La revue RH&M - N°83 - Octobre 2021 - 19

fameux « politiquement correct ».
Comment le gère-t-on dans l'entreprise
?
Je pense qu'il faut retravailler sur la
spontanéité. Personnellement, je m'impose
le fait de parler le plus librement
possible sans employer trop de « mots
tendance». Finalement, on ne se rend
pas compte qu'en employant ces mots
dévoyés, on entache la liberté d'entreprendre,
de créer et de penser.
Patrick PLEIN | Alors, comment
nommer les choses ?
Je pense qu'il faut les nommer en les
regardant, en allant toujours à la source
dans les dictionnaires. C'est hyper intéressant
tous les mots que l'on emploie à
mauvais escient. Si on remplace ces mots
par des mots plus personnel et tout à fait
corrects, c'est beaucoup plus libératoire
dans l'entreprise. Cela donne beaucoup
plus envie de se mettre autour de la table
et autour d'un projet. C'est pareil pour la
construction des scénarios. Aujourd'hui,
ils ont tendance à être ultra formatés, ce
qui fait perdre la richesse de la création.
Delphine LANCEL | Comment voyezvous
le rôle des managers et des
DRH ?
Je suis fascinée par les mots « Ressources
Humaines ». Cela exprime le
fait de revenir à la source de l'humain.
On conjugue la notion de source et de
ressource, de naissance et de reconnaissance
humaine au sein de l'entreprise.
Quand on va dans une entreprise, on
change son identité, on se présente d'un
point de vue social comme « responsable
de... », donc on rajoute quelque chose
en soi. Et je trouve que ce rôle des Ressources
Humaines est fondamental en
cela. Comment travaille-t-on une nouvelle
identité qui enrichit l'entreprise
et chaque personne par rapport à un
poste ? Je pense que le rôle du Directeur
des Ressources Humaines est presque
celui d'un « accoucheur », d'une nouvelle
personne dans l'entreprise qui s'additionne
à la personne initiale.
Patrick PLEIN | La radicalisation, le
fait religieux, s'invitent de plus en
plus dans l'entreprise. Comment
lutter contre ces faits de société ?
Comment doit-on appréhender
cela ?
J'ai l'impression que cela fait partie du
contrat de départ. C'est vrai que depuis
cinq ans, on le constate beaucoup dans
les entreprises, les écoles... En fait, la
société commence à être imbiber de
quelque chose qui ne nous ressemble
plus du tout.
À mon avis, il faut construire une sorte
de charte de la laïcité dans l'entreprise.
C'est aux dirigeants d'expliquer comment
on se respecte dans ses convictions
dans le cadre de l'entreprise.
Aujourd'hui, il y a une confusion entre
la sphère publique et la sphère privée
et cette chartre permettrait peut-être
de faire une vraie coupure entre la vie
professionnelle et la vie privée, avec nos
propres opinions, notre religion, etc. Ce
serait comme un règlement intérieur
mais en prenant en compte encore plus
les droits et les devoirs de chacun.
Delphine LANCEL | La diversité
des profils doit cependant être
une chance pour l'entreprise. On
parle notamment de plus en plus
de profils hybrides, de profils atypiques.
Comment l'entreprise doit
s'y prendre pour s'accaparer ces
richesses-là ? Voire l'aider à les
construire ?
L'entreprise s'adapte à un marché. Au
début, Racée devait s'appeler Mutant. Si
nous ne mutons pas, nous mourrons. La
créolisation permet une meilleure résistance
et de la robustesse. C'est vrai que
ce n'est pas facile, c'est exigeant mais
c'est ce qui nous permet de vivre mieux.
C'est aussi grâce à la relation à l'autre
que l'on mute et que l'on ressort différent.
Chaque jour, on rentre d'une
certaine manière dans l'entreprise et
l'on en sort autrement, car on apprend
des choses et on expérimente. C'est une
conjugaison entre la mutation individuelle
et la mutation de la personnalité
morale, qu'est l'entreprise. À mon
avis, cela permet aux gens de travailler
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ensemble et de prendre du plaisir
ensemble.
Patrick PLEIN | Vous venez de dire
que l'on mute, que l'on se transforme
et que l'on grandit. Quel
conseil donneriez-vous aux DRH
pour aller vers cet état de fait ?
Un conseil serait évidemment d'être
dans le dialogue avec les salariés et surtout,
d'avoir un vrai travail d'analyse
psychologique de chacun pour voir où
se trouve leur point fort, mais aussi leur
faille et leur souffrance. Quand on reconnaît
une faille dans un salarié, évidemment
avec une pudeur professionnelle,
mais le fait d'en avoir conscience permet
ensuite au salarié de se dire : « Je vais
au travail aussi pour moi-même ». Cela
permet donc de faire avancer l'entreprise
et soi-même dans le même temps.
Or je crois que l'on ne travaille pas assez
dans cette optique.
Avec le Covid, nous avons appris à regarder
l'humain et à lui parler. Je crois que
c'est vraiment la clé, surtout aujourd'hui.
Delphine LANCEL | La dernière
question était : « Le DRH, garant de
l'universalisme dans l'entreprise ».
Qu'en pensez-vous ?
Je pense qu'il faut remplacer « Diversité
» par « Universalisme ». En réalité,
le DRH est en charge de l'addition de
l'infinité des identités et de la créolisation,
c'est-à-dire, comment on arrive à
se dépasser soi-même pour créer autre
chose ensemble sans se dénaturer.
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