La revue RH&M - N°78 - Juillet 2020 - 46

Le #dicorona

lexique pandémique
au temps du Covid
Onomaturge
Qu'est-ce donc qu'un onomaturge ? L'onomatopée
hurlée devant l'urgence  ? La renommée d'un
dramaturge ? Une invention de l'imprévisible Yoko
Ono  ? Ou cet admirateur qui, tel un mouton de
Panurge, se presse à l'hommage de l'être adoré ?
La question se pose, de quoi l'onomaturge est-il le
nom ?
Le mot onomaturge, il y a une dizaine d'année,
n'existait pas encore. Il est apparu avec la linguiste
Henriette Walter. Il signifie  : «  celui qui fabrique
des mots ». Lewis Carroll fut un précurseur. On lui
doit ce vocabulaire fantasque, né d'une imagination
débordante et d'un dictionnaire qu'il trouvait trop
étroit. Boris Vian, George Pérec, Raymond Queneau,
tous les surréalistes, voilà une cohorte d'illustres
onomaturges.

Je ne vais pas rester les bras croisés en attendant
le calameeting de 11h, même si je suis coronaviré.
Je risque l'immobésité à défaut de me sur-placer.
J'irai faire un fouting, ça me donnera une excuse
pour procrastiquer. Je ne veux pas finir moisif ! Et
puis ça soignera mon allergîte. Il faut tenir ! Éviter
la caddiction et son lot de pénurixes. Essayer de ne
pas se promiscuiter avant 20h, moment où c'est un
devoir de médicâliner. Quand l'économie est flapib
et le propagacement général, il faut faire contre
mauvaise fortune bon cœur.

* Allergîte n. f. : soudaine intolérance à son domicile.
* Caddiction n. f. : dépendance à la corvée
de supermarché.
* Calameeting n.m. : conférence-call approximative.

Le passe-temps est devenu métier. Les onomaturges
qui travaillent à la Commission Générale de
Terminologie et de Néologie transforment les
anglicismes. C'est de leur brainstorming, pardon, de
leur remue-méninge que sont nés divulgacher pour
remplacer spoiler, ou l'aguichage pour faire oublier
le teasing.

* Coronavirer v. : imposer le chômage partiel.

J'exerce le métier d'onomaturge depuis 25 ans, quelles
que furent mes responsabilités. Avec des grandspères champions de Scrabble et de mots-croisés,
c'était inscrit dans mes gènes ! Bas de contention,
parfum, sex-toy, automobile, dentifrice, hôtel,
missile, yaourt, aspirateur, bière, antidépresseur,
petite culotte, j'ai tout nommé, ou presque. C'est une
aventure singulière dont j'ai fait un roman, proche de
l'autobiographie : « Au nom d'Alexandre » (Éditions
Intervalles).

* Moisif adj. : si désœuvré que ça finit par se sentir.

Dicorona
Quand cette crise du Covid a commencé, je me suis
rendu compte que nombre de phénomènes ou de
situations n'avaient pas encore de noms. Alors je me
suis mis en tête de créer un Dicorona, un dictionnaire
rempli de ces mots-valises qui définissent notre
quotidien au temps de la pandémie.
Pour illustrer mon propos, voici un petit texte qui en
utilise certains. Essayez de deviner leur définition.
Si vous n'y parvenez pas, vous trouverez la solution
ci-après. Bonne lecture, et bonne chance !

P.46 | JUILLET 2020 | N°78 LA REVUE RH&M

* Flapib adj. : se dit d'une économie endormie.
* Fouting n.m. : jogging malgré la consigne.
* Immobésité n. f. : surpoids causé
par l'inactivité forcée.
* Médicâliner v. : applaudir le personnel soignant.
* Pénurixe n. f. : pugilat ayant pour objet le dernier
rouleau de papier toilette.
* Procrastiquer v. : remettre le ménage au
lendemain.
* Propagacement n.m. : frustration virale.
* Se promiscuiter v. : se saouler en petit comité
dans un espace réduit.
* Se sur-placer v. : exceller à ne pas bouger.

OLIVIER AUROY
Président fondateur d'Onomaturge,
société spécialisée dans la création
de marques.
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