La revue RH&M - N°80 - Janvier 2021 - 17

plus tranchée de ce qu'est une entreprise utile.
Est-ce selon vous un nouveau
défi pour les dirigeants ?
En effet, cela nous donne un défi supplémentaire, en plus de celui de résister
aux conséquences économiques de la
pandémie : le double défi de l'authenticité et de la légitimité de notre raison
d'être. Elle devra désormais être vraie,
suivi d'effets mais aussi être acceptée,
« validée » par nos parties prenantes.
Il va falloir que nos entreprises travaillent encore davantage en profondeur, prouvent auprès de l'ensemble
de leurs parties prenantes qu'elles
sont bien les acteurs du bien commun
qu'elles prétendent être.
J'évoquais également que cette crise est
une véritable « Master Class » pour la
raison d'être. C'est peut-être un peu
provocateur... alors même que nos
entreprises souffrent encore largement
des impacts de cette crise, et pour certaines, pourraient ne pas s'en relever.
Ce que je veux dire par là, c'est qu'évidemment cette crise nous donne des
leçons. Quelles leçons ? J'en vois personnellement trois :
* La première leçon, est que cette crise
a fait éclater au grand jour la fragilité
de nos économies et de nos écosystèmes, elle a mis en évidence l'interdépendance forte de nos activités dans
un monde globalisé, et peut-être oui,
disons-le : trop globalisé. Cela questionne nos business models, en tout cas
pour les entreprises internationales.
* La deuxième leçon est qu'en montrant
que la pandémie n'était pas sans lien
avec la manière dont nous exploitons la
planète à des fins de croissance, la crise
de la COVID est en train de renforcer
l'aspiration sociétale pour des modes
de consommation et de fonctionnement des entreprises plus respectueux
de l'environnement, plus durables. Les
entreprises ne peuvent désormais plus

" Nous aurions pu considérer que la raison
d'être, c'était le monde d'avant, que l'urgence
était désormais économique. Or nous n'avons
pas voulu faire ce choix entre les deux. "

le sous-estimer.
* Enfin, la troisième leçon est qu'en
donnant à certaines entreprises l'occasion d'exercer leur solidarité en plein
cœur de la crise, la pandémie a permis
aux entreprises de se reposer la question du sens.
En un mot, la crise du COVID-19 peut
jouer comme une source de remise en
question et un révélateur de sens pour
les entreprises.
Quelle est votre expérience de la
Raison d'Être au sein du Groupe
Europcar Mobility Group ?
Notre raison d'être a toujours été là,
dès la création de l'entreprise qui à
l'époque s'appelait non pas Europcar
mais l'Abonnement Automobile : en
1949, quand son fondateur a créé l'entreprise, c'était sur une idée simple,
celle de partager l'automobile pour
faciliter la mobilité des biens et des
personnes.
Mais en 2018, nous avons senti le
besoin de la formaliser, de la pousser
plus loin. Aujourd'hui nous l'exprimons ainsi : offrir des alternatives
attractives à la possession d'un véhicule individuel, de manière responsable et durable. Et cette raison d'être
nous a amenés à voir notre métier
autrement, à le voir au prisme de son
impact sociétal.
En mars 2020, nous avons été percutés
de plein fouet par la crise du COVID-19.
Nous aurions pu considérer que la raison d'être, c'était le monde d'avant, que
l'urgence était désormais économique.

Or nous n'avons pas voulu faire ce choix
entre les deux. Nous avons avancé dans
deux directions, en même temps. Nous
avons lancé un plan d'économies et de
réductions des coûts drastiques, de
mesures tactiques : le contexte nous
l'imposait et nous l'avons mené avec
une grande discipline dans l'exécution, pour que notre Groupe navigue
au mieux dans des mois oscillant entre
-70 et -50% d'activité.
En parallèle, nous avons lancé un
plan de transformation appuyé sur
notre raison d'être. Nous avons donc
fait de notre raison d'être un accélérateur de transformation. En seulement
quelques mois, nous avons complètement revu notre organisation, pour
la focaliser totalement autour de la
réponse aux besoins des clients et pour
que cette organisation traduise, mieux
qu'auparavant, notre raison d'être dans
les différents services du Groupe.
Cela s'est imposé naturellement, c'était
une évidence pour nous, le monde avait
brutalement changé, même si certaines tendances et certains besoins
pré-existaient à cette crise - comme
par exemple le besoin sociétal d'adopter des modes de déplacement plus
vertueux, plus respectueux de l'environnement.
Nous avons pensé que nous devions
apporter notre contribution, faire notre
part face aux enjeux qui se présentaient
et que tout cela serait source de création de valeur. Nous en sommes là, en
plein déploiement de ce plan de transformation, et nous sommes convaincus
d'avoir fait ce qu'il fallait faire.

LA REVUE RH&M N°80 | JANVIER 2021 | P.17

La revue RH&M - N°80 - Janvier 2021

Table des matières de la publication La revue RH&M - N°80 - Janvier 2021