La revue RH&M - N°74 - Juillet 2019 - 38

Performance sociale
Conseils en droit social

La rupture conventionnelle
est sécurisée

NICOLAS
MANCRET
Avocat Associé,
Hoche Société
d'Avocats

D

epuis sa création par la loi
du 25 juin 2008, la rupture
conventionnelle est largement plébiscitée par les
employeurs et les salariés,
comme modalité de rupture du contrat
de travail. En avril 2019, son utilisation
a encore progressé de 2.6 %. Ainsi, selon
les chiffres communiqués par la DARES,
37 600 ruptures conventionnelles ont
été signées puis homologuées par la
DIRECCTE sur seulement un mois.

Bien que le dispositif fête prochainement
ses 11 ans d'existence, il subsiste toujours des questions juridiques. Il existe
en la matière une actualité jurisprudentielle fournie, notamment concernant la
question des salariés éligibles à ce mode
de rupture. La Cour de cassation a ainsi
admis qu'une rupture conventionnelle
individuelle puisse être conclue avec un
salarié en arrêt maladie à la suite d'un
accident de travail ou à une maladie

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professionnelle (Cass. soc. 30 septembre
2014, n°13-16.297), mais aussi avec
une salariée en congé de maternité
(Cass. soc. 25 mars 2015 n°14-10.149),
ou encore avec un salarié déclaré apte
avec réserves à l'issue d'un arrêt pour
accident du travail (Cass. soc. 28 mai
2014 n°12-28.082).
Un arrêt du 9 mai 2019 rendu par la
Chambre sociale de la Cour de cassation
vient encore préciser les modalités de recours à la rupture conventionnelle (Cass.
Soc. 9 mai 2019 n°17-28.767). La Cour
de cassation pose ainsi comme attendu
de principe que, « sauf cas de fraude ou
de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement
conclue avec un salarié déclaré inapte à
son poste après un accident du travail ».
La question se posait particulièrement
puisqu'en pareille matière, s'agissant
d'un salarié déclaré inapte, l'employeur
est légalement tenu de rechercher un
reclassement pour le salarié ; l'article
L.1226-12 du code du travail prévoyant
expressément que l'employeur ne peut
rompre le contrat de travail qu'en cas
d'impossibilité de reclassement ou de
refus par le salarié des postes proposés. Il résultait de ce texte, que dans
une telle circonstance, la rupture du
contrat de travail d'un salarié reconnu
inapte à l'issue d'un accident de travail
était difficile à mettre en œuvre, d'autant
que la jurisprudence antérieure à la loi
du 25 juin 2008 avait exclu le recours
à la rupture amiable pour ce cas précis (voir notamment Cass. Soc. 29 juin
1999 n°96-40.160).
Cet obstacle est balayé par la Cour de
cassation qui s'attache à démontrer que
la rupture conventionnelle homologuée
a largement supplanté l'ancien dispositif de rupture amiable fondé sur l'ancien

article 1134 du code civil (« Les conventions légalement formées tiennent lieu
de loi à ceux qui les ont faites. Elles
ne peuvent être révoquées que de leur
consentement mutuel »). La rupture
conventionnelle est un mode rupture
autonome du contrat de travail qui doit
être préservé à partir du moment où il
est rapporté sans la moindre équivoque
que le salarié a donné son consentement.
En effet, les juges érigent en guise de
dernier bastion la fraude et le vice du
consentement, seuls à même de conduire
à la nullité de ladite convention. Or, il
est particulièrement difficile au salarié
d'établir a posteriori l'intention cachée
de l'employeur d'évincer les dispositions
relatives au reclassement du salarié en
situation d'inaptitude... lorsque in fine
le recours à la rupture conventionnelle
permet pourtant de mettre un terme au
contrat de travail.
Sur la preuve d'un vice du consentement qui parait particulièrement dure
à apporter, un arrêt récent étant venu
préciser que l'existence de faits de harcèlement moral ne suffisait pas à affecter
le consentement du salarié et donc la validité de la convention de rupture (Cass.
Soc. 23 janvier 2019 n°17-21.550).
Le dispositif de la rupture conventionnelle homologuée apparait donc
particulièrement bien sécurisé, et ce au
détriment même du régime de protection des accidentés du travail. Attention
cependant au montant de l'indemnité de
rupture conventionnelle à verser dans
ce cas, car elle devra prendre en compte
le montant cumulé des indemnités prévues à l'article L.1226-14  du code du
travail i.e. l'indemnité compensatrice et
de l'indemnité spéciale de licenciement,
au moins égale au double de l'indemnité
légale de licenciement.
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