ParaMag - N°398 - Juillet 2020 - 54

INCIDENTS

ACAMAS ET TOLMÈRE :
OUVERTURE À 30 MÈTRES DU SOL
Par Daniel-Michel Holleville

Après une petite pause le mois dernier, notre rubrique «Incidents» est revenue.
Notre article du mois relate une fois de plus des faits troublants, mais sans conséquence
grave, et dont les victimes peuvent donc témoigner. Comme à chaque fois, certaines
circonstances sont modifiées, tout comme les noms et les lieux. Sur le plan parachutiste,
la description et les faits racontés ici sont bien réels. Mais trêve de cachotteries :
nul doute que ceux qui ont participé à une ou plusieurs édition(s) du boogie mythique
dont il est question ici, ou qui ont lu certains de nos précédents articles à ce sujet,
sauront reconnaître de quoi il s'agit.

Quelque part sur la Planète Skydive, au
début des années 2000, nous retrouvons
nos deux héros du jour, Acamas et Tolmère. Ce sont des spécialistes de la vidéo
en VR4 de compétition. Ils ont tous les
deux plus de 3000 sauts, essentiellement
en vidéo. Luigi, le directeur technique
de M'Babane, a laissé sa DZ pour venir
donner un coup de main pendant une
dizaine de jours à Sophrone, DT de ce
grand boogie annuel, dont le directeur et
l'organisateur principal est Grandgousier.
Cette année encore, le boogie se déroule
autour d'un gros avion largueur tranche
arrière, sur le grand aéroport de l'ancienne capitale de M'Babane.
À cette époque, pas de siège pour s'asseoir, tout le monde est directement sur le
plancher de l'avion. Pour pouvoir embarquer dedans, il faut avoir au poignet un
bracelet de couleur qui atteste de votre
enregistrement et de la validité de votre
niveau technique, ainsi que celle de votre
matériel de saut.
Ce matin-là, Sophrone fait un nouveau
briefing aux groupes de parachutistes
qui vont sauter à 5000 mètres. Il insiste
vraiment sur la hauteur de séparation
et d'ouverture et il demande à chaque
chef de groupe ou leader des grandes
formations de respecter ces consignes et
de bien vérifier que tout le monde rentre
au bercail.
Après le briefing, Grandgousier fait allumer
la sono, car il ne conçoit pas un vrai boogie
sans de la musique diffusée par un mur
d'enceintes géantes. C'est mieux que
Woodstock, vous diront tous les participants de cette rencontre annuelle.

Juillet20:398
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Cadence soutenue

Acamas et Tolmère vont filmer des
grandes formations de relativeurs, durant
toute la journée. Ils enchaînent les sauts.
Leur jeu favori consiste à faire de jolis
flares sur la cible qui est réservée aux
tandems, aux capitaines d'équipes et aux

videomen associés à l'organisation de ce
boogie. Parfois Sophrone fait des rappels
à l'ordre, lorsqu'il estime que ça devient
trop nerveux au-dessus de la cible.
Pour le dernier saut du soir, dès le signal
de séparation du chef de groupe, Acamas
et Tolmère tirent très rapidement pour
être ouverts bien haut, se retrouver et
«jouer» sous voile. Ainsi ils seront parmi
les derniers à se poser, au coucher du
soleil, avec la zone de flare bien dégagée,
presque pour eux tout seuls : un dernier
plaisir pour conclure une belle journée.
Les premiers jours du boogie passent
vite, la météo est favorable et la cadence
est soutenue. C'est une nouvelle journée
intense qui va s'achever pour nos deux
compères : ils ont déjà huit sauts dans la
musette. La nuit va bientôt tomber et il
leur est accordé de faire le dernier avion
sans avoir à suivre un groupe quelconque. C'est l'heure de leur récréation.
Acamas est en short et t-shirt tout comme
Tolmère. Leurs parachutes ne sont pas
repliés, alors Acamas attrape un parachute du staff dans lequel il y a une vieille
voile : «Fais gaffe, elle met presque 250
mètres à s'ouvrir» lui dit-on. Tolmère, plus
pragmatique, demande à un de ses amis
de lui prêter son parachute.
Les deux compères montent à l'arrache
dans l'avion. Ils se font prêter un altimètre
poignet, ils n'en ont habituellement pas
besoin, car en tant que videomen, ils
ouvrent dès qu'ils voient les leaders des
formations faire le signal de séparation.
Du coup, l'altison ne leur est pas très utile
non plus.

5000 mètres

Le gros porteur largue ses grappes de
parachutistes. Les deux derniers sont
Acamas et Tolmère. Après une saison
intense de VR4 compétition et de nombreux sauts de grandes formations en
tant que videomen, les deux compères
goûtent enfin à la joie de la chute en simili

free fly. Un coup, Tolmère est sur le dos
et regarde Acamas essayer de le rattraper
en chute debout. Un coup, c'est Acamas
qui est sur le dos et Tolmère essaye la
position tête en bas avec plus ou moins
de succès.
Dans ces positions de chute, le temps
passe vite, mais les sourires de joie sont
au rendez-vous. Acamas n'a pas regardé
une seule fois l'altimètre qu'on lui a prêté
et Tolmère ne se souvient plus depuis
combien d'années les piles de son altison
ont été changées...

2000 mètres

Habituellement positionnés en chute
au-dessus des grandes formations, les
deux compères ont l'habitude de bien voir
la longue piste goudronnée de l'aéroport
et la grandissime cible de la DZ. Depuis le
début du boogie, le largage se fait sur une
distance proche de cinq kilomètres, ils
partent généralement premiers avec les
grands groupes de VR, et ils ont leurs repères. Mais là, ils sont partis les derniers.
Et ils ont même laissé partir un skysurfer
qui a mis du temps à sortir avec son ami
photographe.
Ils ne peuvent plus avoir de visuels de
référence, car sous eux, il n'y a que des
champs et des vergers qui se ressemblent tous. Acamas est en chute dos
et au-dessus de lui, Tolmère. Soudain,
le visage de Tolmère change rapidement
d'expression.

250 mètres

On peut voir la mort dans les yeux de
Tolmère, il fait un signal brusque de fin de
travail et il ouvre son parachute. Acamas
a compris qu'il fallait maintenant faire vite
pour rester en vie. Il revient face sol et
envoie son hand-deploy. Il se maudit
d'avoir pris ce parachute avec cette voile
qui est «rincée de chez rincée».
Ça fuse...

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