La revue RH&M - N°83 - Octobre 2021 - 35

Quelle vision du DRH
dans 20 ans ?
Pékin, automne 2030 | Je retombe sur ce vieil article de 2021 sur les DRH. Cela parait si loin. Heureusement,
aujourd'hui, grâce à la révolution digitale, il n'est plus question de rédaction de contrat, d'entrée
en paye, de fiche de poste, d'annonce à publier, d'organisation de parcours de formation... Nos systèmes
d'informations intelligents ont pris le relais : aujourd'hui, chaque salarié a sa « carte d'évolution » intégrée
qui enregistre en continu ses progrès (son rendement s'il est encore dans l'industrie, l'évolution en
temps réel des critères de succès d'un projet, s'il est dans les services), ses besoins d'amélioration pour
déclencher automatiquement une revue avec son manager ou une formation, son rythme de travail, son
niveau d'attention pour déterminer s'il doit faire une pause...
OLGA
DAMIRON
Chief People & Talent
Officer / EVP CSR
TECHNICOLOR
Dans les années 2025, les DRH ont dû se réinventer. Affranchis de « l'administratif » géré par de gigantesques
Global Business Services, ils ont pu enfin se concentrer sur la raison d'être : celle de l'entreprise,
celle du salarié, celle de nos écosystèmes. Le « Head of People Care » a pris en main la vie des salariés :
enquêtes hebdo sur leur moral, prise en charge de leur santé physique et mentale (vaccins, consultations
obligatoires d'un psychologue, séances de groupe), lieu de vie optimal pour concilier vie professionnelle
et personnelle. Disposant de plus de données que jamais sur l'évolution des marchés, de la productivité,
il a laissé la data lui dicter ses décisions partant du postulat qu'elle ne pouvait avoir tort. Pour reprendre
le titre d'un vieux livre de Mathieu Laine, c'était l'entreprise nounou qui voulait du bien à ses salariés
en les infantilisant. J'ose croire qu'en 2030 nous sommes arrivés à un nouveau degré de maturité où le
« Human Strategy Leader » est partie prenante aux discussions avec les clients car il est un des garants
de l'exécution du travail ; avec les investisseurs car il est le seul à même d'évaluer le capital humain de son entreprise et les
risques associés ; avec les instances politiques pour influencer leurs décisions vers plus d'agilité et de responsabilisation
des citoyens ; avec les partenaires éducatifs auxquels il est pleinement associé à la fois dans la définition et la délivrance de
certains programmes ; avec les salariés dont il est le tuteur et non le parent de substitution.
Je réponds d'autant plus volontiers à cette question, que, dans 20 ans, j'espère ne plus être là, professionnellement
j'entends, pour rendre des comptes sur mes propos. Avant d'avancer, regardons
quelques secondes dans le rétroviseur et faisons un point rapide sur l'évolution de la fonction de DRH.
D'une posture administrative, la fonction est passée en un demi-siècle, à celle de responsable des
relations sociales, puis à celle - plus anecdotique selon moi - de HRBP (Human Resources Business
Partner), pour atterrir aujourd'hui au cœur du réacteur, devenant ainsi partie prenante de la transformation
stratégique de l'organisation et gardien du temple des talents.
Cette vocation à détecter, développer, positionner, et retenir les talents est un fondamental du métier
qui, j'en suis convaincu, résistera au temps. Quelles que soient les conditions et la configuration de
travail - et le niveau de domination des intelligences artificielles - en 2040, le DRH restera le « dénicheur
», celui à même de trouver les femmes et les hommes capables de conduire la transformation
et faire tourner l'entreprise. Dans ces conditions de travail en changement perpétuel - accéléré lors
des crises majeures à l'instar de celle que nous sommes en train de vivre -, le DRH sera plus que
jamais le « rassembleur », le garant du lien entre les équipes, réunies autour d'un projet commun, et
convaincues du sens de leur travail. Enfin, dans une entreprise de plus en plus désincarnée, dans un
espace spatio-temporel bouleversé, dans une organisation matricielle et probablement intégralement
dématérialisée, on attendra du DRH qu'il soit « innovateur » et qu'il mette en place des modes de fonctionnement
adaptés à ces nouveaux environnements. Qu'est-ce que tout cela nous dit sur les qualités du DRH en 2040 si ce n'est
qu'il devra avant tout rester humain...
SÉBASTIEN
GRAFF
DRH - INVIVO
LA REVUE RH&M N°83 | OCTOBRE 2021 | P.35
La revue RH&M - N°83 - Octobre 2021

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