La revue RH&M - N°80 - Janvier 2021 - 23

duction généralisée des reportings
pour s'assurer que chaque seconde,
chaque euro étaient bien employés.
Mais cela avait également lancé une
période de négociation intense afin
d'adapter le tissu conventionnel aux
nouvelles solutions de mise en œuvre
imaginées par les entreprises afin
que les salariés puissent en tirer le
meilleur parti pécunier, en congés ou
en souplesse journalière.
À la sortie, ces transformations ont
généré une présence sur site en
baisse, un recentrage sur l'individu
et donc plus d'individualisme, moins
de convivialité au travail, et pour de
nombreux salariés une perte de sens
du travail, ainsi que pour l'ensemble
des salariés un contrôle renforcé...
d'où une réalisation personnelle
recherchée davantage dans les loisirs
que sur son lieu de travail.
Avec ces nouvelles contraintes de
2020, liées aux règles de distanciation, le phénomène devrait se reproduire avec surement plus d'impacts
encore sur la société.
Dans un premier temps, les entreprises devraient être accaparées par
le sujet des remboursements de frais
de télétravail et de transposition du
droit syndical sur site dans le monde
numérique pour rendre opérationnel l'ANI du 26 novembre 2020,
notamment dans le mode télétravail
contraint. Mais très vite, la question
de l'organisation du travail va être au
cœur des débats tant dans les directions que dans les instances représentatives du personnel.
Car pour des questions de compétitivité et donc de survie économique, les
entreprises vont vite vouloir repasser
en mode optimal de productivité et
ceci en toutes circonstances. Aussi,
nous devrions avoir une augmentation des solutions qui permettent de
limiter les contacts professionnels
via une numérisation des process,
une automatisation accrue (robotisa-

"  Le télétravail doit rester un mode
d'organisation du travail, donc une possibilité
en fonction du travail et non pas un droit. Il doit
être régulé au niveau du collectif de travail par
le management de proximité.  "

tion, IA), une augmentation du télétravail, une adaptation des locaux,
une réorganisation des chaines de
valeurs.
Cette réflexion, ces interrogations sur
l'ensemble de l'activité et des fondements de l'entreprise déboucheront
immanquablement sur l'évolution
des besoins en compétences mais
également sur le volume nécessaire
de salariés. Et pour chaque typologie
de « force de travail », cette réflexion
sera accompagnée par quel type de
contrat, commercial ou de travail en
tenant compte des nouvelles possibilités technologiques.
Le télétravail, une des formes possibles d'organisation du travail, ne
sera qu'une partie du puzzle de la
numérisation de l'économie. Nous
pouvons déjà prédire des discussions enflammées sur les questions
de nombre de jours télétravaillables
et pour quelles populations de salariés concernées.
Pour la CFE-CGC, la massification
du télétravail nécessite de passer
d'une approche individuelle à une
approche collective, de passer d'une
administration d'un droit de jours
fixes, géré comme le temps partiel,
à une possibilité de jours variables
gérée comme l'horaire variable.
Le télétravail doit rester un mode
d'organisation du travail, donc une
possibilité en fonction du travail et
non pas un droit. Il doit être régulé
au niveau du collectif de travail par
le management de proximité.

Dans les années qui viennent des évolutions sont à prévoir dans les règlementations liées à la déconnexion, à
la santé au travail lorsque la prestation se fait au domicile du salarié, au
contrôle de la contrepartie du salaire.
Déjà dans un questionnaire européen en cours, nous avons la question « faut-il passer d'un contrat de
travail fondé sur le nombre d'heures
ouvrées à un contrat fondé sur le travail effectivement fourni ? ».
Enfin la généralisation du télétravail va générer une dichotomie des
emplois via le critère « travaillables »
à distance ou non. A n'en pas douter, si aujourd'hui le télétravail est
vécu par les entreprises comme un
critère d'attractivité pour les postes
de cadre, l'attractivité, la revalorisation des postes non « travaillable à
distance » devraient bientôt s'inviter
au débat. Car tout le monde a envie
de mieux disposer de son temps de
vie, sans occulter la dimension sécuritaire en cas de pandémie. Un des
enjeux pour les entreprises sera de
maintenir voire développer l'engagement des salariés ainsi que l'attractivité de l'entreprise pour disposer de
ressources humaines de qualité.
Après en fonction de l'intensité du
télétravail, du développement massif
ou non de ce dernier, l'aménagement
du territoire et des offres de services associés seront plus ou moins
impactés. Une chose est sûre, nous
ne sommes qu'au début de l'aventure
qui touchera en final l'ensemble du
fonctionnement de la société. 

LA REVUE RH&M N°80 | JANVIER 2021 | P.23
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