La revue RH&M - N°77 - Avril 2020 - 36

Performance sociale
dialogue Social et compétitivité

La théorie des « turning points »
pour mieux trouver un accord

DAN DRUCKMAN
Professeur émérite en
Public and International
Affairs à l'Université
George Mason en
Virginie (Etats-Unis)
et Professeur honoraire
à l'université Macquarie
et à l'université du
Queensland (Australie).

D

an Druckman s'est exprimé
à l'occasion d'un « keynote
speech » donné à ESCP dans
le cadre d'une table ronde
organisée par la Chaire
Dialogue Social et Compétitivité des
Entreprises sur le thème « Retournements
de situation dans la négociation sociale :
changement de cap vers un accord ? ».
Il a livré sa vision des négociations,
basée sur son travail d'analyse de conflits
internationaux. Si de son propre aveu les
négociations avec les syndicats - qu'il
a notamment étudiées par le biais de
11 cas de compagnies aériennes -, sont
très différentes, elles n'en échappent pas
moins aux règles des « turning points »
(moments charnières).
« Nous autres universitaires spécialisés
en négociation, étudions souvent les
processus et pas seulement le processus

P.36 | AVRIL 2020 | N°77 LA REVUE RH&M

de négociation mais aussi le processus de
médiation, le processus de facilitation,
etc. Nous étudions les processus et les
turning points sont une bonne idée
lorsque vous essayez de vous attaquer à un
processus qui se déroule avec beaucoup
d'imprévisibilité, a-t-il expliqué. Les
turning points, c'est comme si dans
un flux d'événements historiques, il se
passait quelque chose qui interrompait le
flux et nous voulons étudier l'interruption
au fur et à mesure qu'elle fait basculer
le processus, pas toujours de manière
positive. (...) La plupart d'entre nous
qui étudions la gestion des conflits par
la négociation, nous avons affaire à des
impasses, des blocages, des grèves, et
nous avons affaire à des ruptures très
sérieuses dans le processus de négociation
par les dirigeants, à des sommets qui
échouent, à des sommets qui réussissent.
Les turning points sont donc étroitement
liés à l'idée de sortir des impasses car ils
se produisent au moment de l'impasse ».
« Ce qui me frappe le plus dans les turning
points de Dan Druckman c'est que
finalement, il montre que comme pour
toute négociation, une bonne négociation
sociale c'est un mix entre de la méthode,
du rationnel, et de l'émotion, c'est-àdire le comportement des acteurs »,
commente Jean-François Pilliard, le
Président de la Chaire Dialogue Social et
Compétitivité des Entreprises.
Dan Druckman a aussi abordé les
relations sociales en France, qui d'après

" Il montre que comme
pour toute négociation,
une bonne négociation
sociale c'est un mix
entre de la méthode,
du rationnel,
et de l'émotion "

lui relèvent plus d'un « tipping point »
tel que défini par le journaliste Malcolm
Gladwell dans son best-seller « Le point
de bascule : Comment faire une grande
différence avec de très petites choses. »
« Un tipping point est un point de nonretour, un très grand changement au
niveau macro et sociétal. Il me semble
que les relations industrielles françaises
traversent une période où un tipping
point est sur le point de se produire, si
ce n'est pas déjà le cas. Et cela veut dire
qu'il y a un changement fondamental
dans la façon dont les relations de travail
sont gérées. On retrouve peut-être un
modèle plus coopératif, mais également
une marge laissant place à plus de
confrontation. Mais quoi qu'il en soit,
c'est un éloignement du passé et de la
pensée linéaire en matière d'évolution
des relations de travail en France. L'idée
est d'être plus compétitif à l'échelle
internationale, et de s'adapter à une
culture mondialisée ».

Rubrique dirigée par Jean-François PILLIARD
Président de la Chaire Dialogue Social et
Compétitivité des Entreprises - Soutenue par
Airbus, Groupe Renault, Sodexo et Solvay
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