La revue RH&M - N°80 - Janvier 2021 - 34

2021, le retour du reengineering
et le pari de l'intelligence grâce
au télétravail ?
La crise sanitaire nous a
appris au moins 2 choses :
1- Le télétravail ça marche,
la majorité des salariés
Patrick Margron
savent faire du bon travail
Coaching & Performance
Managériale
à distance et remplir leurs
objectifs. 2- Toute une série de
processus se sont alors révélés
parfaitement inutiles ou nuisibles. Ce n'est pas nouveau,
mais maintenant c'est clair pour tous et il va être difficile
de continuer à faire semblant. L'exemple le plus flagrant
est celui de l'hôpital. On a feint d'avoir découvert que
les soignants soignent mieux quand ils s'organisent et
décident par eux-mêmes, sans dépendre pour la moindre
chose des procédures mises en place par l'administration
centrale. Redécouverte des vertus de la subsidiarité.
Pourquoi le travail réel est-il de plus en plus
différent du travail prescrit ? Pas nouveau non plus
mais le résultat attendu est de plus en plus personnalisé
et les conditions de terrain de plus en plus variées et
fluctuantes. Ceux qui doivent le délivrer doivent donc
faire preuve de plus en plus d'autonomie et d'initiative
et c'est justement dans ses capacités d'interprétation
et d'action que l'homme puise le sens de son travail.
Or l'une des plus grandes souffrances au travail est le
sentiment de faire du mauvais travail, que cela va durer
et s'aggraver, qu'on en attend pas plus de vous, et que
vous n'y pouvez rien. Souvent le fait d'une organisation
qui ne peut envisager que ses collaborateurs soient des
acteurs responsables et compétents et donc les submerge
de procédures.
La bureaucratie est une oeuvre collective. C'est rarement
le fruit d'un chef maniaque. C'est chacun de nous qui
pousse un « ce serait mieux si, il faudrait aussi, on devrait
ajouter... ». « Le mieux est le mortel ennemi du bien.»
Montesquieu. Le sociologue Max Weber il y a un siècle
définissait la dérive bureaucratique : « C'est quand
l'édiction de règles internes devient une fin en soi, se suffit
à elle-même et empêche de voir la réalité externe. » C'est

P.34 | JANVIER 2021 | N°80 LA REVUE RH&M

donc la responsabilité de chacun de résister à son «mieux
si » et de ne pas nourrir la bête.
Pour une course en montagne performante il
faut partir avec le minimum. C'était l'esprit du
reengineering il a 20 ans -nourri par le mouvement de
l'Analyse de la Valeur- afin de revisiter radicalement les
organisations et les chaines de valeur, supprimer ce qui
n'est pas strictement nécessaire et se concentrer sur ce
qui est ou sera utile, ouvrir les silos et créer des synergies.
Mais il a souvent au contraire engendré des usines à gaz,
peut-être aveuglé par la puissance exponentielle des outils
numériques qui donne l'illusion que l'on peut multiplier à
l'infini les paramètres de gestion, et manquant de courage
et de confiance pour élargir les délégations des salariés et
limiter les niveaux hiérarchiques. Fort de cette expérience
c'est peut-être le moment d'y revenir ?
Et si 2021 était l'année du pari sur l'intelligence ?
2020 à bien des égards a été l'année du pari sur l'obéissance,
ça n'a pas été formidable. Le pari de l'intelligence,
individuelle et collective, est plus fort que le pari de la
confiance qui en est la conséquence. C'est reconnaitre
inconditionnellement l'égale légitimité et capacité de
l'autre à comprendre la situation et trouver une solution
aussi performante que celle que l'on a envisagée. C'est le
pari nécessaire pour redonner l'envie d'entreprendre et la
confiance pour prendre des risques, pour nourrir le désir
d'aller vers les autres et éviter « la fin des débuts1» car il
faut être à plusieurs pour tenter de nouvelles aventures. 

1. J'emprunte cette expression au titre de l'article de Anne-Sophie Moreau dans
philosophie magazine de novembre 2020

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