La revue RH&M - N°82 - Juillet 2021 - 38

Performance sociale
Conseils en droit social
L'acceptation d'une rétrogradation
disciplinaire ne prive pas le salarié de contester
la sanction en justice
NICOLAS
MANCRET
Avocat Associé,
Jeantet - avocats
Dans un tel cas, le refus du salarié interrompt
le délai de deux mois prévu par l'article
L. 1332-4 du Code du travail, dont l'employeur
dispose pour notifier sa sanction à
compter de la convocation à l'entretien préalable.
La convocation du salarié à un entretien
préalable en vue d'une autre sanction disciplinaire
doit alors intervenir dans un délai
de deux mois suivant ce refus (Cass. soc., 27
mai 2021, n°19-17.587). Jusqu'à présent, on
pouvait penser qu'à partir du moment où le
collaborateur acceptait sa rétrogradation,
matérialisée par la signature du contrat de
travail, le différend était définitivement réglé,
mais la Chambre sociale de la Cour de cassation
fragilise désormais cette position.
D
ans l'énoncé des sanctions disciplinaires
dont l'employeur
peut user, il y a la rétrogradation
qui consiste à imposer au
collaborateur une modification
du contrat de travail. En pratique, cette
mesure consiste à replacer le salarié sur un
poste de moindre niveau à celui qu'il occupait
jusqu'à présent.
Il résulte d'une jurisprudence établie que,
même dans le cadre de l'exercice de son
pouvoir de direction, l'employeur ne peut
apporter de modification aux éléments
essentiels du contrat de travail sans avoir
recueilli au préalable l'accord du salarié
(Cass. soc., 4 février 2009,n °07-44.142). À
l'inverse, l'employeur peut imposer un changement
des conditions de travail au salarié,
qui ne peut s'y opposer sous peine de sanction
(Cass. soc., 3 mai 2012, n°10-27.152).
Le même principe s'applique en matière de
pouvoir disciplinaire de l'employeur. Le salarié
peut refuser une modification de son
contrat de travail décidée à titre disciplinaire
(Cass. soc., 17 juin 2009, n°07-44.570 ; Cass.
soc., 20 avril 2017, n°15-19.979).
P.38 | JUILLET 2021 | N°82 LA REVUE RH&M
Par l'arrêt rendu le 14 avril 2021, la Cour de
cassation a eu à connaître d'une situation
dans laquelle le salarié avait accepté une
sanction disciplinaire consistant en la
modification de son contrat de travail. Par
cette décision, la Chambre sociale répond à
la question de savoir si le salarié qui accepte
une modification de son contrat de travail
peut ensuite contester la régularité et le
bien-fondé de la sanction (Cass. soc., 14 avril
2021, n°19-12.180).
En l'espèce, l'employeur avait notifié une
rétrogradation disciplinaire à un salarié,
sous réserve de son acceptation. Le salarié
avait accepté le changement de poste,
contractualisé par voie d'avenant signé et
annoté par lui-même de la mention « lu
et approuvé ». L'avenant précisait son
nouvel emploi et ses attributions, son lieu
de travail, ses conditions d'hébergement, sa
rémunération et la durée du travail.
La Cour d'appel avait considéré que le
salarié avait signé l'avenant en connaissance
de cause, acceptant par conséquent sa
rétrogradation, qu'il n'était plus fondé à
remettre en cause.
La Cour de cassation casse cette décision au
visa des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du
Code du travail, en précisant que « l'acceptation
par le salarié de la modification de son
contrat de travail proposée par l'employeur
à titre de sanction n'emporte pas renonciation
du droit à contester la régularité et le
bien-fondé de la sanction ».
La Cour de cassation reproche à la Cour
d'appel de ne pas s'être assurée de la réalité
des faits, de leur caractère fautif et de la proportionnalité
de la sanction prononcée à la
faute reprochée au salarié.
Elle réaffirme le vaste champ d'application
du contrôle judiciaire des sanctions disciplinaires
opéré par les juges du fond, tenus
par les pouvoirs qui leur sont attribués par
les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du Code
du travail. Selon ces textes, rappelle la
Cour, le Conseil de Prud'hommes apprécie
la régularité de la procédure suivie et si les
faits reprochés au salarié sont de nature à
justifier une sanction. Il peut annuler une
sanction irrégulière en la forme ou injustifiée
ou disproportionnée à la faute commise.
La Cour de cassation distingue par ailleurs
l'acceptation de la modification contractuelle
par le salarié de la reconnaissance de la
faute et de l'adhésion à la sanction. Ainsi,
un salarié peut accepter une rétrogradation
sans pour autant renoncer à contester la
sanction devant les juridictions. Son accord
ne vaut que pour les effets de la mesure
sur son contrat de travail et exclut tout
acquiescement à la sanction disciplinaire.
On décèle aisément tout l'intérêt de cette
jurisprudence : le salarié ne prend pas
le risque de perdre son emploi auquel il
s'exposerait et accepte la modification de
son contrat de travail. Sa situation étant
sécurisée, il décide ensuite de contester la
sanction disciplinaire. Cette nouvelle illustration
jurisprudentielle n'est pas de nature
à sécuriser la relation de travail, objectif
poursuivi semble-t-il par le législateur depuis
plusieurs années.
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