La revue RH&M - N°88 - Janvier 2023 - 22

ANALYSES
Delphine LANCEL
J'ai une question en vous entendant
: quel lien peut-on faire entre
diversité, inclusion et performance ?
Aurélie JUDLIN
On se rend compte que lorsque l'on conçoit
et met en oeuvre des politiques de qualité
de vie au travail au sens large, il y a de toute
façon un effet économique positif. C'est un
raisonnement qui n'a même plus besoin
d'être fait : " Quelqu'un qui va bien au travail,
est plus productif, plus créatif ; il a
envie d'embarquer ses camarades ; c'est un
promoteur de l'entreprise... "
De plus, comme le dit Erwan : je trouve que
c'est intéressant ce lien sur le fait d'avoir
une entreprise qui reflète le monde dans
lequel on vit. Finalement, c'est s'adresser à
ses consommateurs, ou à ses bénéficiaires,
de manière globale.
Carine COHEN
Je reviens sur ce que tu disais : si l'on
conçoit la diversité en la confiant uniquement
aux RH, ça va être compliqué d'embarquer
tout le monde. Si on essaie de faire
un lien avec la performance de l'entreprise,
ça permet d'embarquer la direction générale
qui va se sentir plus intéressée par
rapport à la finalité globale.
De plus en plus de sociétés se disent " Au
lieu de valoriser la performance de mes
salariés managers uniquement sur des
objectifs chiffrés, je vais aussi associer des
objectifs liés à leur soft skills tels que : quel
est le turn-over de ton équipe ? Comment
se mesure le bien-être de ton équipe par
rapport au taux d'absentéisme ? etc. "
Cela permet aussi de lier bien-être, qualité
de vie au travail, inclusion et performance.
Delphine LANCEL
J'ai une dernière question presque
philosophique: Comment arrivet-on
à résoudre cette problématique
de valeurs universalistes lorsque
l'on a des équipes internationales ?
Aurélie JUDLIN
On a beaucoup parlé du législateur et on
a peu parlé du règlement intérieur. On
essaie de sensibiliser nos clients sur cette
marge de manœuvre qu'ils ont. Finalement,
le règlement intérieur, c'est ce qui
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vient régir les comportements à l'intérieur
de l'entreprise. Le fait de poser un cadre
de bienveillance, qui n'est pas forcément
le cas effectivement partout, quand on
va sur des pays qui sont plus sensibles au
niveau des droits de l'homme et encore
plus des droits de la femme, le fait de pouvoir
dire : « L'incarnation de nos valeurs se
voit dans notre règlement intérieur et dans
la manière dont on régit les relations entre
collègues, dans le cadre de l'entreprise et
dans les murs de l'entreprise. », c'est un
levier. Il ne faut pas oublier de l'actionner.
Cela ne résout pas tous les problèmes auxquels
les managers sont confrontés localement,
mais c'est un outil qui peut leur
être utile.
Quoi qu'on fasse, je pense qu'il est hyper
important de s'appuyer sur les RH locaux.
On ne peut pas être sur du réglementaire
descendant.
Carine COHEN
Je ne peux que m'associer à ce que dit
Aurélie. C'est vrai qu'avoir par exemple
un groupe français avec des filiales un peu
partout dans le monde, et se dire : « Pour
me conformer à mes obligations légales,
je vais mettre en place une politique au
travers d'une charte et je la transfère aux
filiales.» ça ne marche pas parce qu'on a un
problème culturel. On a des façons de vivre
ensemble qui ne sont pas les mêmes. C'est
pour ça qu'il est important de s'appuyer
sur des relais locaux qui vont prendre le
principe, la grande ligne directrice de cette
politique, et la décliner avec leur grille de
lecture locale adaptée à leur culture locale.
Delphine LANCEL
Un petit mot de conclusion ?
Erwan LE TALLEC
C'est un sujet de géométrie spatiale :
C'est un sujet de largeur, car on voit bien
que les sujets qui sont en lien avec ce
thème de diversité et inclusion sont extrêmement
larges.
C'est un sujet de profondeur, car c'est un
sujet de transformation culturelle de nos
entreprises, qui part du haut mais qui doit
descendre jusqu'en bas.
Carine COHEN
Les entreprises mettent en place de plus en
plus de politiques qui prennent en compte
cette diversité et qui favorisent cette inclusion.
C'est devenu un élément essentiel
pour l'attractivité des talents. Ça va plus
loin que ce qui est prévu par le législateur
(par exemple, politiques concernant
les LGBTQ+, les questions de violences
domestiques...)
L'entreprise essaie de créer un cadre de
bien-être et de bienveillance au travail
pour permettre cette inclusion. Il faut
toujours bien garder en tête ce principe
de non-discrimination, qui est central en
droit du travail, mais saluer les initiatives
des entreprises qui essaient de toujours
faire plus pour permettre d'être un lieu
d'accueil ouvert à tous leurs salariés.
Aurélie JUDLIN
En conclusion, je crois que ce que j'ai envie
de dire, c'est qu'il faut impérativement que
ces questions de diversité et d'inclusion ne
soient pas la seule et unique responsabilité
des RH. Je pense que c'est vraiment
important d'en faire un sujet d'entreprise,
un sujet stratégique. Il y a une logique très
basico-basique d'attraction des talents,
d'assurer la pérennité de son entreprise,
mais je pense que cela va au-delà de cela.
Je pense que l'entreprise aujourd'hui a
un rôle encore plus important et un territoire
augmenté en matière de champs
d'action qu'elle n'avait précédemment.
C'est-à-dire qu'on est passé d'une logique
très économique, production de valeur,
etc. à un déplacement de la valeur : on se
rend compte que la valeur sociale est aussi
importante. On voit les entreprises qui se
challengent sur leur raison d'être. Il y a un
vrai mouvement de fond qui s'amorce, et
pour que, finalement, ce soit assez pérenne
et vertueux, il faut absolument que l'ensemble
des acteurs et des actrices de l'entreprise
soit concerné et impliqué dans la
démarche.
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