La revue RH&M - N°83 - Octobre 2021 - 46

Performance sociale
Conseils en droit social
L'engagement unilatéral : une voie licite
pour l'inégalité de traitement ?
être maintenue même une fois le
transfert effectué, afin de leur assurer
le maintien des droits découlant de
leur contrat de travail.
S'agissant d'avantages salariaux, ils
peuvent être issus d'un engagement
unilatéral ou le plus souvent du contrat
de travail voire d'un accord collectif
d'entreprise.
NICOLAS
MANCRET
Avocat Associé,
Jeantet - avocats
L'obligation posée par l'article L.1224-1
est parfois à l'origine d'inégalités lors
des transferts de collaborateurs qui
rejoignent une nouvelle entreprise
compte-tenu des différences de rémunération
entre l'entreprise cédée et
celle qui accueille les salariés.
L
e principe fondamental en
droit social affirmant « À
travail égal, salaire égal »
reconnu le 29 octobre 1996
par la Cour de Cassation
dans l'arrêt Ponsolle, fait l'objet d'une
évolution jurisprudentielle constante.
La Cour de cassation a plusieurs fois
été amenée à en préciser la mise en
œuvre, plus récemment dans un
arrêt rendu par la Chambre sociale le
23 juin 2021 à propos d'un transfert
d'entreprise.
L'article L.1224-1 du code du travail
dispose que lors d'une modification de
la situation juridique de l'employeur,
tous les contrats de travail en cours
lors de la modification subsistent entre
le nouvel employeur et le personnel de
l'entreprise.
Si les salariés de l'entreprise cédée,
percevaient une prime, celle-ci doit
La Cour de Cassation poursuit l'évolution
jurisprudentielle en ce sens en
posant le principe selon lequel une
inégalité de traitement (fondée sur un
engagement unilatéral) peut être pratiquée
entre les salariés d'une même
entreprise exerçant un travail égal « si
elle repose sur des raisons objectives
dont le juge doit en contrôler la réalité
et la pertinence » (Cass.soc ., 23 juin
2021 n°19-21.772).
En l'espèce, à la suite d'un transfert
d'entreprise, les salariés dont
les contrats ont été transférés continuaient
de percevoir une prime
d'assiduité perçue chez leur ancien
employeur avant le transfert conformément
à l'article L.1124-1 du code du
travail. Le nouvel employeur décidait
par engagement unilatéral de verser
une prime identique aux salariés du
même site afin d'aligner le traitement
salarial de tous les collaborateurs.
" Une inégalité
de traitement (fondée
sur un engagement
unilatéral) peut être
pratiquée entre les
salariés d'une même
entreprise exerçant
un travail égal "
Les salariés des autres sites de l'entreprise
d'accueil ont estimé être victime
d'une inégalité de traitement puisqu'ils
étaient privés de cette prime d'assiduité.
Les
salariés ont donc saisi la juridiction
prud'homale en invoquant la
violation du principe d'égalité de traitement.
La Cour d'Appel rejette leur
demande et retient le raisonnement
contraire en estimant que la prime
était justement destinée à harmoniser,
et aligner le traitement entre les
salariés d'un même site. Le raisonnement
de la Cour d'Appel est rejoint par
la Cour de cassation qui valide mais
subordonne cette différence de traitement
à l'apport de ce qu'elle qualifie de
« raisons objectives ».
Cette décision est intéressante mais
laisse en suspens de nombreuses questions,
notamment sur la qualification
des « raisons objectives » qui permettent
au juge d'apprécier le respect
de l'égalité de traitement.
P.46 | OCTOBRE 2021 | N°83 LA REVUE RH&M
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