La revue RH&M - N°76 - Janvier 2020 - 23

tions émergentes qui accompagnent
les mutations technologiques. Il
n'existe pas dans la littérature de
recherche francophone de définition
consensuelle autour du terme même
d' « organisation émergente ». Nous
sommes partis des quatre propriétés : l'intentionnalité, les ressources,
les limites et l'échange1 qui caractérisent les organisations émergentes
pour approfondir leur définition.
Ces organisations ont joué un rôle
important et initialement sous-estimé dans le développement de
l'économie globale tout comme dans
la métamorphose numérique de
notre société globalisée. Elles ont,
non seulement donné naissance à
quelques global leaders bien connus
(Apple, Google etc.), mais sont
désormais des catalyseurs importants et souvent indispensables de
la R&D dans le domaine de l'intelligence artificielle, du numérique,
mais également dans le domaine
des énergies nouvelles et renouvelables tout comme dans bien
d'autres domaines de la « nouvelle
économie ».
Si des questions d'éthique se posent
empiriquement dans des plateformes ou des start-up qui introduisent par exemple l'économie
collaborative ou l'écologie dans
leur projet (commerce équitable,
éco-conception, production écologique etc.), ces questions sont avant
tout centrales à l'échelle de l'économie et de la société dominées par
l'action de quasi-monopoles numériques à la croissance fulgurante.
Google a ainsi déjà pris des positions
fortes sur les véhicules autonomes,
et plus généralement l'intelligence
artificielle, sans réflexion suffisante
sur les aspects éthiques induits par
les logiques disruptives à l'œuvre.
Nous avons également interrogé
les organisations de grande taille,
du secteur privé comme public, qui
cherchent à se réinventer en développant de nouvelles relations au
numérique, mais aussi en adoptant

de nouvelles responsabilités sociales
et éthiques. L'univers de la nouvelle
économie redessine de nouveaux
rapports de pouvoir dans l'entreprise comme au dehors. Comment
l'éthique est-elle abordée par les
méta-plateformes comme dans les
start-up et plus petites entreprises
de la nouvelle économie ?
De nouvelles formes d'organisation
émergent, s'hybrident. L'entreprise
s'élargit d'un point de vue stratégique et développe des partenariats
d'un nouveau type. Les modes et
statuts de travail évoluent avec le
développement du statut d'indépendants, mais aussi des emplois ubérisés et plus précaires. La transition
industrielle redessine les contours
du marché du travail, mais pour
quelle éthique et pour quel vivre-ensemble ? Comment les formes de
l'agir collectif se trouvent affectées
par les transitions que nous vivons
depuis ces dernières années ?
Bien que la transition industrielle
soit un phénomène macroscopique
qui s'inscrit dans un horizon temporel long, les organisations en
subissent souvent les effets dans
une temporalité très courte. Elles
en sont parfois rendues myopes et
ne se donnent pas les moyens d'ouvrir des espaces de réflexivité. Notre
ouvrage collectif entend précisément ouvrir des lignes d'horizon critique, au sens où la critique est une
action qui vise à mieux discerner ce
qui nous advient à grande vitesse.

Article co-écrit avec :
Pierre-Antoine Chardel
Thibault de Swarte

1. Katz, J., & Gartner, W. B. (1988). Properties of
emerging organizations. Academy of management
review, 13 (3), 429-441.

Transition
industrielle et
organisations
émergentes : l'éthique
en question

Éditions Presses des Mines, 2019
Pierre-Antoine Chardel est professeur de sciences sociales et d'éthique
à Institut Mines- Télécom Business
School (IMT-BS), coordinateur du
LASCO IdeaLab et chercheur à l'IIAC/
LACI (UMR 8177, CNRS / EHESS).
Carine Dartiguepeyrou est docteure en sciences politiques et prospectiviste, membre du LASCO IdeaLab
de l'Institut Mines Télécom. Elle est
présidente du comité scientifique du
Cercle de prospective RH.
Thibault de Swarte est agrégé de
sciences économiques et sociales, docteur en sciences de gestion, maître de
conférences HDR à l'IMT Atlantique
où il est co-responsable du mastère
spécialisé IPNuMA (Ingénièrie des
Plateformes Numériques, Mobilité et
Affaires).
Sophie Bretesché est professeure
de sociologie à lIMT Atlantique, responsable de la chaire régionale RITE
« Risques, Technologies Emergentes
et Régulation », co-directrice du Programme Fédérateur CNRS NEEDS
SHS (Nucléaire, Energie, Environnement, Déchets, Sociétés).

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