La revue RH&M - N°76 - Janvier 2020 - 30

Performance sociale
Conseils en droit social

La délicate gestion de la plainte
pour harcèlement
de la fausseté des faits qu'il dénonce
( Cass, soc 7 février 2012, RJS 2012, ,
n°302).

NICOLAS
MANCRET
Avocat Associé,
Hoche Société
d'Avocats

T

out employeur ayant été
confronté à une plainte
pour harcèlement moral
d'un salarié, est désormais
parfaitement informé du
cadre législatif qui régit cette situation.
L'article L1152-1 du Code du travail interdit toute situation de harcèlement et
l'article L1152-3 énonce que toute rupture du contrat de travail intervenue
en méconnaissance d'une situation de
harcèlement est réputée nulle.
La jurisprudence de la Chambre sociale
a précisé la portée de cette règle en jugeant tout d'abord que le salarié qui
relate des faits de harcèlement moral
ne peut être licencié pour ce motif, sauf
mauvaise foi, laquelle ne peut résulter
de la seule circonstance que les faits
ne sont pas établis. C'est donc à l'employeur de prouver que le salarié est de
mauvaise foi, laquelle ne peut résulter
que de la connaissance par le salarié

P.30 | JANVIER 2020 | N°76 LA REVUE RH&M

Quelle attitude doit adopter l'employeur lorsqu'il est destinataire d'une
plainte pour harcèlement surtout,
lorsque le licenciement du salarié, est
envisagé ? C'est à cette situation qu'un
récent arrêt de la Cour de cassation,
vient apporter une réponse. En l'espèce,
une salariée avait écrit à son employeur
le 12 décembre pour se plaindre d'une
situation morale qu'elle subissait de
la part de son supérieur hiérarchique.
L'employeur avait considéré que cette
plainte était sans fondement et n'y
avait pas donné suite. Dans un second
temps, une procédure de licenciement
avait été engagée puisque la salariée
avait été licenciée pour insuffisance
professionnelle le 31 janvier 2012. A
la suite de la rupture du contrat de
travail, la salariée a saisi le Conseil de
Prud'hommes pour faire juger que le
licenciement était nul, mais également
pour violation de l'obligation de sécurité et de loyauté inhérente au contrat
de travail.
Devant la Cour d'appel, la question de
la nullité du licenciement avait été examinée, mais les juges du fond n'avaient
pas répondu à l'argument selon lequel,
l'employeur avait failli à ses obligations
en n'ayant pas mené une enquête pour
apprécier l'existence ou non de faits de
harcèlement. La salariée soutenait que
son employeur avait méconnu l'obligation de prévention en matière de
sécurité, instituée par l'article L4121-1.
La Cour de cassation vient apporter
une réponse cinglante sur ce sujet
dans un arrêt du 27 novembre 2019,

qui a valeur d'enseignement. La haute
juridiction énonce que l'obligation de
prévention des risques professionnels
est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne
se confond pas avec elle. En second
lieu, elle censure les juges du fond qui
bien qu'ayant constaté que l'employeur
n'avait pas diligenté une enquête, n'ont
pas conclu que la société avait manqué
à son obligation de prévention des
risques professionnels (Cass, soc 27
novembre 2016, n°18-10.551).
Il est ainsi jugé que l'absence de mise
en place d'une enquête après les révélations de faits de harcèlement moral par
un salarié constitue un manquement
de l'employeur à son obligation de
prévention des risques professionnels.
Il en résulte que ce manquement crée
nécessairement un préjudice au salarié.
L'enseignement de cet arrêt est double.
En premier lieu, le contrôle du juge
sur la dénonciation de faits de harcèlements s'opère non seulement sur le visa
des articles L1152-1 et suivants du Code
du travail mais également sur le fondement des articles L4121-1 et L4121-2
ayant trait à l'obligation de prévention
des risques professionnels.
En second lieu, cette décision vient
compléter un point qui n'était pas
précisément édicté dans la loi et qui
concerne les obligations pesant sur
l'employeur, lorsqu'il est destinataire
d'une plainte pour harcèlement : la
mise en place d'une enquête s'impose.
Si la règle semble aisée à présenter, il
n'en reste pas moins que de nombreux
points demeurent imprécis sur l'articulation de l'enquête avec une procédure
de licenciement.
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