexualité en particulier ? Favorise-t-elle la libido ?

Elle en analyse la cause : «Une défaillance narcissique les enferme
dans le mythe de l'enfant-roi. Ils continuent à se rêver uniques et
pensent que le pouvoir va leur offrir une réparation identitaire. Leurs
blessures étant irréparables par ce biais, ils deviendront addicts aux
marques de puissance dans une mégalomanie qui ne comblera
rien, au contraire».

Cette question recueille 100% de réponses positives des parachutistes à qui elle est posée. À les en croire, la pratique du parachutisme développe une libido Rocco-Siffredesque pour les hommes
et de nature symétrique pour les femmes. Mais ces réponses sontelles fiables, alors qu'il est difficile d'avouer, même indirectement,
une libido à encéphalogramme plat ou une sexualité au ralenti ?

Aphrodite, la déesse de l'amour et de la sexualité, doit-elle départager sport et pouvoir ? Sir Winston Churchill avait choisi : «No sport»,
ajoutant : «Le secret de ma vitalité ? Je n'ai dans le sang que des
globules rouges. L'alcool a tué depuis belle lurette tous mes globules
blancs».

«Quelques travaux nous permettent de conclure qu'une activité
physique régulière a un impact positif sur la fonction sexuelle»,
selon le docteur Gilbert Bou Jaoudé, médecin sexologue à Lille,
sachant que «la régularité de l'activité physique est essentielle».
Il ne précise pas si l'inverse est vrai, mais ajoute : «une activité
physique trop intense et fréquente peut avoir un effet négatif».
La réponse à la question «inverse» - la fonction sexuelle a-t-elle
un impact positif sur la performance sportive ?- a évolué puisqu'il
fut un temps où les sportifs de haut niveau étaient interdits de
relations sexuelles dans les jours précédant une compétition,
considérant qu'ils y perdraient force et énergie.

Et si la musique de variété était l'activité qui supplante sport et pouvoir et favorise le mieux la libido ? «Voulez-vous coucher avec moi
ce soir ?» ou «Gimme, gimme, gimme a man after midnight» sont
des titres explicites. Mais danser tendrement enlacés sur «Nights
in white satin» reste de loin le meilleur aphrodisiaque du monde.
Le romantisme en plus... n

*Bernard Colas a été président de la FFP de 1982 à 1992. Acteur de la modernisation du parachutisme, c'est sous sa présidence qu'a été créé le slogan : «Le ciel,
le plus grand stade du monde».

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