La revue RH&M - N°86 - Juillet 2022 - 38

Performance sociale
Conseils en droit social
La difficulté à se protéger contre
la contestation d'un accord collectif
d'entreprise
droits propres, un requérant peut soulever
l'illégalité de l'accord collectif sur la base
duquel, le droit qu'il tire de la loi lui est
refusé. Ce dispositif créé par la jurisprudence
va permettre au plaignant, cette
fois-ci sans condition de délai, de soulever
l'illégalité d'une clause d'un accord collectif
au motif que cette disposition violerait
les droits qu'il tire de la loi. Par deux arrêts
du 2 mars 2022, la Chambre sociale de la
Cour de cassation vient consacrer ce droit.
NICOLAS
MANCRET
Avocat Associé,
Jeantet - Avocats
L
a négociation collective d'entreprise
s'est invitée dans le
dialogue social et devient un
outil normatif incontournable.
Une fois signée, l'accord collectif
d'entreprise peut être contesté.
Traditionnellement, la contestation de la
légalité d'un accord collectif prend la forme
d'une action en nullité intentée devant les
tribunaux. Le code du travail encadre cette
action judiciaire à l'article L. 2262-14 et
dispose que « toute action en nullité de
tout ou partie d'une convention ou d'un accord
collectif doit, à peine d'irrecevabilité,
être engagé dans un délai de deux mois ».
Passé ce délai, l'employeur n'est pas à
l'abri de la remise en cause de l'accord.
En effet, il existe un autre moyen de
contester la légalité d'un accord collectif
par le recours à la technique procédurale
de l'exception d'illégalité : à l'occasion
d'un litige portant sur la revendication de
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Dans une première décision, elle reconnait
au CSE, la possibilité de contester
sans condition de délai, la légalité d'une
disposition de l'accord collectif d'entreprise
organisant au seul périmètre du
CSE central, les expertises dans le cadre
des consultations récurrentes sur la situation
économique et sociale de l'entreprise.
Dans une seconde affaire, une organisation
syndicale se voit autoriser à contester
par voie d'exception la validité d'un accord
d'entreprise qui portait sur le périmètre
des CSE dès lors que celui-ci privait le
syndicat du droit de désigner un délégué
syndical au niveau de l'établissement
comme la loi l'y autorise.
En l'espèce, si le contenu de chacune des
clauses de l'accord litigieux était différent,
les deux affaires avaient un point
commun : la légalité des accords collectifs
était contestée par un tiers à l'accord.
Dans un cas, il s'agissait d'un Comité
social et économique (Cass., soc. 2 mars
2022, n°20-16.002) et dans l'autre d'un
syndicat non-signataire de l'accord collectif
litigieux (Cass., soc., 2 mars 2022,
n°20-18.442).
La Cour de cassation, par ces arrêts,
consacre dans le contentieux judiciaire
l'exception d'illégalité. Cette technique,
inspirée du droit administratif, est à l'origine
un moyen de contester la légalité
d'une décision administrative qui repose
sur une décision illégale. Son extension
dans le champ du droit du travail permet
de surmonter le délai bref de l'action en
nullité.
Alors que dans sa décision de 2018, le
conseil constitutionnel ne semblait ouvrir
qu'aux seuls salariés la voie de l'exception
d'illégalité, la Cour de cassation adopte
une démarche plus extensive. Sans la
généraliser à tous les tiers, l'exception
d'illégalité est largement ouverte : tant le
CSE qu'un syndicat non-signataire est recevable
à invoquer par voie d'exception la
clause d'un accord collectif. La solution de
la Cour s'appuie le droit à un recours juridictionnel
effectif (Déclaration de 1789,
art. 16 ; Conv. de sauvegarde des droits de
l'homme, art.6).
Encore faut-il cependant que le CSE démontre
que la clause « viole ses droits
propres résultant des prérogatives qui
lui sont reconnus par la loi » (la défense
de son droit à l'expertise en l'espèce). Le
syndicat non-signataire est quant à lui
recevable à condition de démontrer que
la clause « s'oppose à l'exercice des droits
propres résultant des prérogatives syndicales
qui lui sont reconnues par la loi » (la
possibilité de désigner un délégué syndical
en l'espèce).
L'enfermement de l'action en nullité dans
le délai de deux mois organisée par les ordonnances
du 22 septembre 2017 devait
restaurer la nécessaire sécurité juridique
des accords collectif. L'objectif du législateur
est semble-t-il battu en brèche.
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