La revue RH&M - N°78 - Juillet 2020 - 17

au travail. Avec une attention particulière
aux générations Y et Z, en quête de sens,
en sachant qu'elles formeront les trois
quarts de la main-d'œuvre à l'horizon
2030, selon la Banque Mondiale de Développement.
La crise du coronavirus et notamment
la période de confinement a été pour
beaucoup une période introspective, de
réflexion sur ce qui est essentiel, sur le
sens, sur les valeurs, sur le travail, sur la
qualité de vie. Le sens du travail a été propulsé au premier plan des préoccupations
de beaucoup de salariés. Nous avons
redécouvert ce qui est essentiel, nourrir,
soigner, livrer, gérer les déchets, protéger. Des missions porteuses de sens ont
réhabilité d'un coup des métiers souvent
dévalorisés. A l'inverse, certains ont pu
se réveiller avec la douloureuse prise de
conscience de l'absence de sens de leurs
missions.
La crise du coronavirus, a aussi été
l'opportunité de réinterroger leur raison d'être dans les entreprises. Elle a
pu pour beaucoup redonner du sens
au travail. Un fort élan de mobilisation
s'est exprimé spontanément. Des collaborateurs se sont révélés en s'engageant
pleinement pour faire face aux multiples
conséquences de la crise sanitaire : livrer
des repas, être à l'écoute des personnes
en isolement social... Des entreprises se
sont elles aussi engagées dans la bataille,
confection de masques, production de gel
hydroalcoolique, et ont pu redécouvrir
leur raison d'être, dont elles se seraient
écartées avec le temps.
La crise du coronavirus représente un
formidable test pour les entreprises afin
de démontrer la conviction dans leur
raison d'être intrinsèque, soit elle vole
en éclat face au mur des réalités économiques, soit elle constitue un moteur
d'engagement des collaborateurs dans la
crise économique qui se profile. La raison d'être peut alors constituer un facteur de résilience des organisations face
aux crises et garantir leur pérennité sur
le long terme.

ROLAND KARSENTY
DRH et Transformation EMEALA
JOHNSON CONTROLS

PASSER DU POURQUOI AU COMMENT ?
Alors que le capitalisme actionnarial a catalysé d'énormes progrès, il a également eu du mal à résoudre des problèmes très épineux tels que le changement
climatique et les inégalités de revenus - ou, pour l'avenir, les implications pour
l'emploi, des technologies numériques, de la robotique et de l'IA. La puissance de
la raison d'être est évidente. Les entreprises ont également la possibilité et l'obligation de s'engager sur les besoins urgents de notre planète. Heureusement, des
meilleures pratiques sur le « comment faire » commencent à émerger poussées
par un nombre croissant de sociétés.
1. Faire face à l'écart sur la raison d'être
Les clients boycottent les produits des entreprises dont ils considèrent les valeurs
comme contraires aux leurs et la majorité des employés du monde de l'entreprise
se sentent « désengagés » ; ils n'agissent que pour des décisions et des comportements qu'ils peuvent être fiers de défendre et gravitent vers des entreprises qui
ont un impact clair, sans équivoque et positif sur le monde. Les déclarations sur la
raison d'être de nombreuses entreprises sont si génériques qu'elles ne remettent
pas en cause leur quotidien des affaires, et d'autres ne mettent pas l'accent sur les
préoccupations des employés. Donc, contribuer à la Société, à l'Environnement
et créer du travail qui donne du sens, le communiquer et le mettre en adéquation
est la piste basique.
2. Placer la raison d'être au cœur
Ce qui est nécessaire, c'est une réflexion profonde sur votre identité d'entreprise
- ce que vous défendez vraiment - qui peut éventuellement entraîner des changements importants dans votre stratégie et même dans votre gouvernance (comme
votre statut d'entreprise publique, d'entreprise privée ou société d'intérêt public).
Déterminer où vous en êtes, y compris vos vulnérabilités ; clarifier la façon dont
votre raison d'être se connecte à la « superpuissance » de votre entreprise ; organiser dans un but précis ; mesurer et gérer la raison d'être afin qu'elle fasse vraiment
partie de votre ADN de base.
3. Du Leadership pour aller de l'avant
La raison d'être met l'accent sur le leadership. Le plus dangereux de tout est que
vous prétendiez incarner une raison d'être volontairement mais que vous soyez
finalement considéré comme non authentique, alors vous perdrez votre crédibilité devant vos employés et la société. Relier la raison d'être individuelle de votre
personnel à la raison d'être organisationnelle est le lien essentiel. Pour défendre
un tel changement, il faut diriger avec empathie, développer une vision d'avenir
large qui va au-delà des problématiques en cours, inspirer et établir la confiance
avec les autres en trouvant un terrain d'entente et en donnant l'exemple.
En guise de conclusion
Les décisions sur la raison d'être peuvent être parmi les décisions les plus difficiles
de votre carrière. Il y aura une cacophonie d'opinions ; les juger exigeront de la
discipline et de la conviction. Ne vous laissez pas bousculer. Établissez une base
de faits pour vous aider à évaluer les compromis et à atténuer les risques. Surtout,
ne vous contentez pas de « générique » exprès. Vous avez une superpuissance à
découvrir et un impact unique à offrir. Le rôle de votre entreprise s'étend bien
au-delà des limites de vos employés et clients.

LA REVUE RH&M N°78 | JUILLET 2020 | P.17

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