ParaMag - N°398 - Juillet 2020 - 56

100 mètres

de Grangousier leur dire ceci : «Acamas et Tolmère :
dans mon bureau tout de suite !».

30 mètres

Ce ne fut pas un débriefing très soft. Au contraire, Acamas a
même été plus inquiété par Grandgousier et son fort tempérament que par son incident en lui-même. Nos deux compères
n'auront pas le bracelet découpé et ils pourront continuer à
sauter tout en sachant qu'ils ont grillé leur seul joker.

INCIDENTS

ite

Il regarde son alti, il se sent encore en chute,
il sait que maintenant c'est la fin !

Acamas est enfin ouvert, mais sous deux voiles. Le déclencheur
automatique a fonctionné, mais l'extracteur du secours est resté
un peu bloqué par la voile principale durant sa longue séquence
d'ouverture.
Acamas sait bien qu'il faut se poser vers le soleil couchant,
mais il n'a pas le temps de repositionner son biplan face au vent.
Il se pose tout de même tranquillement dans un vaste champ
où est installé un système d'irrigation avec de très gros tuyaux,
à deux mètres au-dessus du sol. Ce système permet d'arroser
une grande superficie agricole. Acamas se rend bien compte que
la nuit est en train de tomber et qu'il ne sait absolument pas où il
est. Et il ne sait pas davantage si Tolmère est en vie ou non.

Boom, boom, boom

C'est un bruit sourd que perçoit Acamas derrière lui.
Il tourne la tête et aperçoit un taureau. Mauvaise mayonnaise.
Acamas ramasse rapidement ses deux voiles et entreprend de
grimper sur le système d'irrigation de cet énorme champ.
Avec ses Tevas (N.D.L.R. : marque de sandale aux couleurs fluo,
encore très à la mode à cette époque), son short et ses deux
voiles sous le bras, ce n'est pas une chose aisée, mais Acamas
n'a pas tergiversé, car être embroché par un taureau n'est point
une chose agréable. Pour sortir du champ, Acamas va parcourir,
en équilibre instable, plus de 300 mètres le long du système
d'irrigation, en direction de la bordure du champ. Et toujours
avec son compagnon à cornes qui le suit de près, mais un peu
plus bas.
Pas de chance, à cinq mètres de la bordure du champ,
le système d'irrigation s'arrête. Pour passer la clôture, se trouve
un bosquet de ronces de cinq mètres à traverser. La nuit tombe
de plus en plus vite et le taureau commence à voir d'un très
mauvais œil cet intrus. Acamas n'écoute que son courage
et s'enfonce dans les ronces à toute vitesse. Il est écorché
de partout et réussit rapidement à sauter la clôture.

Ouf !

Acamas marche dans la pénombre, en direction de l'aéroport,
avec des écorchures sur tout le corps et surtout sur ses pieds
nus dans ses Tevas. Et dire qu'il a failli sauter pieds nus...
Il espère que personne sur le centre n'a vu son ouverture
très-très basse, mais il est surtout inquiet pour son
compagnon Tolmère.
Quelques instants plus tard, Sophrone apparaît avec le Dodge
4 X 4 de l'organisation. Une chance pour lui, c'est Sophrone qui
est venu les chercher, il sera peut-être plus indulgent que Grandgousier, connu pour son fort caractère intraitable. Sophrone
s'arrête à la hauteur d'Acamas, ce dernier monte à côté de lui.
Sophrone aura juste cette petite phrase : « Ça va ! »

Juillet20:398
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Acamas est blanc comme un linge, ça ne sert à rien de faire un
débriefing tout de suite. Acamas répond juste : « Oui, ça va ! »
Un peu de temps sera bénéfique pour tout le monde.
Silence total durant le retour vers le centre. En chemin,
ils récupèrent Tolmère qui a fini de plier sa voile principale.
Toujours pas un mot dans le Dodge.
Tolmère et Acamas arrivent sur la DZ et tentent d'aller discrètement vers leur zone de pliage quand ils entendent la grosse voix

Le lendemain, Acamas et Tolmère reprennent leur casque vidéo
pour filmer les groupes de relativeurs. Au signal de séparation,
à 1600 mètres, Acamas ouvre immédiatement son parachute.
Mais cette fois ce n'est pas pour «jouer» sous voile avec Tolmère.
«Ouf ! Tout fonctionne» se dit-il. Pour les sauts suivants,
il attendra un peu plus avant d'ouvrir et pouvoir se faire plaisir
en attaquant la cible, avec de jolis flares, mais en sécurité,
car Sophrone les a dans le collimateur.

Notre analyse

Dès qu'on embarque «à l'arrache» dans un avion, on peut
oublier des choses essentielles à sa survie. Quel que soit votre
niveau technique, en cas de doute, n'hésitez pas à vous faire
vérifier par un autre parachutiste compétent. Et si vous devez
rater un saut, ce n'est pas trop grave, vous pourrez assouvir
votre soif inextinguible de sauts dès le lendemain matin.
Restez en vie. Merci à vous.
J'ai fait quelques sorties de gros porteur tranche arrière en
skysurf et je peux affirmer que cela prend vraiment du temps.
Ce qui m'a permis de visiter des champs et des villages lointains,
très-très lointains de la zone de posé.
Dès qu'on change quelque chose dans sa routine de sauts,
en chute libre, on s'expose à de possibles incidents. Acamas
m'a avoué qu'il n'y avait même pas tout à fait 30 mètres et que
le seul fait de repenser à ce saut lui mettait la chair de poule. n

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