La revue RH&M - N°84 - Janvier 2022 - 9

LE GRAND ENTRETIEN
ce jour. Le retour est très progressif.
Deux facteurs principaux : le télétravail
et certains passagers qui se
reportent encore vers la voiture par
crainte des transports publics. De leur
côté, les télétravailleurs se déplacent
moins et différemment. Nous analysons
encore pourquoi certains usagers
ne sont pas revenus.
Nous y voyons aussi des opportunités
; une part de la reconquête est
dirigée vers de nouveaux passagers.
Ils habitent en périphérie et n'ont pas
toujours de solution de déplacement.
C'est intéressant car cela répond non
seulement à notre enjeu de transition
énergétique, mais aussi à celui
de cohésion sociale et territoriale.
La crise des gilets jaunes en France
a accéléré notre prise de conscience
et nos transformations. Le développement
de grandes métropoles
a poussé en périphérie une grande
partie de leur population historique,
notamment la plus modeste, avec un
renchérissement du coût de la vie, la
création de grandes zones périphériques
urbaines peu denses dans lesquelles
la voiture règne en maître, où
le budget déplacement est très élevé.
Régler le problème des périphéries
avec des solutions alternatives permettra
réellement de restreindre les
véhicules en ville. Imposer des zones
de faible émission n'est pas la solution
car on ne peut exclure les habitants
des périphéries parce qu'ils n'ont pas
le véhicule autorisé. En France en
2019, la LOM, loi d'orientation des
mobilités, intégrait déjà ces enjeux de
desserte des périphéries, au-delà des
métropoles.
L'augmentation du prix des
carburants va-t-elle contribuer
à aller vers plus de transports
publics ?
Très peu. Des études sur les comportements
et le choix entre voiture ou
transports publics montrent que la
motivation essentielle est l'aspect pratique
incluant la durée du transport.
Le prix ne représente que 12%.
Comment avez-vous géré
la crise avec le Comex ?
Le Comex a été un lieu d'animation
et d'échanges. Au quotidien, les réorganisations
en matière de service, de
décision, et même de mesures de protection,
ont été décidées sur le terrain
avec nos clients, élus et collectivités
locales. Le Comex s'est assuré que
l'information et les bonnes idées circulaient
dans tous les pays, y compris
aussi auprès des gouvernements.
Ce rôle du terrain nous a poussés à
accélérer la décentralisation, à repenser
le rôle du siège pour plus de complémentarité
avec les opérations.
En matière de reconquête,
Transdev est sur tous les
fronts : reconquête business,
collaborateurs, voyageurs, etc. ?
Du côté du rail, là où nous étions déjà
légitimes en Allemagne ou en Suède,
nous sommes en train de devenir le
concurrent de la SNCF, afin de faire
du rail un moyen de transport à la
hauteur des attentes des passagers
et peu coûteux pour les collectivités
locales. Nous sommes ainsi le
numéro deux dans le ferroviaire en
Allemagne, 25 ans après l'ouverture
à la concurrence. Notre schéma de
proximité responsabilise les équipes
sur le terrain, s'appuie sur leur qualité
et non sur des processus lourds,
à l'inverse de la SNCF. L'enjeu RH
numéro 1 est de nous assurer d'avoir
les bonnes personnes à la bonne place
pour assurer cette qualité de service
sur le terrain.
En central, nous avons des compétences
spécifiques, sur certains
domaines comme la transition énergétique,
pour aider au choix des batteries,
aux avancées sur l'hydrogène,
au choix des biogaz, des technologies,
des motorisations. Notre modèle d'organisation
est très décentralisé.
Quel rôle tient Caroline Gonin,
DRH recrutée en 2021, dans
cette reconquête ? Est-elle
membre du Comex ?
Le Comex est très resserré : cinq
patrons géographiques (France, Allemagne,
États-Unis, International et
Europe), deux fonctions supports
(RH et finance), et la stratégie de la
transformation. C'est très simple, le
terrain nourrit nos réflexions et nos
impulsions.
Le rôle de la fonction Ressources
Humaines est effectivement important.
Je dis souvent que Transdev,
c'est avant tout des femmes et des
hommes au service des autres. Nous
avons la responsabilité de transporter
11 millions de personnes chaque jour
dans le monde pour aller travailler, se
soigner, aller à l'école ou tout simplement
vivre.
Dans ce contexte, la fonction RH
porte l'ensemble des sujets liés au
personnel ainsi que le domaine de la
RSE, de la co-construction de la stratégie
avec les pays à sa mise en œuvre.
Nous avons notamment des enjeux
forts d'attractivité et de recrutement,
de développement et de formation, de
qualité du management et de diversité.
La qualité du dialogue social est
aussi un incontournable notamment
en France, avec 34 000 salariés. En
sortie de crise, ces enjeux se sont
compliqués avec des attentes salariales
fortes.
Du côté des conducteurs, soit 70% des
effectifs, la pénurie commence à être
extrêmement forte aux États-Unis et
se répand partout. Ce métier est assez
contraignant : une forte amplitude de
4h à 23h, un week-end sur deux travaillé
pour assurer 50% du service.
L'avantage du métier est l'indépendance.
Le conducteur, responsable de
son véhicule et de son service, gère sa
communauté. On lui fait confiance. Le
groupe a engagé un gros travail d'accompagnement
des conducteurs avec
le programme « drivers@transdev »
qui a pour ambition d'apporter des
solutions concrètes à leurs attentes
actuelles (par exemple la digitalisation
du métier), de mieux identifier
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