La revue RH&M - N°80 - Janvier 2021 - 60

| LU POUR VOUS |
Par JEAN-MICHEL GARRIGUES, Directeur des Ressources Humaines
et du développement, BLB Associés

GÉNÉRATION I.A.
Alexandre Pachulski - (E/P/A 2020)

C

et élégant ouvrage de plus
de 200 pages est sous-titré :
«  80 films et séries pour
décrypter l'intelligence artificielle ». Un curieux distrait commettrait alors une
erreur funeste s'il le considérait comme un guide de cinéphile /
téléphile, ou comme un moyen sympathique de passer un moment pour
se distraire. Alors, certes, le livre fourmille de références d'images animées,
et même de photos illustrant telle ou
telle référence de film ou de série, mais,
pour autant, le texte n'a d'autre dessein
que d'éclairer le lecteur sur les fondements de l'intelligence artificielle. Pour
reprendre un intitulé célèbre de Woody
Allen, il aurait pu être « Tout ce que
vous avez toujours voulu savoir sur
l'I.A. sans jamais oser le demander ».
Des fondements éclairés
Les titres des quatre parties sont explicites : qu'est-ce que l'I.A. ? L'I.A. dans
la cité, l'I.A. en quête d'humanité, l'I.A.
est-elle une menace pour l'humanité ?
Un séquencement évident, qui débute par l'historique de l'I.A., depuis
Alan Turing, et qui, déjà, secoue des
croyances populaires, tant sur l'explosion des data que sur la robotisation
à outrance. C'est là tout l'intérêt de la
démarche, conduire le lecteur sur le
chemin de la connaissance illustrée,
par un mode ludique et empreint
de subtilité, car s'il est bien un attrait intergénérationnel, c'est celui
de l'image, qui envahit notre quotidien, souvent au-delà du raisonnable
(combien de nuits blanches passées

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à regarder une série ?). À l'évidence,
les œuvres choisies se situent souvent
dans l'anticipation, le fantastique, la
science-fiction, mais pas seulement,
l'auteur n'hésite pas à attirer notre
attention sur un aspect méconnu d'un
film dit « de grand public », sur un
extrait en lien avec son sujet, que ledit
lien ait été voulu par le scénariste ou
qu'il soit vaguement fortuit.
Des enjeux assumés
Alexandre Pachulski est certes convivial, humaniste, chaleureux, mais il
sait exactement aussi que penser de
cette thématique complexe et tellement fantasmagorique : quelle part de
notre activité allons-nous conserver
dans le phénomène d'automatisation
des métiers ? Comment s'assurer que la
cobotique aboutisse à un complément
de l'homme par la machine, et non à
son remplacement ?
Subtilement, le discours glisse vers le
meilleur de nos attentes envers ce dangereux avatar : l'intégration de l'I.A.
dans l'éducation devrait permettre
d'aider chacun à être soi-même, mais
en mieux, d'aller en quelque sorte
vers une augmentation de soi. Mais
aussi à mieux nous connaître, à nous
permettre d'emprunter de nouveaux
chemins de connaissance et d'évolution, en laissant à l'individu le choix
sans jamais le lui imposer. En effet, la
marge est étroite entre un rôle d'ange
gardien, et celui d'un garde-chiourme,
entre des robots protecteurs et des artefacts privateurs de libertés, entre les
bénéfices d'une prétendue meilleure

fiabilité de l'I.A. et les craintes de la
perte de la chance des erreurs, qui sont
malgré tout une garantie d'humanité.
Des choix déterminés
Reste l'éminente question de la personnalité, de la pleine conscience, du
libre-arbitre : l'I.A., quelle qu'en soit la
forme, pourra-t-elle un jour acquérir
une personnalité, une réflexion sui generis (et pas seulement comparative),
et, étape ultime de la distinction humaine, des sentiments ? Autrement
dit, peut-on les reproduire mécaniquement aussi bien que biologiquement ?
Avons-nous le privilège de la notion
d'absolu, du spirituel, du mystique,
de l'émotion ? Sommes-nous les détenteurs exclusifs de la créativité, de
l'inspiration ? Les créations musicales
de l'I.A., techniquement parfaites, quel
que soit le genre, pourront-elles un jour
pénétrer l'âme comme nous ressentons
l'interprétation ?
Finalement, la conscience reste l'élément différenciant entre l'homme et
la machine, et c'est là la responsabilité
majeure de nos hiérarques bienpensants : oser contrer les intérêts
économiques et financiers, oser initier
une norme, un label, un seuil de sécurité, oser affronter les eaux troubles de
la réalité virtuelle. Embarquez dans
le scénario implacable de cet ouvrage
salutaire ! Et si, finalement, l'homme
avait inventé l'intelligence artificielle
pour se pousser dans ses propres retranchements, et se remettre sur le
chemin de sa véritable nature ? Sic
transit gloria mundi...
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